16 octobre 1963
(Mère commence par lire deux vers de «Savitri » extraits du Colloque avec la Mort. Elle voudrait les mettre en exergue à la conversation du 7 septembre : le dialogue avec un matérialiste.)
1. Voir conversation du 25 septembre.
2. Il existe un enregistrement de cette conversation.

 

Écoute ça:
Ô Mort, tu dis la Vérité, mais une Vérité qui tue, Je te réponds par la Vérité qui sauve.
(x.iii.621)
C'est beau!
Alors le matérialiste... «Ô Mort, tu dis la Vérité»... Qu'est-ce qu'il a à dire? – C'est la Vérité! En anglais:
Death, thou speakest Truth but Truth that slays,
answer to thee with the Truth that saves1.
*
* *
Tu connais Z? Je l'ai vu deux fois ces temps derniers (hier pour la seconde fois) et je voulais attendre de l'avoir vu la seconde fois avant de te raconter l'histoire.
Voilà ce qui s'est passé: je fais mon habituel «bain de Seigneur» et il est entendu qu'au bout d'un certain temps, Champaklal ouvre la porte – c'est pour moi le signe que l'entrevue est terminée. Alors j'ai regardé Z, comme ça, pour voir (je l'avais regardé plusieurs fois avant, mais il n'y avait rien de particulier), je l'ai regardé et j'ai vu devant lui comme une masse de substance, qui n'est pas matérielle mais qui répond à la formation mentale, c'est-à-dire qu'avec la pensée et la volonté mentales cette substance prend des formes – je connais (Mère fait le geste de palper cette substance entre ses doigts), ça ressemble beaucoup au genre de substance dont se servent les médiums pour leurs apparitions (moins matériel, plus mental, mais enfin c'est le même genre). Il y avait comme une masse devant lui, qui le cachait; ce n'était pas lumineux, ce n'était pas noir, mais c'était plutôt sombre. Alors j'ai regardé, j'ai fixé pour voir ce que c'était, et comme je fixais, j'ai vu qu'il y avait une volonté ou un effort pour donner une forme à cette masse de substance. C'était exactement devant la tête et les épaules de Z. Et il y avait cette volonté de lui donner une forme (geste de modelage). Comme je fixais bien attentivement, ça a pris la forme de la tête de Sri Aurobindo telle qu'elle apparaît dans les journaux, les magazines (ce que
1. L'enregistrement de la lecture de ces deux vers a été conservé. Tout le passage qui suit a été omis.

 

moi, j'appelle le «Sri Aurobindo populaire», tel qu'on le représente dans les livres), la substance a pris cette forme. Immédiatement, j'ai pensé (ton ironique) : «Ah! c'est la forme populaire, ça ne lui ressemble pas!» Et immédiatement, la substance s'est arrangée autrement, et elle a pris la forme du Sri Aurobindo de Cartier-Bresson1 (la tête de trois quart, assis dans le fauteuil). C'était mieux! (Mère se retient pour ne pas rire.) Ce n'était pas tout à fait bien, mais enfin c'était mieux (mais note que ça n'avait ni lumière ni vie: c'était de la matière mise en forme – une matière subtile, n'est-ce pas –, mise en forme par une volonté mentale). Alors j'ai commencé à me demander: «Qu'est-ce que c'est que ça?! Est-ce qu'il veut me faire croire que Sri Aurobindo est en lui, ou quoi?» Parce que la tête et les épaules de Z avaient complètement disparu, il n'y avait plus que ça. Et j'ai pensé (pas une pensée forte, simplement une réflexion): «Non, ce n'est pas très bien! vraiment pas très ressemblant!» (Mère rit) Alors il y a eu une dernière tentative et ça a ressemblé tout à fait à la photographie que l'on a prise quand il a quitté son corps (cette photo que nous avons mise debout et que nous avons appelée «méditation»), c'était très ressemblant à la photographie, (avec ironie) très-très ressemblant. Et c'est resté. Alors j'ai pensé: «Ah oui! voilà la photographie.»
Puis je me suis concentrée juste un petit peu, j'ai dit: «Voyons, à qui veut-on en faire accroire?» Alors instantanément, tout-tout a disparu. Et j'ai vu Z, sa tête.
J'avais fixé cette chose – ça a duré plus de dix minutes–, et je fixais, je fixais cette chose, et vraiment avec une extrême bonne volonté je cherchais à voir s'il y avait là-dedans la vibration de Sri Aurobindo (la lumière n'était pas là, mais je cherchais à voir si la vibration était là), et je ne sentais rien.
Tout de même, il y avait une VOLONTÉ très forte de me faire croire que c'était lui – je l'ai vu, n'est-ce pas.
J'étais un petit peu ennuyée.
D'abord, j'ai pensé: «Mais enfin, pour qui me prend-on! (riant) pour une imbécile à qui l'on peut faire prendre des vessies pour des lanternes?» Puis je me suis dit que je ne dirai rien: je voulais attendre de le voir une seconde fois. Alors j'ai fait une très forte formation et j'ai dit à Sri Aurobindo: «S'il y avait vraiment quoi que ce soit de toi là-dedans, eh bien, il faudra que ça recommence la prochaine fois.» Et hier, j'ai regardé tout le temps, attentivement, avec un grand soin – et absolument rien ne s'est produit.
1. Oui avait photographié Sri Aurobindo en 1950.

