21 janvier 1959

(Lettre de Satprem à Mère)

Rameswaram, 21 janvier 1959

Douce Mère,

Voici ce que X. m’a dit: «J’ai reçu un message de mon gourou[1]. Dans ma vision, la Mère était là, à côté de mon gourou, et elle souriait. Mon gourou m’a dit que tes difficultés actuelles sont ta période d’examen mais que je pouvais dès maintenant te donner le premier degré de l’initiation tantrique et que pour toi, les trois degrés de l’initiation pouvaient se faire de façon accélérée. Je te donnerai donc l’initiation ce vendredi ou samedi, le jour de la pleine lune ou la veille. Ce premier degré durera 3 mois pendant lesquels tu devras répéter 1 lakh[2] le mantra que je te donnerai. Au bout de 3 mois, j’irai te voir à Pondichéry, ou tu viendras ici pendant une quinzaine, et dès que j’aurai reçu le message de mon gourou, je te donnerai le 2° degré qui durera également 3 mois. A la fin de ces 3 mois, tu recevras la pleine initiation.» X. m’a averti que le 1er degré que je vais recevoir provoquait des attaques et des épreuves mais que tout cela disparaissait avec le 2° degré. Un homme averti en vaut deux. Pour je ne sais quelle raison, X. m’a dit que le caractère particulier de mon initiation devait rester secret et qu’il n’en dirait rien au Swami, et il a ajouté, parlant de la rapidité de la chose: «but you will not be less than the Swami»[3] (!!) Voilà, je voulais que tu saches – d’ailleurs tu étais là dans la vision de X. Tout cela est arrivé au moment où j’étais dans la crise la plus désespérée que j’aie connue. Douce Mère, je n’en finirai jamais de te dire ma gratitude, et pourtant à la moindre épreuve, je suis anéanti. Pourquoi as-tu tant de grâce pour moi?

Je voudrais bien revenir à Pondichéry pour le Darshan de février et me remettre à travailler pour toi. J’envoie aujourd’hui un 2e paquet à Pavitra et demain je me mets aux Aphorismes car je ne veux pas te faire attendre davantage. J’enverrai un 3° et dernier paquet à Pavitra pour la fin du mois, à temps pour l’impression. Je suis très touché, douce Mère, de ton attention et des billets que tu m’envoies.

Douce Mère, que toute ma vie soit à ton service, que tout mon être t’appartienne. Je te dois tout.

Avec amour et gratitude je suis ton enfant.

Signé: Satprem

Douce Mère, ne perds pas de temps à m’écrire, tu as tant de choses sur les bras et je suis un peu gêné de tant te déranger.

(Réponse de Mère)

Sri Aurobindo Ashram
Pondichéry, 27.1.59

Mon cher enfant,

J’attendais pour répondre à ta lettre du 21 que le vendredi et le samedi dont tu m’as parlé soient passés. Et puis j’ai senti que tu me renvoyais les Aphorismes, et j’ai attendu encore un peu. Je viens de les recevoir avec ta lettre du 23. Je ne les ai pas encore regardés. D’ailleurs, si tu as toujours l’intention de revenir pour le «darshan» de février, je pense qu’il serait préférable que nous revoyions le livre tout entier ensemble. Il n’y aura pas beaucoup de travail en ce qui me concerne puisque les classes du mercredi et du vendredi sont interrompues depuis le commencement de décembre, et je ne sais pas encore quand elles reprendront[4]. En ce moment, je traduis toute seule les Aphorismes et cela semble aller vite et bien. Cela aussi pourra être revu et le livre sur le Dhammapada mis en ordre pour la publication.

Pour le moment, je ne descends que le matin à 6 h pour le balcon et je remonte tout de suite sans voir personne – et l’après-midi je descends encore vers 3 h pour prendre mon bain et à 4 h 30 je remonte. Je ne sais encore ce qui se passera le mois prochain. Il faudra que je trouve un moyen de te rencontrer pour que nous puissions travailler ensemble – Je vais y réfléchir.

Je ne te demande pas de m’écrire des nouvelles[5], parce que je sais que ce sont des choses sur lesquelles il vaut mieux ne pas écrire. Mais tu sais que cela m’intéresse vivement.

Mon amour est toujours avec toi pour t’envelopper et te soutenir.

Les bénédictions de la Grâce sont sur toi.

Signé: Mère

@

[1]. Le gourou (décédé) de X.

[2]. Un lakh = cent mille fois.

[3]. «Mais tu ne seras pas inférieur au Swami.»

[4]. Elles ne reprendront jamais.

[5]. De l’initiation.

Hosted by uCoz