24 février 1962
Quelque chose semble avoir changé.
C'était tout le temps au bord, et dangereusement au bord, pendant longtemps, pendant plusieurs mois: on avait l'impression que Ça pouvait aller d'un côté ou que ça pouvait aller de l'autre. Et puis,
1. L'enregistrement s'arrête ici. Nous n'avons malheureusement pas gardé note de la réponse de Mère ni d'une longue histoire que Mère nous a racontée après concernant les démêlés des gens de l'Ashram. Seule la fin de la conversation subsiste encore. Nous la retranscrivons ci-après.
2. Je ne monte pas à ton Jour éternel...
La terre est le lieu choisi des âmes puissantes
La terre est le champ de bataille de l'esprit héroïque...
Tes servitudes sur la terre sont plus grandes,Ô Roi
Que toutes les glorieuses libertés du ciel...
Oh ! s'étendre, oh ! encercler et capturer
Toujours plus de cœurs jusqu'à ce que l'amour en nous ait empli ton monde !... N'est-il pas un million de batailles encore à livrer ?
Savitri XI.I (Cent. Ed. XXIX. 686)

 

tout d'un coup, le jour de ma fête1, quelque chose a basculé. Comme si d'un seul coup toute une formation était enlevée – une formation qui était placée dessus et qui pesait terriblement sur... je ne dis pas quoi parce que ça avait l'air d'être tout –, et puis, tout d'un coup, enlevée, comme si une main avait pris la chose et l'avait dissoute, comme quand Sri Aurobindo enlevait les maladies, exactement le même mouvement2.
Pour le corps ici, ça a été un changement formidable, comme si j'étais tout d'un coup sortie d'une très mauvaise passe.
Et j'ai eu l'après-midi au Terrain de Jeu3, une expérience amusante: au moment où je suis descendue de la voiture pour entrer dans le Terrain de Jeu, j'ai eu l'impression que... Depuis certainement près d'un an, j'avais été dotée (c'est-à-dire que ça avait été imposé sur moi) d'une paire de jambes useless, qui ne valaient rien, qui étaient faibles, maladroites, vieilles, abîmées – qui ne valaient rien. Il fallait tout le temps que je me serve de ma volonté pour pouvoir les faire marcher, et encore d'une façon plus que maladroite. Tout ça, enlevé, comme ça, de la même façon (Mère passe sa main). Littéralement j'ai presque dansé ! Une paire de jambes enlevée comme ça. Et instantanément, mes jambes ont senti ce qu'elles étaient avant (j'ai toujours eu des jambes fortes): cette force alerte, solide, habile, et... j'ai dû me retenir pour ne pas commencer à faire des galipettes ! Mes jambes avaient l'impression: «Ah ! voilà ! maintenant on peut marcher ! » Je leur ai dit: « Tenez-vous tranquilles », autrement elles se seraient mises à sauter et à gambader !
Et c'est resté, ce n'est pas revenu. J'attendais pour savoir si ça durerait – ce n'est pas revenu. C'est comme quelque chose qui est fini maintenant.
Mais qu'est-ce que c'était que cette formation ?
Je ne sais pas.
Parce qu'il y a toujours – j'ai remarqué qu'il y a toujours plusieurs manières d'expliquer les choses... Mais une manière très populaire d'expliquer serait certainement qu'il s'agissait d'une espèce d'envoûtement ! Pour la santé aussi.
Mais la dernière fois que X est venu, j'avais été très malade le
1. Mère a eu 84 ans le 21 février.
2. Quand Sri Aurobindo guérissait quelqu'un, on voyait souvent, disait Mère, une main subtile, avec un courant de force bleu, qui venait et attrapait comme du bout des doigts la vibration de maladie ou de désordre.
3. L'après-midi du 21, Mère est allée assister à une représentation d'enfants.