 

Je n'ai pas beaucoup aimé cela.
N'est-ce pas, je connais ces choses-là, j'en ai vu des milliers! seulement il se trouve qu'il y a plus d'un demi-siècle que je perçois la différence d'une façon tout à fait aiguë. Je crois que je t'ai raconté déjà que quand je suis revenue du Japon ici, il y a eu des difficultés: une fois, j'ai été en danger et j'ai appelé Sri Aurobindo, et il est apparu, et le danger est parti1 – il est apparu, c'est-à-dire qu'il est venu, quelque chose de lui est venu, une ÉMANATION de lui est venue, vivante, tout à fait concrète. Le lendemain (ou plutôt le jour même, après), je lui ai dit mon expérience et que je l'avais vu; alors il s'est inquiété (c'était un danger perpétuel, n'est-ce pas) et il a très fortement pensé qu'il fallait qu'il se concentre sur moi pour me protéger. Et le lendemain, je l'ai vu – mais c'était une image, c'était une formation mentale! Je lui ai dit: «Oui, vous êtes venu en formation mentale, ce n'était pas la même chose.» Alors il m'a dit que cette capacité de discernement est une chose extrêmement rare. Mais je l'ai toujours eue, même quand j'étais petite. C'est une sensibilité de la perception. Je crois, en effet, qu'il y a très peu de personnes qui peuvent sentir la différence. Et justement, ma première impression était: «Mais enfin, moi... tout de même! j'ai un peu d'expérience du monde, on ne peut pas me faire prendre comme ça des vessies pour des lanternes!»
Et hier, tout était très paisible, rien: Z était là tout le temps et personne devant lui, ne prétendant rien. Et la première fois, comme il s'attendait à un résultat, il a prolongé l'entrevue – probablement il s'attendait à une réaction (je ne lui ai jamais dit que Sri Aurobindo était avec moi tout le temps, que toutes les nuits nous parlons). En tout cas, il s'attendait probablement à un enthousiasme de ma part (!) Voilà.
[Le disciple n'arrive pas à croire ce que Mère lui a dit :] C'était une volonté qui venait de lui ? Ce n'était pas quelqu'un d'autre qui s'est servi de cette substance ?
Non. Et c'était fait EXPRÈS, pour me faire penser que Sri Aurobindo était là, dans Z, et se servait de Z comme d'un moyen d'expression.
Il y a très-très longtemps, quand j'étais encore en bas (pas la dernière année, l'année d'avant), un jour, je ne me souviens plus des détails, mais je sais qu'il m'a fait une espèce de cinématographe: il
1. La fameuse scène de l'étranglement, avec Richard.

