17 novembre 1962
(À propos du conflit sino-indien sur les frontières de l'Himalaya:)
X a écrit à N pour lui annoncer – annoncer en termes précis et presque violents – que c'était le début d'un bouleversement général, une guerre mondiale et catastrophique.
Je sais que c'est la volonté de cet Asoura dont je t'ai parlé plusieurs fois, le Seigneur du Mensonge qui fut né Seigneur de la Vérité, et qui sait que son heure est proche («proche», relativement, dans ce monde-là) et qui a annoncé qu'il ferait autant de catastrophes qu'il pourrait avant de disparaître. Et alors, tout dernièrement, juste avant que ce conflit n'éclate, je suis allée dans un domaine du monde vital qui est juste au-dessus de la terre, comme une plate-forme (pas le sommet d'une montagne mais l'endroit d'où l'on voit; où le capitaine, par exemple, se met pour voir tout son bateau; c'était un endroit comme cela dans le monde vital, qui dominait toute la vie terrestre). Je suis allée là – c'était suffisamment sombre, même très sombre – et il y avait ce grand être (il est

 

très grand, plus haut que cette chambre... Mère regarde le plafond: il aime avoir l'air grand !). Il est très grand, tout noir (c'est son état assez naturel – quand il apparaît aux humains, il est flamboyant de lumière, mais pour quelqu'un qui a la vision intérieure, ça ne trompe pas: c'est une lumière glacée; mais il y a des gens que ça trompe, qui le prennent pour le Dieu suprême. Enfin, ceci est un aparté). Il était là et je suis allée le trouver – pas pour le trouver: je suis allée dans l'endroit et puis je l'ai trouvé là. Et alors il était jubilant, il m'a dit de regarder.
De là, on voyait tout comme ça, en cercle. Et quand je suis arrivée, tout d'un coup a commencé un orage – un orage terrible –, et je continuais à regarder; et alors j'ai vu, c'était dans cette direction (je ne sais pas si c'était Nord, Sud, Ouest, mais enfin c'était dans cette direction: Mère désigne le Nord), j'ai vu deux éclairs, pas tout à fait simultanés. Le premier qui venait... (je regardais le Nord, je savais très bien que je regardais le Nord), le premier est venu de l'Est, un éclair foudroyant qui est tombé, et un autre est venu un petit peu après, très peu après, de l'Ouest. Et les deux ne se sont pas joints mais sont tombés au même endroit; sans se rencontrer mais au même endroit. Et la lumière des éclairs (il faisait nuit, tout était sombre, aussi la terre était sombre, on ne voyait pas), l'endroit où ils se sont rencontrés s'est tout d'un coup éclairé par la lumière de l'éclair, ça a fait un vacarme épouvantable et... (c'était circonscrit, n'est-ce pas, comme un champ de vision; tout le reste était dans l'obscurité), ça s'est mis à flamber ! Tout a flambé. On voyait des sommets de monuments, de maisons, toutes sortes de choses dans la lumière des éclairs, et puis tout s'est mis à flamber: un incendie effroyable.
J'ai même remarqué (c'était assez curieux, le sentiment que j'ai eu): « Tiens ! c'est intéressant de voir ça de si près, de tout près. » C'est-à-dire que j'avais le sentiment que ma «station» comme dit Sri Aurobindo, ma station pour voir le monde est très haute: j'étais descendue pour aller là. Et alors j'ai dit: «Tiens ! c'est intéressant de voir les choses de si près » (ça, je ne le lui ai pas dit, mais je l'ai pensé). Et l'autre jubilait, là, à côté de moi, à une certaine distance, à ma droite (il se tenait debout, je voyais sa tête en regardant en haut – Mère regarde le plafond). Il jubilait, il disait: « Tu vois, tu vois, tu vois ! » Tout à fait heureux. Alors moi, je suis restée absolument immobile; tout était immobile, tranquille, pas un mouvement (cette pensée-là, c'était comme quelque chose qui passait à travers moi: «C'est intéressant de voir ça de si près»), et puis j'ai tout arrêté, comme ça (Mère reste immobile comme une statue, les deux