 

jour de son arrivée, et on l'avait appelé en haut, dans ma chambre – mais au fond, c'est arrivé parce que je voulais qu'il vienne en haut! pour plusieurs raisons, pour qu'il voie certaines choses... Mais il n'a rien vu, ou s'il a vu, il n'a rien voulu dire. Il a dit: « Oh ! c'est une maladie physique. » Ce n'était pas vrai, je n'avais pas de maladie physique (il est possible qu'il n'ait pas voulu dire). «C'est une maladie physique, il y a peut-être quelque chose du dehors mais ce n'est pas grand-chose. » Mais pour moi, il me semble que c'est une formation qui avait été faite depuis longtemps – l'impression d'être attaquée, ça, je l'avais tout le temps. Mais c'était quelque chose qui devait être fait très bien1 !
C'était cela, ou bien une nécessité pour le travail, comme je le pensais souvent: une nécessité de préparation pour le travail – quelque chose qui devait être fait.
Ça a touché successivement toutes les parties de mon corps et toutes les activités des organes, très méthodiquement – très méthodiquement.
Mais est-ce que c'est nécessaire ? Est-ce que toute cette désorganisation est nécessaire ? – Peut-être que j'appelle ça désorganisation et que ce n'en est pas une ?... Tu sais, dans ce domaine-là, on ne sait rien. Nous avons nos manières de voir qui sont les vieilles manières humaines, mais au point de vue physique, du fonctionnement du corps, on ne sait rien, ce qui est bien et ce qui n'est pas bien. C'est comme ce qui fait mal et ce qui ne fait pas mal: le premier mouvement du corps est de trouver que ça fait mal, mais si on réfléchit et qu'on regarde attentivement, c'est tout simplement une intensité de sensation dont on n'a pas l'habitude. Peut-être que ce devait être ça. Et si on avait l'habitude (et surtout si on n'y associait pas l'idée que c'est quelque chose de fâcheux), on sentirait tout différemment. Ce n'est en tout cas pas insupportable – on peut supporter beaucoup plus de choses, beaucoup plus qu'on ne croit.
Je ne suis pas sûre, n'est-ce pas. Nous marchons avec de vieilles notions, avec des vieilles routines et des vieilles habitudes, qu'est-ce qu'on peut savoir ! ?
En tout cas, c'était quelque chose qui devait suivre son cours et aboutir quelque part.
Il faut dire que quelques jours avant, trois ou quatre jours avant ma fête, il s'était passé quelque chose qui, apparemment, était très fâcheux2, ou aurait pu être très fâcheux, et il y avait un point
1. Depuis l'attaque magique de décembre 1958.
2. Une attaque cardiaque.

 