 

s'est montré comme celui-ci, celui-là, ceci, cela – il y avait toute une ribambelle de dieux et d'êtres qui sont venus se plaquer sur lui, comme ça (Mère pose ses deux mains l'une sur l'autre), et il y avait Sri Aurobindo aussi, dans le tas! Naturellement, j'ai vu ce que c'était; ce n'était aucun de ces personnages, c'était seulement leur image. Mais je n'y ai attaché aucune importance parce que c'était pour moi... (riant) comme quelqu'un qui me faisait une représentation! Mais cette fois-ci...
C'est la première fois, note, que c'est arrivé, qu'il a essayé – spontanément je dis qu'il a essayé de m'en faire accroire. Ça m'étonnerait qu'il ne soit pas conscient.
C'est grave.
Je n'appelle pas cela «grave».
Je n'appelle pas ça grave parce que c'est peut-être avec la meilleure intention du monde: pas pour me tromper mais pour m'aider. Mais ça m'a paru d'une IGNORANCE ! Qu'il se serve de moyens comme cela avec moi, ça veut dire qu'il ne connaît absolument rien de moi.
Ça réussirait avec n'importe quel médium ordinaire, ou quelqu'un qui prétend. Quelqu'un qui prétend, qui n'est pas sincère, serait pris immédiatement, parce que dans des cas comme cela, c'est la sincérité qui sauve. Apparemment, il est très-très difficile de faire une différence. C'est la sincérité qui sauve (c'est la même chose que ce que j'ai dit à Sujata1). Je me souviens de Madame Théon, comme je lui avais raconté plusieurs de mes expériences, elle m'a dit: «Personne ne peut vous tromper parce que vous êtes parfaitement sincère» (occultement, je ne dis pas extérieurement: occultement). Et c'est vrai, ça dépend de la sincérité. Par conséquent, que Z essaye cela, prouve qu'il a une curieuse opinion de moi!
Mais pourquoi tout ça ? dans quel but ?
On m'a dit beaucoup de choses... Il a dit que c'est lui qui prendrait ma place quand je m'en irai, quand je quitterai mon corps.
Ah oui !?!
Oui, je sais qu'il l'a dit.
1. Qui avait vu une «fausse Mère» couverte de taches – sa sincérité lui avait fait voir les taches. D'autres auraient vu une Mère «éblouissante».

 

Ça me paraît invraisemblable.
Je n'appelle pas cela une accusation parce que je prends toujours les choses au mieux – ce peut être l'expression d'une grande bonne volonté, mais évidemment absolument ignorante. Et alors il a une manie de raconter... Il a dit que je descendrai l'année prochaine, que je reprendrai mes activités en bas. Alors j'ai regardé (à travers cela, j'ai regardé ce qu'il pensait), et j'ai vu: pour lui, ce n'était pas du tout que je prenais possession d'une Puissance nouvelle, c'était un retour aux vieilles choses – mais un retour aux vieilles choses, dans mon cas, c'est une ineptie!
Mais oui !
Tu comprends, c'est cela qui m'intéresse, ce n'est pas du tout que je trouve une faute, mais c'est la preuve qu'il n'a absolument aucune perception véritable de ce que c'est.
Il a même dit qu'on lui demanderait – on lui DEMANDERAIT – de prendre ma place.
Enfin...
Je voulais te dire cela parce que c'est intéressant à noter et que ça reste.
Mais je ne veux pas qu'on le sache, parce que je le prends au mieux comme une bonne volonté, comme pour m'exprimer qu'il veut participer... mais tout ça, dans un mental qui me paraît tellement enfantin! N'est-ce pas, l'idée que je n'ai confiance qu'en Sri Aurobindo et que si c'est présenté sous la forme de Sri Aurobindo, j'accepterai! Des choses comme cela. J'ai tellement eu l'impression qu'il pensait avoir affaire à une oie!
Évidemment, il sait mettre en forme la substance mentale – mais tout le monde le fait sans le savoir, le fait automatiquement, ce maniement de la matière mentale pour lui donner une forme; tout le monde le fait; il suffit de penser avec un peu de force pour que ça se fasse. Seulement les gens ne le voient pas parce qu'ils n'ont pas la vision mentale. Et là, c'était tout à fait amusant (la formation mentale de Z) parce que ça répondait si bien à ma pensée immédiate (et je ne pensais pas avec force); je regardais ça et spontanément, au-dedans de moi, j'ai pensé: «Ah non!»... C'était presque comme si Sri Aurobindo disait: «Ah non! c'est mon portrait populaire, ça ne vaut rien1
1. L'enregistrement de toute cette affaire restera dans nos archives.