 

poings fermés). Et très vite après (je ne peux pas dire parce que le temps n'est pas le même qu'ici), mais enfin très vite après, tout s'est arrêté1. L'orage était seulement pour amener ces deux éclairs; quand les éclairs sont tombés sur la Terre, ça a été fini, c'était la fin. Et puis les flammes – ça a flambé tout l'endroit (c'était comme une immense ville, mais ce n'était pas une ville: c'était symbolique d'un pays, très certainement), brouff ! ça a flambé. Il y avait des flammes qui montaient très haut, très haut; mais j'ai simplement fait comme ça, tout arrêté (Mère reste immobile, les yeux clos, poings fermés), et puis j'ai regardé de nouveau – tout était rentré dans l'ordre. Alors j'ai dit (je ne sais pas pourquoi je lui parlais en anglais – oui, parce qu'il parlait en anglais, il disait: You see, you see !) j'ai dit: «Ah ! ça n'a pas duré longtemps; ils l'ont vite maîtrisé. » Alors il a tourné le dos, il est parti d'un côté et moi je suis partie de l'autre. Et j'ai repris ma conscience extérieure, ce qui fait que je me suis souvenue exactement de tout.
Je crois que c'est deux ou trois jours après qu'ils ont commencé à se battre là-haut.
Quel est ce côté de l'Ouest ?...
Je ne sais pas. Je pensais que ce serait la Russie, mais la Russie a l'air de se tenir à quatre et de ne pas vouloir intervenir. Je ne sais pas.
C'est l'Inde qui était frappée ?
Mais oui, évidemment c'était l'Inde.
Le sentiment aussi quand j'ai dit: « C'est intéressant de voir ça de si près », c'était que, physiquement, j'étais près, qu'il y avait une partie qui, physiquement, était très près. Mais ça, j'ai été très près de toutes les guerres (les deux précédentes; celle-ci est la troisième). J'étais tout près: les obus tombaient sur Paris quand j'étais là – c'était la première.
Voilà tout ce qui m'a été montré en images.
À part ça, quand les nouvelles sont venues extérieurement qu'ils étaient en train de s'entretuer gentiment pour rien, dès que je l'ai su, j'ai mis dessus, sur toute la frontière, la même chose que cette nuit-là: La Paix et l'Immobilité. Deux jours après, j'ai demandé les nouvelles; on m'a dit: «Oh ! ils ont l'air d'être fatigués ! ils ne font plus rien. »
1. En fait, trois jours plus tard, le 20 novembre, sans que rien ne permette de l'espérer, les Chinois ont déclaré unilatéralement le cessez-le-feu et le repli de leurs troupes alors qu'ils avançaient d'une façon spectaculaire et presque sans rencontrer de résistance. Personne n'a jamais compris pourquoi.

 