d'interrogation: « Est-ce que je serai capable de faire ce qu'il faut faire le 21 ?» Et ça ne m'a pas plu. J'ai dit: «Non, je ne peux pas planter ces gens juste quand ils attendent tant de ce jour-là. Ça ne va pas. » Alors toute la veille [la journée du 20], je suis restée concentrée exclusivement dans une sorte d'invocation, mais très-très profonde, très intérieure, pas du tout superficielle, loin de toute émotion et de tout sentiment – quelque chose enfin qui était au sommet de l'être. Et le contact avec Ça pour que tout soit vraiment au mieux et débarrassé de tous les faux mouvements, quels qu'ils soient, dans la Matière. Et la nuit du 20 au 21, j'ai été évidemment guérie, c'est-à-dire que j'ai suivi l'action et que j'ai vu que j'étais véritablement guérie. Le matin, quand je me suis levée, je me suis levée guérie: toutes les choses que je devais faire tout le temps, toutes les tapasya que je devais faire pour me garder « en route » – to keep going – n'étaient plus nécessaires: quelqu'un s'était chargé de tout ça, c'était tout fini. Et alors le matin, avec cette foule de deux mille et quelques centaines de gens, ça s'est passé tout à fait facilement, sans la moindre difficulté. Et l'après-midi, j'ai eu cette expérience pour mes jambes, très spéciale.
Évidemment, le 21 au matin, j'ai pu dire tout à fait spontanément et sans hésitation: « Aujourd'hui, le Seigneur m'a fait cadeau de ma guérison.» (Je parlais de tout ce que les gens m'avaient donné – c'était en anglais – et j'ai dit: «... et le Seigneur m'a fait cadeau de ma guérison. »)
Ça, c'est une explication qui se comprend bien, c'était le résultat de la tapasya. Cela se suffit. Parce que même, il y avait quelque chose qui disait à mon corps, à la substance du corps: « Ô substance incrédule, maintenant tu ne pourras pas dire qu'il n'y a pas de miracles », et ça, pendant tout le travail qui se faisait la veille, le 20. Il y avait quelque chose qui disait (je ne sais pas qui c'était – je ne sais plus parce que ça ne vient plus comme une chose étrangère, n'est-ce pas; c'est une Sagesse; ça a l'air d'être une Sagesse, quelque chose qui sait: ce n'est pas celui-ci ou celui-là, c'est « ce-qui-sait », quelle que soit la forme), quelque chose qui sait et qui disait au corps avec insistance, en montrant des choses, des vibrations, des mouvements, tout ça: «Ô, maintenant, substance incrédule, tu ne pourras plus dire qu'il n'y a pas de miracles. » Parce que c'est la substance, n'est-ce pas, qui est habituée à ce que chaque chose ait son effet, que les maladies suivent un certain cours et que même pour guérir, certaines choses doivent arriver (c'est très subtil, ça ne vient pas de l'intelligence, qui peut comprendre tout autre chose: c'est une sorte de conscience qui appartient à la substance physi-

 

que), et c'est à ça qu'il était dit, montré des mouvements qui se passaient, des vibrations, des choses: « Tu vois, maintenant tu ne pourras plus dire qu'il n'y a pas de miracles. » C'est-à-dire une intervention directe du Seigneur, qui ne suit pas le chemin convenu, qui fait les choses... à Sa manière.
Il y avait eu cette attaque (c'était une attaque plutôt sérieuse qui a plongé le docteur dans une inquiétude intense) et cette attaque a eu lieu avant la distribution de saris1, juste la veille, je crois. Et le matin de la distribution, pendant tout le temps de la distribution, c'était comme si quelqu'un d'autre s'était emparé de mon corps et lui faisait faire ce qu'il fallait et se chargeait de toutes les difficultés – moi, je n'avais pas de soucis, j'étais tranquille, comme un spectateur. Simplement l'impression d'être le spectateur confortable: je n'avais à me soucier de rien, c'était quelqu'un qui (« quelqu'un » quoi ? Quelqu'un, quelque chose, je ne sais pas, il n'y a plus de différence, ce n'est plus découpé comme ça, mais enfin c'était un être, une force, une conscience – c'était peut-être quelque chose de moi-même, je ne sais pas; tout ça, ce n'est pas tranché, coupé comme ça; c'est très précis mais sans division, très smooth – Mère fait un geste arrondi – sans coupures), et alors il y avait quelque chose, une volonté ou une force ou une conscience – une puissance, ça évidemment – qui avait pris possession du corps et qui lui faisait faire tout le travail, qui se chargeait de tout. Moi, j'assistais avec un sourire. Mais c'est parti. C'est venu juste pour faire ce travail (j'étais mal en point), et puis quand le travail a été fini, ça s'est dissous – ce n'est pas parti brusquement mais ce n'était plus actif. Après cela, j'avais une sorte de confiance, je me suis dit: « Eh bien, quelque chose comme cela peut arriver le 21 en tout cas, puisque ça vient d'arriver. »
Le 19 s'est passé couci-couça, et le 20 (toute la journée du 20) j'étais concentrée: plus de rapports avec personne, rien d'extérieur, seulement une intensité d'invocation comme... aussi intense et aussi concentrée que quand on veut se fondre dans le Seigneur en mourant. C'était comme cela. C'était le même mouvement d'identification mais alors avec, au centre, une volonté pour que tout aille bien ici [sur le plan matériel] – « aille bien », c'est-à-dire que j'ai dit au Seigneur: «Ton Bien À Toi, le vrai Bien, pas... Le vrai Bien, un Bien victorieux qui soit un progrès véritable sur les manières de la Vie. » Et toute la journée, je suis restée concentrée, et puis ça n'a pas bronché, tout le temps, tout le temps: même quand je parlais,
1. Le 18 février, Mère a fait une distribution de saris.