 

Voilà.
* * *
Peu après
Je voudrais bien savoir ce que c'était, cette «inondation» de l'autre jour?
Tiens, j'ai eu l'explication, et puis je ne me souviens plus. Je l'ai eue, je l'ai classée – tout ça, ça s'en va si vite, si vite, si vite... Je l'ai eue très clairement, je ne me souviens plus. Ça reviendra. Il y a des milliers de choses comme cela.
(après un silence)
C'est vraiment la lutte maintenant avec toute cette formation terrestre... oui, avec l'ignorance et l'inconscience de la pensée primaire de la terre.
C'est encore là, même chez les gens qui ont développé leur mental supérieur, qui sont capables de sortir de cette obscurité et de cette ignorance, c'est encore là – c'est encore là dans une sorte de subconscient mental ou subconscient vital. C'est si obscur! Tout à fait stupide, n'est-ce pas: ça peut avoir des centaines et des milliers de preuves, ça ne le touche pas – une sorte d'incapacité de comprendre. Et alors, constamment, ça vient à la surface, et constamment je suis obligée (geste d'offrande vers le Haut) de le «présenter»: «Ça, c'est encore là; ça, c'est encore là, ça...» Et je vois bien que la distinction entre ce qui se passe dans ce corps et son atmosphère, et ce qui se passe dans tous les autres corps... je ne sais pas si elle existe encore, mais elle est imperceptible. Et alors la conscience est consciente de tous ces mouvements comme de mouvements personnels à la personne physique. Mais la personne physique, ce n'est pas seulement ça (Mère touche son corps), ce n'est pas seulement ce corps – je ne suis pas encore sûre si la personne physique n'est pas toute la terre (pour certaines choses, c'est toute la terre), ou si la personne physique est l'ensemble de tous les corps des gens avec qui je suis en rapport... Dans les dernières heures de la nuit, c'est-à-dire entre deux et quatre, je vois des formes précises, mais ces formes

 