On ne bouge guère plus.
Et puis il y a eu des difficultés politiques1 – tout ça a fait du travail, qui a assez bien marché. Mais toujours mitigé, jamais la chose complète; toujours il y a un résultat, mais pas LE résultat... Je crois que dans les conditions actuelles de la terre « le » résultat est impossible: ce serait un miracle qui bouleverserait trop de choses. Les conséquences seraient pires que-Alors voilà.
Je sais que lui, ce monsieur-là, que je tiens à l'œil depuis la deuxième guerre (avant la deuxième guerre), il veut ça, il m'a annoncé toutes sortes de choses les plus catastrophiques. Alors je suppose que c'est ça aussi que X voit, sans savoir d'où ça vient –je n'en sais rien. Je m'étonne. Mais enfin, il a écrit cela d'une façon tellement catégorique qu'on aurait presque pu penser qu'il le désirait ! – Je ne peux pas croire qu'il le désire. J'ai simplement dit: « Eh bien, oui, c'est UNE des possibilités. » Laquelle des deux aura le dessus ? Ça, je ne sais pas. C'est un secret que le Seigneur ne révèle pas... parce qu'il pense (c'est tout à fait certain) que ce serait mauvais si on savait ce qui va arriver: on ne ferait pas ce qu'il faut. C'est toujours comme cela: on ne sait pas ce qui va arriver parce qu'on ne ferait pas ce qu'il faut.
Je fais ce qu'il me dit de faire, mais II ne me dit pas ce que sera la conséquence. Et je ne Lui demande pas: je sais que ça ne me regarde pas.
Parce que si je le savais, même si je ne le disais pas, ça se répandrait (Mère montre comme des ondes qui se répandent par sa tête). Et ce n'est pas bon que les gens sachent.
Mais j'ai eu des quantités, des quantités de visions de toutes natures, depuis les plus effroyables jusqu'aux plus merveilleuses – tout ça, très apocalyptique, dans le domaine de l'incroyable. Beaucoup, beaucoup de choses. Des détails et des tout. Ça pourrait remplir un volume !
Je ne sais pas, j'ai le sentiment que l'humanité n'est pas prête pour la paix, qu'elle a besoin d'être secouée.
Oui, malheureusement elle n'est pas prête.
1. Mère fait probablement allusion aux difficultés pour obtenir le limogeage du Ministre de la Guerre, Krishna Menon. Rappelons que la politique indienne de Nehru à l'époque était tout à fait pro-chinoise (le slogan de l'époque était Hindi-Chini bhaï-bkaï: les Indiens et les Chinois sont des frères) et lorsque les Chinois ont commencé à déferler sur l'Inde, le Ministre de la Guerre est tranquillement parti pour Londres, en quelconque mission, en déclarant: oh ! ce n'est rien.

 

Ils s'abêtissent.
Ils s'abêtissent. Ils se bercent dans leur non-violence, dans leur petite morale... Elle n'est pas prête.
C'est dommage.
Parce que ça peut remettre à des milliers d'années... N'est-ce pas, il y a des moments où les choses convergent, et alors c'est rare d'avoir un moment dans cette Histoire: ça s'étend sur de longues-longues périodes, sur un temps presque indéfini. Mais obtenir un moment qui devienne quelque chose d'actuel dans la vie terrestre (Mère plante son poing dans la Terre), c'est très difficile. Et si ce moment-là est passé, raté...
Mais je me demande toujours... parce que Sri Aurobindo est parti sans révéler son secret. Il m'a dit qu'il partait exprès – ça, il me l'a dit. Il m'a dit ce qu'il était nécessaire que je sache. Mais il n'a jamais dit si le moment n'était pas venu (n'est-ce pas, il pensait... il était venu en disant que le moment était venu), il n'a jamais dit s'il avait vu que rien n'était suffisamment prêt. Il m'a dit: «Le monde n'est pas prêt », ça, il me l'a dit. Il m'a dit qu'il s'en allait volontairement parce que c'était « nécessaire », et il m'a dit qu'il fallait que je reste et que je continue, et que c'était moi qui continuerai. Ces trois points-là, il les a dits. Mais il ne m'a jamais dit si je réussirai ou pas ! Il n'a jamais dit si je pouvais ramener le moment ou pas.
Et je dois dire que j'ai dépassé le temps où c'est intéressant de savoir ces choses parce que... je vis un petit peu trop dans l'éternité du temps pour que ce soit très important.
Seulement, extérieurement, ce que je vois, tout ce que j'ai constaté (c'est-à-dire plus je suis dans la chose): le monde n'est pas prêt. Les gens... ils n'ont même pas la compréhension de ce que c'est ! Comment est-ce qu'ils pourraient... Quand on leur dit quelque chose de là (geste en haut), ou qu'on leur montre quelque chose de là, ils ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas. Ils le déforment, le défigurent immédiatement pour pouvoir le comprendre. Alors... Je ne sais pas si...
(long silence)
Mais ce qui est curieux, c'est que depuis que ces gens se battent là-haut1, la terre est plus réceptive. Pourtant on se battait avant – on s'est battu partout, n'est-ce
1. À la frontière himalayenne.

