24 janvier 1961

Maintenant, j’ai quelque chose à te dire... On travaillera après. Depuis la nuit d’avant-hier, dans la nuit, au milieu de la nuit, je me suis réveillée (éveillée plutôt) avec l’impression d’avoir, dans mon corps, un être beaucoup plus grand (grand, je veux dire gros, volumineux) et beaucoup plus puissant que je n’en avais l’habitude. C’était comme s’il pouvait à peine tenir dedans: il débordait. Et c’était si compactement puissant que c’était presque gênant. N’est-ce pas, l’impression: quoi faire de tout ça?

C’était au milieu de la nuit, ça a duré toute la nuit; et toute la journée j’ai eu l’impression d’avoir beaucoup de peine à contenir une puissance débordante qui spontanément créait des réactions absolument disproportionnées avec un corps humain et qui me faisait parler... quand quelque chose n’allait pas: pan! la réponse était immédiate et tellement forte – j’avais l’air de me mettre en colère! Et j’avais de la peine à contrôler le mouvement: le matin c’était déjà arrivé et dans l’après-midi ça a failli arriver aussi. Je me suis dit: «Cette dernière attaque m’a terriblement affaiblie! Je n’ai pas la force de tenir le Pouvoir; c’est difficile d’être calme et de contrôler.» C’était ma première pensée. Alors j’insistais sur le calme.

Hier après-midi, quand je suis montée pour marcher[1], il s’est produit une ou deux choses – pas personnelles mais d’ordre général – , par exemple, à propos de certaines vieilles traditions vis-à-vis des femmes et de la nature particulière des femmes (pas psychologique: matérielle), comme cela, des vieilles idées qui m’avaient toujours paru absolument imbéciles mais qui, tout d’un coup, ont provoqué une sorte de réprobation tout à fait disproportionnée avec le fait lui-même. Et puis une ou deux autres choses[2] sont arrivées à propos de certaines gens, certaines circonstances (tout cela, sans relation personnelle avec moi: ça venait comme ça, d’ici et de là). Et alors, tout d’un coup, j’ai vu venir une Force («venir», enfin se manifester) qui était la même que cette «chose» que j’avais sentie au-dedans de moi, mais alors encore plus grande, qui s’est mise à tourner comme cela sur la terre et dans les circonstances... oh! avec une... comme un ouragan de pouvoir compact. Et qui allait, et qui avait des intentions – que tout cela, ça change! Il fallait que ça change. A tout prix il faut que ça change!

J’étais là-haut comme d’habitude (Mère fait un geste au-dessus de sa tête, pour désigner la conscience d’en-haut), je regardais ça (Mère se penche comme pour regarder la terre en dessous), et je me disais: «Tiens, ça commence à être dangereux. Si ça continue comme cela, ça finira par... par une guerre ou une révolution ou une catastrophe, un raz de marée ou un tremblement de terre.» Alors j’ai essayé de ramener la conscience la plus haute, celle de la sérénité parfaite, et surtout je voyais: c’était celle qui a reçu pour mission de transformer la terre au moyen du Supramental, de la Force supramentale, en évitant autant que possible toutes les catastrophes; faire l’Œuvre d’une façon lumineuse et harmonieuse, autant que la terre peut le permettre – même au besoin en allant moins vite. C’était cela, l’idée. Et j’ai essayé de contrebalancer cette espèce de tourbillon-là avec ça.

(long silence)