précises sont elles-mêmes représentatives, en ce sens qu'il y a des types et que ces types prennent l'image de quelqu'un avec qui j'ai un rapport ou j'ai eu un rapport personnel; mais ce sont pour moi des types: «Ah! c'est tel type» – et ce peut être des milliers de gens. Et l'action (c'est toujours pour une action), l'action sur le personnage-type a des répercussions sur tout ce qu'il représente.
Et ça, c'est un labeur qui paraît... infini – sans fin en tout cas.
Ça a des conséquences.
N'est-ce pas, ce que je fais, c'est ceci: la chose vient, elle est prise, elle est présentée (geste vers le Haut) comme si elle était mienne: «Mais enfin, Tu vois comment je suis...» (mais c'est le «Je» – le grand Je), elle est présentée au Seigneur, très humblement, avec l'impression et le sentiment d'une impuissance totale – simplement, je demande: «Voilà, change-le.» L'impression qu'il n'y a que Lui qui puisse le faire, que tout ce qu'on a essayé, ça paraît partout des enfantillages – tout paraît être des enfantillages. La plus sublime intelligence me paraît un enfantillage. Tout ce que l'on essaye pour éclairer, organiser, instruire l'humanité, l'éveiller à une conscience plus haute, lui faire maîtriser la Nature et ses forces, tout ça – tout ça qui pour un regard humain quelquefois est tout à fait sublime –, ça paraît tout à fait des jeux d'enfants qui s'amusent dans une nursery. Et qui aiment les jeux dangereux, qui croient terriblement à ce qu'ils font (naturellement comme les enfants). Je n'ai jamais rencontré une justice plus grave et plus sévère que la justice des enfants dans leurs jeux, ils prennent vraiment la vie au sérieux. Eh bien, c'est ça, c'est ça l'effet que cela fait: c'est une humanité dans l'enfance qui prend furieusement au sérieux ce qu'elle fait. Et puis, qui n'en sortira jamais – n'en sortira jamais, il lui manque le petit quelque chose (qui n'est peut-être rien du tout, n'est-ce pas), un tout petit quelque chose qui fait que... ah! tout s'éclaire et s'organise – c'est toujours en marge de la Vérité.
Alors la seule chose que je puisse faire, c'est ça (geste de présentation) : «Tiens Seigneur, Tu vois, nous ne savons rien, nous ne pouvons rien, nous sommes absolument imbéciles – à Toi de le changer.» Comment le changer? – On ne peut même pas l'imaginer, même pas. Et alors tout mon temps (même geste) ; pas de temps en temps: constamment, nuit et jour, sans arrêt, nuit et jour sans arrêt; si pendant l'espace d'une ou deux minutes ce n'est pas fait, immédiatement il y a quelque chose qui rattrape: «Oh! tout ce temps perdu!» Et si je regarde attentivement ce qui s'est passé, alors je vois: pendant ces quelques minutes, je vois que j'étais

 

comme ça, béatifique dans le Seigneur; je me laissais vivre béatifiquement dans le Seigneur; alors je ne lui présentais pas les choses – ça arrive deux ou trois fois par jour. Un délassement, n'est-ce pas, on se laisse aller béatifiquement dans le Seigneur. Et c'est si naturel et si spontané que je ne le remarque même pas; je le remarque quand je reprends mon attitude... (geste vers le Haut) de tout reporter au Seigneur à chaque minute.
(silence)
Et toujours cette question d'âge... Chez tout le monde, tout le monde, sans même qu'ils s'en aperçoivent, il y a toujours à l'arrière-plan (à propos de n'importe quoi, à n'importe quelle occasion), toujours l'idée du vieil âge, de la dégringolade, la décrépitude. Et c'est mille fois par jour que ça vient! (Mère rit) Alors là aussi, je dis au Seigneur: «Écoute, est-ce que vraiment je suis en train de dégringoler?» Alors Il me montre une ou deux choses... dans un éblouissement de lumière. Ça m'arrive de temps en temps –- pas souvent – quand «l'avalanche» a été assez considérable; alors il y a un éblouissement de Lumière, de Pouvoir, quelquefois d'une Puissance si formidable qu'on a l'impression que si l'on s'en servait... qu'est-ce qui arriverait? Par exemple, simplement d'avoir été mise en contact avec une mauvaise volonté méchante (c'est rare), un besoin ou un désir de nuire; je fais ça (Mère pince la vibration entre ses doigts), je fais comme cela (mais ça correspond à quelque chose dedans: c'est une Puissance qui agit avec une Lumière blanche, absolument blanche, n'est-ce pas, qui ne tolère rien d'autre que le tout à fait blanc), et presque instantanément, dans la personne où le mouvement de mauvaise volonté s'est produit par une possession partielle du vital: une crise de nerfs ou (comment appelle-t-on cela?) a vital collapse, ou un nervous collapse [un écroulement nerveux], très tangible. Alors naturellement, on refrène tout mouvement, et on regarde tout à fait tranquille avec l'éternel Sourire. Mais c'est comme pour me montrer: voilà – voilà la potentialité (!) Seulement il n'y a pas l'Ordre de s'en servir, excepté de temps en temps «comme ça».
(silence)
Tiens, la nuit d'avant, dans la nuit, quelqu'un est venu me trouver (quelqu'un qui était bleu foncé, c'est-à-dire une formation mentale) avec un plan d'action, et qui me disait: «Tout est arrangé: à tel moment et tel jour (c'était pour l'année prochaine), vous avez à faire ce travail, il faut descendre, et voilà comment on arrangera