 

pas; on n'a jamais cessé de se battre depuis la dernière guerre, à un endroit ou à un autre: en Afrique, en Asie, enfin partout. On se battait toujours. Il y avait tout le temps, tout le temps quelque chose. Toute cette histoire d'Algérie, il y a eu des choses effroyables là-bas; toutes ces histoires du Congo et tout ça – on se battait partout. Mais... je ne sais pas pourquoi (ce n'est pas que je ne m'occupais pas de ces affaires: elles étaient dans ma conscience), mais cette fois-ci, deux choses se sont produites: un Pouvoir plus grand qui est descendu (très concrètement, comme ça, à le toucher), un grand Pouvoir qui est descendu, qui a été envoyé exprès, et puis une certaine réceptivité – partout, même chez les Chinois (je ne veux pas dire que ce soit local: dans toutes les parties du monde). Est-ce, matériellement, l'inquiétude à l'idée que... ? Il est évident que si une nouvelle guerre mondiale commence, ça va être une chose innommable, effroyable, effroyable – il y aura des civilisations entières englouties. Ça va arrêter la vie de la terre d'une façon terrible. Est-ce ça qui fait que les gens... ? Qui a éveillé une aspiration ? – C'est possible. Mais il est évident qu'il y a une réceptivité plus grande. Je vois ça au fait que quand la Volonté se répand (Mère fait un geste d'émanation), eh bien, elle a un effet plus concret, et plus immédiat.
Les autres conflits étaient vraiment très superficiels, c'étaient comme des maladies – comme des maladies de peau ! des choses superficielles. Il y avait des horreurs épouvantables, et il y avait des choses tout à fait répugnantes aussi, partout, mais... (je me souviens de ce qui s'est passé en Algérie, on m'a donné aussi des nouvelles, j'ai su ce qui se passait: il y a eu des choses horribles), et pourtant ça semblait... oui, ça donnait l'impression d'une maladie de peau de la terre ! C'était très superficiel. Et puis tout d'un coup, là (au Nefa et au Ladakh), oh ! c'est devenu différent.
C'était ça, l'impression: une maladie très localisée (tout le monde peut l'attraper, mais très localisée tout de même). Et ici (conflit sino-indien), il semble que ça ait, au fond, dérangé quelque chose – profondément. Est-ce parce que les gens pensent que ça peut avoir une conséquence mondiale ?... Je ne sais pas. Ou est-ce que, vraiment, c'est le premier signe de quelque chose de très... très considérable ?
(silence)
Un jour (tout ça, pour moi maintenant, c'est tout dans un jeu des forces extrêmement précis), et un jour, c'était comme une sensation d'un de ces remous profonds... quelque chose de très vaste et

 

contenant une grande douleur. Et alors spontanément, quelque chose en moi, spontanément, est venu de l'âme individuelle, de l'être psychique profond, et a dit: « Oh ! Seigneur ! Tu veux que nous ayons encore cette expérience ? » Alors tout s'est stabilisé, s'est arrêté, et ça a été une splendeur de Lumière. Mais je n'ai pas reçu de réponse. Excepté cette splendeur de Lumière, n'est-ce pas, triomphante. Mais ça peut vouloir dire aussi: quoi qu'il arrive, ce sera toujours comme ça – c'est évident.
(silence)
Sais pas.
Il y a dans un coin, qui n'est pas ici quelque part (physiquement), dans un coin (Mère fait un geste à distance, en arrière de son être), quelque chose qui se tient très tranquille quelque part, très tranquille et en dehors de tout le mouvement des forces; quelque chose qui est comme assis, établi quelque part, très tranquille et en dehors de l'observation publique («publique», je ne veux pas dire forcément « terrestre »: du monde entier), quelque chose qui est comme cela (geste en arrière, les yeux clos, immobile comme une statue), et qui ne veut pas.
Je perçois ça très bien.
C'est-à-dire une partie de l'être – de la Force Créatrice – qui est là, qui ne veut pas.
Comme si, vraiment, il y avait la décision que, cette fois, l'expérience irait jusqu'au bout, jusqu'à son but, sans être interrompue. Et quelque chose qui ne... [veut pas]. Le Quelque Chose qui a décidé ça et qui persiste.
(silence)
C'était au point que quand on m'a annoncé ce que X avait écrit, il y a eu (c'est quelque part là, quelque part à ma droite, je ne sais pas)... Ça1 à tout de suite répondu (n'est-ce pas, on met des mots – les mots, ça ne va pas, mais enfin je n'ai pas autre chose à ma disposition), Ça a dit: «Ah ! il tient à rester de l'autre côté. »
Je me suis retenue pour ne rien dire.
Et avec la conscience ici, j'ai regardé (naturellement on me demandait comment il se faisait qu'il écrivait et qu'il pensait des choses pareilles) et j'ai dit que chaque domaine a son déterminisme propre, et que si on ne voit que ce déterminisme, les choses semblent décrétées d'une façon absolue; et que cette vision-là [de X]