Je dois dire que, après cela, quand j’ai lu Le Secret du Véda comme je le fais tous les soirs... Je suis très en contact avec tout ce monde védique depuis que je lis ce livre: je vois des êtres, j’entends des phrases... Ça se meut dans une sorte de conscience subliminale, beaucoup dans la vieille tradition védique. (Et même, je me suis aperçue – c’est une parenthèse – que cette espèce de bain de marbre rose dont je t’ai parlé la dernière fois, que la Nature m’avait offert, cela appartenait au monde védique, à une civilisation de cette époque[3].) Et il y avait – il y a tout le temps – des mots sanscrits qui viennent, des phrases, des choses qui se répondent... Ça a son intérêt parce que, ce que j’avais vu l’autre jour et que je t’ai raconté, et puis ce que je voyais hier – tout ce domaine, tout cela – , j’ai vu que c’était en rapport avec ce que, dans le Véda, on appelle les dasyus (les panis et les dasyus[4]), les ennemis de la Lumière. Et cette Force qui venait, c’était très clairement une puissance comme celle (mais plus grande, plus formidable) comme celle d’Indra[5], mais quelque chose de plus-plus formidable que cela, et qui était en lutte contre tout ce qui était obscur partout, comme cela (Mère dessine en l’air un tourbillon de force qui va toucher des points ici et là à travers le monde), tout ce qui était obscur; chaque chose, les idées, les gens, les mouvements, les événements qui faisaient des taches – des taches d’ombre – étaient attaqués par cette Force. Et ça allait: une puissance formidable qui était tellement grande que mes mains en étaient comme ça (Mère tient ses deux poings serrés). Alors quand j’ai lu après (il se trouve que j’ai justement lu le chapitre qui concernait la lutte contre les dasyus), ce rapprochement m’a intéressée parce que l’expérience n’était pas du tout intellectuelle ni mentale – il n’y avait pas d’idée, il n’y avait pas de pensée.

Le reste de la soirée s’est passé comme d’habitude. Je me suis couchée et, exactement à minuit moins le quart, je me suis levée avec l’impression que cette «présence» en moi s’était encore accrue et que c’était vraiment un peu formidable... J’ai dû mettre beaucoup de paix et de confiance dans mon corps qui avait l’impression que... ce n’était pas très commode à supporter. Alors je me suis concentrée, je lui ai dit d’être tranquille et de se laisser aller complètement.

A minuit, j’étais dans mon lit. Et alors, de minuit à une heure... (je suis restée dans mon lit absolument éveillée; je ne sais pas si mes yeux étaient ouverts ou clos mais j’étais tout à fait éveillée, pas en transe: j’entendais tous les bruits, les pendules, etc.), et alors (j’étais couchée à plat) tout le corps – mais un corps qui était un peu agrandi, c’est-à-dire que ça dépassait la forme purement physique – est devenu une vibration extrêmement rapide et intense, mais immobile. Je ne sais pas comment tu peux expliquer cela parce que ça ne bougeait pas dans l’espace, et pourtant c’était une vibration (c’est-à-dire que ce n’était pas immobile), mais c’était immobile dans l’espace. Et la forme exacte du corps: absolument la Lumière blanche la plus éclatante de la Conscience suprême – la conscience du Suprême. C’était dans le corps et c’était comme si dans chaque cellule il y avait une vibration et que c’était tout d’un seul bloc de vibration. Et ça dépassait à peu près comme ça: (geste débordant partout le corps de dix centimètres environ). J’étais absolument immobile dans mon lit. Et alors, ça, sans bouger, sans se déplacer, a commencé à s’élever consciemment – sans bouger, n’est-ce pas: je restais comme cela (Mère tient ses deux mains jointes, immobiles, à hauteur du front, comme si tout son corps montait en prière) – consciemment, comme une ascension de cette conscience[6] vers la Conscience suprême. Le corps était à plat, comme ça.

Et pendant un quart d’heure, ça a monté, monté, sans bouger. La conscience a monté comme ça, monté, monté, monté – monté jusqu’à ce que... la jonction s’est faite.

Une jonction absolument éveillée, consciente: pas de transe.

Et alors la conscience est devenue la Conscience UNE, parfaite, éternelle, hors du temps, hors de l’espace, hors du mouvement, hors de... hors de tout, dans une... je ne sais pas, une extase, une béatitude, quelque chose d’innommable.

(silence)

C’était la conscience du corps.

Cette expérience-là, je l’ai eue en extériorisation et en transe; mais cette fois-ci c’était le corps, la conscience du corps.

C’est resté comme cela pendant un certain temps (j’ai su que c’était un quart d’heure à cause de la pendule qui a sonné), mais, n’est-ce pas, c’était tout à fait hors du temps. C’était une éternité.