 

c'était quelque chose de très extérieur qui parlait. Et alors la nuit, quand je me suis couchée, il y a eu le sentiment que ça avait changé: le corps se sentait dans une condition toute différente. Et quand je me suis levée le matin, toutes les douleurs, tous les désordres, tous les dangers, tout ça: disparu. Alors j'ai dit: « Seigneur, Tu m'as fait cadeau de la santé. »... Voilà.
Et ce changement était accompagné tout le temps par: « Maintenant, tu n'oublieras pas », à la substance du corps, n'est-ce pas, à ce qui compose les cellules. « Maintenant, vous n'oublierez pas, vous saurez qu'il PEUT y avoir vraiment des miracles. » C'est-à-dire que la façon dont les choses se passent dans la substance physique peuvent ne pas être du tout conformes aux lois de la Nature. «Vous n'oublierez pas, n'est-ce pas ? » Ça revenait comme un leitmotiv: «Vous n'oublierez pas, n'est-ce pas? c'est comme ça.» Et j'ai vu qu'il était très nécessaire de leur répéter ça: elles oublient tout de suite, elles essaient tout de suite de trouver des explications (oh ! ce qu'on peut être bête !) C'est-à-dire que c'est une espèce de sentiment (ce n'est pas une pensée individuelle du tout), c'est une façon de penser de la Matière. Elle est faite comme ça, elle est construite comme ça, ça fait partie de sa fabrication. Nous appelons ça «penser » parce que nous n'avons pas de mots, mais ce n'est pas « penser»: c'est une manière matérielle de comprendre les choses, c'est une capacité de comprendre dans la Matière.
Ah ! maintenant, assez bavardé.
* *
Plus tard:
Avant de commencer le travail, vois-tu une objection à ce que je fasse du « pranayama1 » ?
Je crois que ça te ferait du bien, mon petit.
J'ai commencé il y a trois jours, mais tout le temps j'accrochais cette formation qui dit: « Oh ! c'est dangereux, c'est dangereux, il faut faire attention. » Il y a une formation traditionnelle autour de cela. Alors ce matin, je me suis dit que j'aimais mieux t'en parler.
Tu le fais sans indication ?

 

Il y a une façon traditionnelle de faire, je sais la recette. C'est comment ?
Le temps varie. On inspire par la narine gauche, pendant mettons 4 secondes, puis on retient sa respiration pendant 16 secondes en remontant le diaphragme et en fermant toutes les ouvertures; on garde ça 16 secondes, puis on expire de l'autre côté, 8 secondes.
Ce sont les chiffres « officiels » ?
Oui, c'est-à-dire que la proportion est celle-là: 4 inspirer, 16 retenir, 8 expirer.
Seize ?
Ce doit être le double de l'expiration. Si tu fais 8, ça fait 8-16-32.
Moi, je l'ai fait pendant des années, et mon système était le même: inspirer, retenir, renvoyer, et faire le vide. Mais le vide, il paraît que c'est dangereux, alors je ne te le conseille pas. Je l'ai fait pendant des années. Nous avons fait, Sri Aurobindo et moi, sans le savoir, à peu près la même chose, et toutes sortes de choses qui ne doivent pas se faire ! Alors c'est pour te dire que le danger, c'est surtout ce qu'on pense. Tous les deux, nous avons, dans certains des mouvements, fait sortir l'air par le sommet de la tête – il paraît que ça, c'est quand on veut mourir ! (Mère rit) Ça ne nous a pas tués !
Non, le danger, c'est SURTOUT une formation de pensée.
On arrive à un très excellent contrôle sur le cœur. Mais je ne faisais rien de violent qui demandait un effort. Les 16, garder 16, je crois que c'est trop. Je faisais simplement comme ça: aspirer très lentement en comptant 4 au-dedans, puis garder 4 comme ça (j'ai encore gardé l'habitude !) en remontant le diaphragme et en baissant la tête1 (Mère penche son cou), c'est-à-dire qu'on presse l'air en fermant tout (ça guérit pour ainsi dire instantanément toute attaque de hoquet, c'est pratique !) Et puis, pendant que je gardais l'air, je le faisais circuler avec la force (n'est-ce pas, ça contenait la force) et avec la paix aussi, et n'importe où il y avait un désordre physique, je faisais une concentration (une douleur ou quelque chose qui
1. ouddiyâna-bandha et jâlandhara-bandha.