 

appartient au déterminisme vitalo-physique de la terre (la Vie et la Matière), et dans ce domaine-là, la catastrophe paraît absolue; mais qu'il y a les domaines supérieurs et que leur intervention peut tout changer.
Mais pour ça, il faut voir et vivre dans ces régions supérieures1.
Dans le cas de X, le contact personnel monte tout en haut, mais c'est purement personnel. Et la vision générale (je ne dis pas universelle), générale, s'arrête au plan vitalo-physique. Un peu de mental comme ça et puis C'EST TOUT. Il y a une contradiction entre la possibilité personnelle qui touche très haut (mais dans une pointe très ténue) et la vision générale. Quand l'attention se tourne vers le dehors, c'est très limité; ça peut être terrestre, mais c'est... c'est sous une croûte pour ainsi dire.
Alors voilà l'explication que j'ai donnée. Mais la vérité...
C'est tout.
Tu as lu ces dernières lettres de Sri Aurobindo à propos de la Chine2 ?
Oh ! oui, il me l'a lue lui-même ! (Mère rit)
Mais tout ce que Sri Aurobindo a dit est toujours arrivé. Tu sais, il avait dit aussi (mais c'était une boutade, il ne l'avait pas écrit), il m'avait dit pour la réunion avec le Pakistan; « Dix ans. » Il a dit: « Ça prendra dix ans. » Les dix ans sont passés et rien n'est arrivé – OFFICIELLEMENT rien n'est arrivé. Mais la vérité est (je l'ai su par les gens du gouvernement), la vérité est que le Pakistan a fait des démarches pour une réunion, a demandé qu'on refasse une union (ils auraient gardé une sorte d'autonomie mais ç'aurait été UNI, ç'aurait été une UNION), et c'est Nehru qui a refusé.
Quel âne !
Alors Sri Aurobindo avait vu.
Il avait vu que c'était comme cela. Au bout de dix ans, quand cet homme qui était à la tête du Pakistan est mort3, ils se sont trouvés en grande difficulté et ils n'arrivaient pas à s'organiser; alors ils ont envoyé quelqu'un (naturellement pas officiellement mais
1. Le paragraphe suivant a été omis de l'enregistrement.
2. Voir Addendum.
3. Il s'agit peut-être de la mort de Liaquat Ali et des graves difficultés économiques et politiques qui aboutirent à la dissolution du Parlement pakistanais en octobre 1958 et à la prise du pouvoir par le général Ayub Khan.