Et alors, avec la même précision, le même calme, la même conscience voulue, claire et concentrée (absolument rien de mental ), j’ai commencé à redescendre. Et à mesure que je redescendais, je me suis aperçue que toute cette difficulté avec laquelle je me battais l’autre jour et qui a créé cette maladie: ab-so-lu-ment terminée, annulée – la maîtrise. Pas même maîtrise, n’est-ce pas, l’inexistence de quoi que ce soit qu’il y ait à maîtriser: simplement, la vibration, du haut en bas. Et il n’y avait plus ni haut ni bas ni tout ça.

Ça a duré comme cela.

Et alors, après cela, lentement, toujours sans bouger, tout est rentré dans chacun des différents centres de l’être. (Ah! j’ouvre une parenthèse pour dire que ce n’était pas du tout la montée d’une force comme la montée de la Koundalini, ça n’avait rien à voir avec cela, absolument rien à voir avec la Koundalini et les centres, ce n’était pas du tout cela.) Mais en redescendant, c’est comme si, sans quitter cet état-là, sans quitter cet état qui est resté conscient tout le temps, cette suprême Conscience a commencé à remettre en mouvement ou en activité les différents centres: ici d’abord (Mère touche le centre au-dessus de la tête), puis là, là, là (Mère touche le sommet de la tête, le front, la gorge, la poitrine, etc.). A chacun, il y avait une pause, en ce sens que cette nouvelle réalisation organisait tout ce qui était là. Elle organisait et prenait les décisions nécessaires (même en détail: quelquefois de tout petits détails, comme ce qu’il faut faire dans ce cas-ci, ce qu’il faut dire dans ce cas-là), tout ça ensemble – d’un seul coup, pas l’un après l’autre – , entièrement vu ensemble, d’un seul coup. C’est descendu (il y a des choses que j’ai notées, c’était très intéressant), c’est descendu comme cela de plus en plus, de plus en plus, de plus en plus – jusqu’en bas. Et tout est resté en même temps[7], simultané; et en même temps cette Conscience suprême organisait séparément[8].

Cette réorganisation descendante s’est terminée exactement à une heure, quand la pendule a sonné 1 heure. Et alors, à ce moment-là, j’ai su qu’il fallait entrer en transe pour que le travail soit parfait (mais jusque là j’étais absolument éveillée).

Alors j’ai coulé dans la transe.

Et de cette transe, je suis sortie à 3h du matin, deux heures après. Et pendant ces deux heures, j’ai vu, alors avec une nouvelle conscience, une nouvelle vision, et surtout un nouveau pouvoir, j’ai eu la vision de tout le Travail: tous les gens, toutes les choses, toutes les organisations, tout. Et c’était... c’était différent en apparence (mais ça, c’est seulement parce que les apparences dépendent des nécessités du moment), mais c’était surtout différent en pouvoir – ça, considérable. Considérable. C’était le pouvoir qui n’était plus le même[9].

Et vraiment, un changement essentiel dans le corps.

Je vois qu’il faudra qu’il... (comment dire?) qu’il s’habitue, qu’il s’accoutume à ce nouveau Pouvoir. Mais enfin, essentiellement, le changement est accompli.

Ce n’est pas – c’est loin, très loin d’être le changement final, il s’en faut de beaucoup. Mais on peut dire: c’est la présence consciente et totale de la Force supramentale dans le corps.

(silence)

Tout cela, je me le suis dit, ou plutôt je me le suis redit quand je me suis levée ce matin et ma première impression était de ne pas en parler, de regarder et de voir ce qui allait arriver, lorsque j’ai reçu un Ordre tout à fait précis de te le dire à toi, ce matin. Il fallait que ce soit noté tel que ça s’était passé, pour que ce soit gardé exactement comme ça. Voilà.

Alors maintenant, dans ce corps, il y a très clairement la... pas seulement une certitude, une espèce de sensation (c’est feeling) qu’une certaine toute-puissance n’est pas loin: que bientôt, quand il verra («il» verra... n’est-ce pas, «il»! il n’y a plus qu’un «Il» dans toute cette affaire – qui n’est ni «il» ni «elle» ni...) verra que telle chose doit être, automatiquement ce sera.

C’est encore un long-long chemin. Mais le premier pas est sur la route. Voilà[10].