 

n'allait pas). C'est très efficace. Je faisais comme ça: inspiration, rétention, expiration et vide – on est tout à fait vide. C'est très utile, par exemple pour ceux qui nagent sous l'eau, c'est très commode !
La difficulté que j'avais, c'était de pouvoir inspirer assez lentement. C'est un peu difficile. J'avais commencé avec 4 et j'étais arrivée jusqu'à 12. Je faisais 12-12-12-12. Ça m'a pris des mois pour en arriver là, ça ne se fait pas vite. C'est difficile de respirer très lentement et de pouvoir contenir tout cet air.
Maintenant que j'ai perdu l'habitude, je ne peux guère faire plus de 6 (Mère fait une démonstration). Je compte comme cela: 1-2-3-4..., pas plus vite que cela.
Et expirer lentement – ça c'est très difficile – en ayant soin de vider tout le sommet des poumons, parce que c'est une partie qui ne se vide pas facilement et il reste de l'air corrompu. Il paraît que c'est l'une des causes les plus fréquentes des rhumes et de la toux: il y a de l'air corrompu. J'ai appris ça quand j'avais de la bronchite, j'ai appris à vider complètement l'air. Et surtout j'ai chanté, alors on a l'habitude du fonctionnement: on garde l'air, puis on le laisse partir lentement-lentement, pour pouvoir chanter sans s'arrêter.
Je te conseille de le faire.
Combien de temps le fais-tu ?
Huit ou dix minutes, trois fois par jour avant mon japa. Oh ! c'est très bien.
Je ne sais pas pourquoi, j'ai accroché cette formation traditionnelle qui dit que c'est dangereux.
Mais c'est quelqu'un qui l'a mise sur toi, mon petit !
J'étais troublé.
Non, ce n'est pas dangereux du tout. À moins qu'on ne fasse des extravagances. Mais si on le fait simplement... Je crois qu'il y a des gens qui le font avec des idées de «pouvoirs», avoir des pouvoirs. C'est surtout cette idée d'avoir des pouvoirs, ça corrompt tout. Mais si on le fait simplement pour se rendre capable de progresser, il n'y a pas de danger.
En tout cas j'ai fait, et Sri Aurobindo aussi, beaucoup de choses qui sont considérées comme dangereuses, et il ne nous est absolument rien arrivé. Il n'est pas nécessaire de faire des choses dange-

 