 

officieusement) et ils ont demandé à l'Inde de refaire une union, sur certaines bases – et ils ont refusé, les Indiens ont refusé. Ça a été une répétition de la même imbécillité que quand Cripps est venu faire ses propositions et que Sri Aurobindo avait envoyé un message pour leur dire: « Acceptez, quelles que soient les conditions, autrement ce sera pire après.» C'est ce que Sri Aurobindo leur avait dit. Gandhi était là et il a répondu: « De quoi se mêle-t-il, cet homme ! Il n'a qu'à s'occuper seulement de la vie spirituelle1. »
Ils ont ruiné le pays, consciencieusement.
Oui.
Oui, autant qu'ils ont pu2.
Alors c'est ça que X a vu: qu'ils ont été la cause de la ruine du pays. Et alors il a dit: « Ces gens-là ont ruiné le pays et ils seront détruits. » C'est ça qui est dans sa tête et c'est pour ça qu'il ouvre la porte à ce drame – qui serait une destruction effroyable.
C'est vrai qu'ils le méritent ! Ils ont agi d'une façon absolument imbécile, tout du long. Par stupidité surtout, par ambition, par vanité, par toutes sortes de choses, mais surtout par incompréhension totale – une vision aveugle, juste du bout de son nez.
Ne garde pas ça. Je ne veux pas garder de souvenirs politiques. Je n'ai rien dit depuis très longtemps de la situation du monde parce-que je ne veux pas qu'on sache (ce n'est pas que je ne sais pas mais je ne veux pas). Si jamais je m'occupe de politique, c'est-à-dire si les choses tournent du côté favorable, c'est en 67 que je commencerai à
1. En avril 1942, quand l'Angleterre se débattait contre les Nazis et le Japon qui menaçait d'envahir la Birmanie et l'Inde, Churchill tenta d'envoyer un émissaire à New Delhi, Sir Stafford Cripps, avec une proposition très généreuse qui, l'espérait-il, lui rallierait la bonne volonté et la coopération de l'Inde dans la lutte contre la menace mondiale. Par cette proposition, la Grande-Bretagne offrait à l'Inde le statut de Dominion, comme un premier pas vers un gouvernement indépendant. Aussitôt, Sri Aurobindo est sorti de sa retraite pour télégraphier son adhésion à Cripps, télégraphier à tous les leaders de l'Inde et même envoyer un émissaire personnel à Gandhi et au Congrès indien afin de les convaincre d'accepter tout de suite cette proposition inespérée. L'un des télégrammes de Sri Aurobindo à Rajagopalachari (le futur président de l'Inde) disait la gravité, que personne ne semblait voir, d'un rejet éventuel des propositions Cripps: «... Solution immédiate urgente devant grave péril stop Vous conjure sauver l'Inde du formidable danger d'une nouvelle domination étrangère quand l'ancienne est en train de s'éliminer d'elle-même. » Personne n'a compris: « De quoi se mêle-t-il. » Eût-elle accepté le statut de Dominion, l'Inde aurait évité la partition du pays en deux morceaux et la création artificielle du Pakistan, ainsi que les trois guerres qui suivirent (et qui n'ont pas fini), et le bain de sang qui a ravagé le Bengale et le Penjab en 1947 au moment de la partition. (Voir en Addendum un extrait du Message de Sri Aurobindo à l'occasion de l'indépendance de l'Inde.)
2. Notons l'autre côté des choses; Mère a dit aussi au moment de la mort de Nehru, dans un message du 27 mai 1964: « Nehru quitte son corps, mais son âme est une avec l'âme de l'Inde, qui vit pour l'éternité. »

 