* * *

(Peu après, à propos de l’épidémie de grippe qui sévit:)

Il y a une épidémie terrible dans le pays, une triple épidémie. Tu as un domestique qui vient chez toi?... Personne n’est malade dans sa famille? Parce que voilà ce qui se passe: ils ne veulent pas perdre ni leur place ni leur travail ni leur argent, alors ils ne préviennent pas. Ils ont la variole, la rougeole ou la varicelle et ils ne prennent aucun soin, ni de se laver ni de changer de vêtements. Ils arrivent et vous apportent ça naturellement. Alors les cas se multiplient et se multiplient. Justement, je voulais dire à Pavitra qu’il fasse attention à son petit bougre, que déjà en temps ordinaire je n’aime pas voir circuler ici... C’est curieux comme ça salit l’atmosphère – oh! on ne peut pas se figurer! presque tous, presque tous!

Ce n’est pas du tout, du tout la même chose qu’en Europe ou dans les pays d’Occident ou en Amérique. Au fond, tous ces gens, dans tous les autres pays, sont fait de la même substance que nous. Mais ici, ce n’est pas cela! Parce que pendant des siècles, ça n’a plus bougé: par exemple, un brahmane restait toujours brahmane, un kshatria était toujours kshatria et tous leurs serviteurs étaient des kshatrias. Ça restait en famille, comme cela, c’est-à-dire que dans chaque caste, c’étaient les gens de la caste (généralement un parent pauvre) qui étaient serviteurs. Ce n’était peut-être pas très joli au point de vue social, mais au point de vue atmosphère c’était très bien. Et c’est l’invasion musulmane d’abord, mais surtout anglaise, qui a changé cela.

Mais, n’est-ce pas, les Anglais n’ont jamais été servis que par des parias (et «parias», c’est nous, les Européens, qui les avons appelés comme cela! ) Mais les parias, ce n’étaient pas cela – on n’était pas paria de naissance: on était paria D’habitudes.

J’ai étudié le problème de très près (parce que, quand on vient d’Europe, on vient avec toutes les idées européennes – on ne sait rien, on ne comprend rien aux choses). Mais j’ai été en contact tout de suite avec ces gens. J’ai été en contact avec des serviteurs brahmanes et avec des serviteurs parias. Et alors... (je ne le savais pas, je ne savais pas que les uns étaient brahmanes et les autres parias, on ne m’avait rien dit; cela dépendait des gens avec qui j’étais et des endroits où j’allais), mais le contact, l’atmosphère (Mère fait le geste de palper quelque chose de très concret)... Tu sais, je n’avais même pas besoin de les toucher physiquement! C’était tellement différent que j’ai dit à Sri Aurobindo: «Mais enfin, qu’est-ce que c’est ça?» Alors c’est lui qui m’a tout expliqué.

N’est-ce pas, ces gens, originellement, étaient ceux qui prenaient leur joie (leur plaisir) dans la saleté, dans le mensonge, dans le crime, dans la violence, dans le vol. C’était pour eux une joie. Et ils avaient des castes: il y a une caste de brigands ici encore (je suis allée dans leur village pour voir), une caste de brigands, des gens qui ont toujours un poignard. Et pour eux, le plus grand plaisir est de jouer du poignard. Voler, pas tant par besoin que par plaisir. Et alors sales! ayant l’horreur de la propreté, l’horreur. Et qui, par délice, disent des mensonges comme cela, même au besoin en se contredisant dans le même quart d’heure, pour le plaisir de dire des mensonges.

Ça fait une atmosphère... comme ça, qui se touche. (Mère palpe l’atmosphère)

J’ai eu avec moi une femme qui était née parmi ces gens. Elle avait été prise par Thomas (le musicien français qui a composé cet opéra-comique, Mignon). Ils étaient venus ici dans l’Inde, ils avaient trouvé cette petite qui était toute jeunette à l’époque: elle avait treize ans, elle était jolie et elle était gentille. Et ils l’avaient prise comme bonne d’enfant. Elle a été exportée en France, traitée par eux comme une enfant de la famille, soignée, éduquée; on lui a tout-tout donné, on la traitait absolument comme un membre de la famille. Elle est restée vingt ans là-bas. Et elle avait des facultés, elle avait le don de voyance et pouvait prophétiser: elle lisait dans la main d’une façon merveilleuse (en France, elle a même travaillé un certain temps dans un café-concert, au Moulin-Rouge, ou un endroit de ce genre, comme «voyante hindoue»! Elle était maha-rani bien sûr! avec des bijoux magnifiques – elle était très jolie d’ailleurs). Bref, elle était complètement sortie de ses habitudes.