reuses (!) mais il ne nous est rien arrivé, par conséquent ça dépend de comment on fait.
Je crois que tu peux enlever ça de ton esprit sans danger.
Mais c'est possible qu'au lieu de faire des temps égaux, il vaille mieux faire moins pour inspirer et plus pour garder l'air – oh ! garder l'air, c'est très intéressant ! Quand tu as ton air dedans, admets, par exemple, que tu aies mal à la tête ou mal à la gorge, ou une douleur au bras, n'importe quoi, alors tu prends ton air... (Mère fait la démonstration) et tu le diriges sur la partie malade – très-très commode, et agréable, et amusant. Amusant: on voit la force qui va, qui s'installe, qui reste, toutes sortes de choses.
Tiens, mais c'est amusant, parce que ce matin... Tu es venu au balcon ?
Ces jours-ci, je venais, et ce matin, je ne suis pas venu.
J'ai cru justement ne pas te voir (!) Mais quand je suis sortie au balcon, tout d'un coup quelque chose a commencé à me faire faire un pranayama ! J'ai commencé à le faire, et c'était amusant, je me suis considérablement amusée! C'était comme le Seigneur qui entrait comme de l'air, et puis quand c'est resté comme cela, dedans (en même temps je faisais la chose physiquement), tout l'air a commencé à se répandre dans tout le monde, à faire dans chacun son travail. Et avec une sensation si confortable ! d'une puissance si tranquille et si sûre d'elle-même ! si confortable avec une paix !
Les balcons sont intéressants.
Eh bien, fais ça... suivant tes modes intérieurs.
À quelle heure ?
Mon japa est le matin, à midi et le soir...
*
* *
(Puis Mère écoute la lecture d'un ancien Entretien du 28 mars 1956, où un enfant demandait: « Comment augmenter la compréhension ?» Mère avait répondu: «En augmentant la conscience, en allant au-delà du mental, en élargissant sa conscience, en approfondissant sa conscience, en touchant des régions qui sont par-delà le mental. »)
J'ajouterais maintenant une chose: c'est par l'expérience. C'est changer la connaissance en expérience. Et l'expérience vous conduit

 

automatiquement à une autre expérience.
Parce que, ce que j'entends par « expérience », c'est tout à fait autre chose que ce que l'on entend d'habitude. C'est quelque chose qui est presque... pas nouveau mais qui prend une réalité nouvelle. Ce n'est pas «faire l'expérience de ce que l'on sait» – ça, c'est entendu et c'est banal –, mais... Il faudrait un autre mot. Au lieu de savoir ou de connaître (même une connaissance très supérieure à la connaissance mentale, même une connaissance très intégrale), c'est... devenir le pouvoir qui fait que ÇA EST.
Au fond, c'est devenir le tapas [énergie] des choses – le tapas de l'univers.
Ils disent toujours que le début de la Manifestation, c'est le Satchidânanda, et on le met dans cet ordre: d'abord Sat, c'est-à-dire l'Existence pure; puis Chit, la prise de conscience de cette Existence; et Ananda, la Joie de l'Existence qui fait que ça continue. Mais entre ce Chit et cet Ananda, il y a Tapas, c'est-à-dire le Chit qui se réalise. Et quand on devient ce tapas-là, le tapas des choses, alors on a la connaissance qui donne le pouvoir de changer'. Le tapas des choses, c'est ce qui gouverne leur existence dans la Manifestation.
N'est-ce pas, je l'exprime pour la première fois, mais j'ai commencé à le vivre depuis une certain temps. Et quand on est LÀ, on a cette espèce de sentiment (comment dire ?) d'une puissance si formidable ! – C'est la puissance universelle. Alors là, on a le sentiment de la maîtrise totale de l'univers.
Mais on ne peut pas mettre ça.
Si!
Alors tu pourras le mettre2 !
1. Tapas: littéralement, chaleur. C'est l'énergie concentrée qui constitue toute chose – une énergie qui provient non pas de quelque mécanique mais de la concentration du pouvoir de la Conscience (chit). Selon la tradition indienne, le monde fut créé par Tapas sous forme d'un Œuf – l'œuf primordial – qui en se brisant par la chaleur d'incubation de la conscience-force donna naissance au monde. « Devenir le tapas des choses», c'est dé-couvrir dans sa propre substance matérielle, corporelle, cette même assise d'énergie, formidable, supramentale (ce que les physiciens, avec Einstein, appellent l'Énergie atomique: E = me2), qui anime les cailloux comme les oiseaux et les univers – alors le semblable peut agir sur le semblable. Mère arrivait là.
2. Il existe un enregistrement de cette conversation.

 

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