dire ce que je sais. Mais pas avant.
Avant, c'est tout silencieux. Je ne dis rien et je tâche de faire, c'est tout1.
*
* *
ADDENDUM
(Extrait du Message de Sri Aurobindo à l'occasion de l'indépendance de l'Inde)
Le 15 août 1947
Le 15 août 1947, anniversaire de la naissance de l'Inde libre. C'est pour elle la fin d'une vieille ère, le commencement d'un nouvel âge. Mais nous pouvons aussi en faire, par notre vie et nos actes de nation libre, une date importante pour l'ouverture d'un âge nouveau dans le monde entier et pour l'avenir politique, social, culturel et spirituel de l'humanité.
Le 15 août est mon propre anniversaire et, naturellement, je me réjouis que cette date ait pris ce vaste sens. Cette coïncidence n'est pas pour moi un accident fortuit; je la prends comme le sceau et la sanction de la Force Divine qui guide mes pas dans le travail avec lequel j'ai commencé cette vie, et comme le commencement de sa complète fructification. En effet, en ce jour, je peux voir presque tous les mouvements mondiaux que j'espérais se voir réaliser dans ma vie arriver à leur fructification ou en voie d'accomplissement, bien qu'à l'époque ils semblaient un rêve irréalisable. Dans tous ces mouvements, l'Inde libre peut jouer un rôle important et prendre une position de premier plan.
Le premier de ces rêves était un mouvement révolutionnaire qui créerait une Inde libre et unie. L'Inde est libre aujourd'hui, mais elle n'est pas parvenue à l'unité... La vieille division religieuse entre Hindous et Musulmans semble s'être durcie maintenant en une division politique permanente du pays. Il faut espérer que ce fait établi ne sera pas accepté comme établi pour toujours ou comme autre chose qu'un expédient temporaire. Car, s'il dure, l'Inde risque d'être sérieusement affaiblie, mutilée même: les troubles civils resteront toujours possibles, possible même une nouvelle invasion et une conquête étrangère. Le développement interne de l'Inde et sa prospérité risquent d'être entravés, sa position parmi les nations
1. Nous avons malgré tout gardé cette conversation. Nous ne pouvions pas censurer ces paroles ni les supprimer de l'Histoire, et où est la frontière de la censure et du mensonge ?

 

affaiblie, sa destinée compromise ou même frustrée. Ceci ne doit pas être – la partition doit disparaître1...
Sri Aurobindo
*
* *
(Extrait d'une lettre de Sri Aurobindo à propos de l'invasion de la Corée du Sud, le 15 juin 1950)
Le 28 juin 1950
Je ne sais pas pourquoi vous voulez que j'éclaire votre lanterne sur cette affaire de Corée. Il n'y a pas à hésiter. L'affaire est claire comme deux et deux font quatre.
C'est le premier pas du plan de campagne communiste pour dominer et s'emparer, d'abord des parties septentrionales de l'Asie, puis de l'Asie du Sud-est, prélude à leur manoeuvre sur tout le reste du continent – le Tibet au passage, comme une porte d'entrée sur l'Inde2.
S'ils réussissent, il n'y a pas de raison que la domination du monde ne suive pas à pas jusqu'à ce qu'ils soient prêts à affronter l'Amérique. C'est-à-dire, en admettant que la guerre puisse être écartée avec l'Amérique, jusqu'à ce que Staline choisisse son heure.
Truman semble avoir compris la situation, si l'on en juge par ses décisions en Corée; reste à savoir s'il sera assez ferme pour aller jusqu'au bout. Les mesures qu'il a prises risquent d'être incomplètes et vaines puisqu'elles n'envisagent pas d'intervention militaire effective, sinon par mer et par air. Telle semble être la situation, voyons comment les choses vont évoluer.
Une chose est certaine, c'est que s'il y a trop de tergiversations et si l'Amérique abandonne maintenant sa défense de la Corée, elle risque d'être obligée d'abandonner position après position, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. À un moment ou à un autre, elle devra faire face à la nécessité d'une action radicale, même si cela doit conduire à la guerre.
Staline aussi ne semble pas prêt à affronter tout de suite le risque d'une guerre mondiale; si c'est vrai, Truman peut retourner la situation contre lui en le mettant constamment dans l'obligation de
1. Sept semaines après l'indépendance de l'Inde et la création du Pakistan, celui-ci envahissait le Cachemire.
2. Le Tibet a été envahi quatre mois plus tard, le 21 octobre. L'Inde n'a pas protesté.

 

prendre ce risque ou de céder position après position à l'Amérique. Je crois que c'est tout ce que je peux voir pour le moment – la situation présente est aussi grave que possible.
Sri Aurobindo
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