Elle est revenue ici. Je l’ai prise. J’ai continué à la traiter presque comme une amie, je l’ai aidée à développer ses facultés... Mon petit! ce qu’elle a pu commencer à être sale, à mentir, à voler – et tout cela, absolument sans besoin (elle avait de l’argent, elle était bien traitée, elle avait tout ce qu’il lui fallait, elle mangeait comme nous, il n’y avait donc aucune raison!) Et alors, quand je lui ai dit: «Mais pourquoi, pourquoi?» (elle n’était plus toute jeune à ce moment-là), elle m’a répondu: «Quand je suis revenue ici, j’ai été reprise, comme ça, c’est plus fort que moi.» Ça a été une révélation pour moi! Parce que ça a résisté à l’éducation.

Nous, nous avons l’idée que c’est parce que le milieu est mauvais, que l’éducation est mauvaise, que les conditions sont difficiles, et que c’est pour cela qu’ils sont comme cela – ce n’est pas vrai! Us représentent quelque chose, un certain genre de force et de vibration dans l’économie universelle. Et il faut, ou que ce soit dissout, ou transformé... Transformé? – Ça, c’est peut-être... Ça disparaîtra peut-être avec les forces adverses. Ça disparaîtra peut-être quand tout sera transformé – je ne sais pas quand.

Mais en tout cas, j’ai vraiment essayé de mon mieux, avec tout le pouvoir que j’avais, toute la connaissance que j’avais (et vraiment je l’aimais beaucoup, ce n’était pas du tout affaire de charité ni rien de tout cela: je la trouvais très intéressante), mais j’ai vu cela, n’est-ce pas, vraiment avec une sorte d’horreur, que ça l’a reprise, ça l’a reprise, ça l’a reprise, et de jour en jour, de jour en jour... au point qu’on a été obligé de la renvoyer, de lui dire: Va-t-en. Elle a dit: «Oui, je comprends. Je ne peux pas rester.»

Tu comprends, depuis l’âge de treize ans en France! Avec tout ce que ces gens ont fait (Ambroise Thomas! c’étaient eux, je me souviens maintenant, ils avaient été si gentils pour elle). Et puis elle avait pris de très bonnes manières naturellement, toutes les apparences étaient là.

Tout cela pour te dire qu’il y a des contacts qui ne sont pas très favorables. Et je comprends très bien: jamais je ne pourrais tolérer que des gens comme cela rentrent chez moi – il me faudrait quelquefois des heures et des heures pour remettre les choses en état!

Il faut faire attention. Et ici, il y avait un temps où nous n’avions qu’un minimum de domestiques, et ils restaient toujours à l’écart – nous n’avions jamais une épidémie. Je ne sais pas pendant combien d’années (des années et des années pendant que Sri Aurobindo était là), nous n’avions jamais un cas d’épidémie. Ça a commencé quand les gens sont venus avec des enfants; ils ont amené nécessairement des domestiques; ils sont allés au bazar et même au cinéma et ceci et cela. Alors tout est venu.

Mais maintenant, la situation est mauvaise: il y a quelque chose comme trente cas de rougeole, quatre ou cinq cas de petite-vérole et nous avons eu de la varicelle. Il faut faire attention, j’ai besoin que tu sois bien portant, autrement on sera obligé de tout arrêter!

Il y a des endroits comme cela: tout d’un coup, tout s’est arrêté. Plus d’école, plus de poste, plus de chemin de fer. Je me souviens, il y avait un pauvre petit village au Japon où ils ont eu une épidémie d’influenza, la première. Ils ne savaient pas ce que c’était et tout le village était malade. C’était en hiver, le village était entouré de neige et plus de communication avec l’extérieur (la poste n’y allait qu’une fois tous les quinze jours). Le facteur est arrivé – tout le monde était mort, enterré sous la neige.

J’étais là, au Japon, quand c’est arrivé.

Ça faisait un petit vallon, comme ça, de neige – plus personne.

@

[1]. Mère fait son japa en marchant de long en large dans sa chambre du haut.

[2]. Plus tard, le disciple a demandé ce que signifiaient ces «choses». Mère a répondu: «C’était, par exemple, l’attitude d’un certain homme vis-à-vis de la vie et du Divin, et ce qu’il pense de lui-même, etc. Tu comprends, c’est tout un ensemble de caractères et d’une certaine action d’un homme, qui est venu comme cela, et après vient une autre chose. Alors comment dire cela? Ce sont des points de travail qui me viennent comme cela: des choses qui se présentent dans l’atmosphère et alors je vois – des choses que je vois et qui sont à faire.»

[3]. Quelques jours après, Mère a rectifié: «J’ai revu l’expérience et je me suis aperçue que ce n’est pas védique mais pré-védique. L’expérience m’a mise en rapport avec une civilisation antérieure au Véda: les rishis et le Véda sont une sorte de transition entre cette civilisation qui a disparu et la civilisation indienne qui est sortie des temps védiques. Ça, c’était très intéressant. C’est hier [26 janvier] que je me suis aperçue de cela.»

[4]. Les dasyus et les panis dans les Védas représentent les êtres ou les forces cachées dans les cavernes souterraines et qui ont dérobé les richesses ou les lumières (symbolisées par les troupeaux de vaches). Le guerrier aryen doit recouvrer ces richesses perdues, ce «soleil dans l’obscurité» à l’aide des dieux en faisant brûler la flamme du sacrifice. C’est le chemin de la descente souterraine.

[5]. Indra représente le chef des dieux, c’est le maître du pouvoir mental délivré des limites et des obscurités de la conscience physique.

[6]. Cette conscience corporelle.

[7]. Plus tard, Mère a ajouté le commentaire suivant: «Toutes les expériences ont pris place l’une après l’autre, mais la nouvelle ne supprimait pas la précédente. La Conscience – cette Unité suprême que j’ai eue – est restée tout le temps, jusqu’à la fin, même quand les autres centres s’éveillaient. Et chaque centre qui s’éveillait, c’était une sorte d’addition mais cela n’enlevait rien de ce qui était avant. Alors, à la fin, tout a été simultané: une sorte de conscience globale, totale et simultanée, de tout... N’est-ce pas, en montant (on est obligé de dire «monter», «descendre», parce que autrement on n’arrive pas à s’entendre), en «montant» pour atteindre cette Conscience suprême, tout le reste était annulé, il n’y avait plus que cela: quand cette Conscience suprême a été réalisée, elle est restée tout le temps, d’une façon permanente, jusqu’à la fin – ça n’a plus bougé – , mais tout en restant, les autres centres ont commencé à s’éveiller l’un après l’autre. Et chaque centre qui s’éveillait prenait sa place et ne supprimait rien, ni de ce qui était avant ni de ce qui allait venir, si bien que quand je suis arrivée au bout, le tout était ensemble, simultané – c’est cette Conscience Suprême.» [Notons que le disciple avait demandé à Mère si cette Conscience Suprême était la «conscience nouvelle». Mère a répondu: Pas «nouvelle»! On ne peut pas mettre nouvelle: Conscience Suprême.]

[8]. Toute cette expérience et l’insistance de Mère sur le fait que tout cela s’est passé «sans bouger», contrairement à l’expérience de l’ascension de la Koundalini, nous laisse penser que c’est la conscience supramentale au fond des cellules qui a en quelque sorte émergé de son enfouissement et traversé toutes les couches jusqu’à ce que la jonction soit faite avec la conscience corporelle la plus matérielle.

[9]. Mère a rajouté plus tard: Le Pouvoir qui agissait n’était plus le pouvoir qui agissait avant.

[10]. Il existe un enregistrement de cette conversation.

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