 

tout pour votre descente – ceci, cela, cela...» Moi, je jouais le jeu très bien, je disais: «Ah! non, ça ne va pas, il faut arranger comme cela et comme cela...» Puis, quand tout a été bien fini, tout d'un coup quelque chose m'a fait rentrer (geste de retour à l'intérieur) et j'ai regardé, j'ai vu la personne, j'ai vu le plan, j'ai vu tout (j'étais en train d'agir) et j'ai dit: «Oui, tout ça est très bien, mais voilà... le malheur est que je ne descends pas!» Et d'un seul coup, brrt! parti1 – c'était une construction, comme s'il y avait toute une organisation, même gouvernementale (!) pour me faire descendre. Et en me réveillant (c'est-à-dire le matin quand je suis sortie de mon activité de la nuit), je me suis dit: «Peut-être est-ce cela qui s'est montré (c'était une formation mentale – de qui, de quoi? je ne m'en suis pas préoccupée), mais c'est peut-être cela qui s'est montré à Z et qui lui a fait dire avec l'autorité du voyant: «Mère va descendre l'année prochaine.» J'ai trouvé ça très amusant.
De plus en plus, les choses sont telles qu'elles sont : exactes, sans complications. J'ai remarqué qu'avec les hommes, même les plus sincères, les plus droits, il y a toujours une espèce de revêtement, coating, un revêtement émotif (même les plus froids, les plus secs), quelque chose qui appartient au vital; un revêtement émotif qui rend flou, incertain, et permet un jeu qui leur donne l'impression de toutes sortes de «forces mystérieuses» qui jouent – les choses sont très claires, très simples, très, oh! très simples, et ça, ça vient donner une sorte de confusion. Ce n'est pas sentimental, ce ne sont pas des émotions non plus, c'est quelque chose... quelque chose qui aime l'incertitude, l'inconnu, l'inattendu – pas positivement le hasard (ce n'est pas si fort), mais qui aime vivre dans ça, dans... au fond c'est l'Ignorance! ne pas savoir ce qui va arriver. Même les choses les plus simples, même les choses les plus évidentes, c'est tout revêtu de ça.
Tiens, par exemple, combien de gens, même les plus sérieux, aiment qu'on leur dise l'avenir: on lit dans la main, on lit dans l'écriture (je suis accablée de gens qui me demandent des choses comme cela), mais enfin même en dehors de toute idée spirituelle, cette espèce d'intérêt qu'ils ont à ce qu'on leur dise: «Voilà, votre ligne de vie va durer jusque là...» Les gens aiment ça! ils aiment, ils aiment rester dans leur incertitude. Ils aiment leur ignorance. Ils aiment cet inconnu – cet inconnu «plein de mystères». Ils aiment le prophète qui vient leur dire: «Tu feras ça... Il t'arrivera ça...» Ça paraît si enfantin! C'est le même goût que le goût du théâtre, c'est
1. La suite de ce paragraphe a été omise de l'enregistrement.

 

la même chose (pas l'auteur qui a écrit la pièce, mais le spectateur qui la voit sans savoir comment elle va finir), ou le même goût que pour lire des romans – le goût de «l'inconnu». Et alors c'est tout près du goût du merveilleux.
Beaucoup de chemin à faire encore pour entrer dans la Connaissance – dans la conscience où l'on sait tranquillement, et où tout est si simple, si naturel, si évident. Et c'est ce revêtement qui donne les complications: ça se complique tout d'un coup dans l'atmosphère humaine.
Je crois que les animaux (pas les animaux qui vivent avec les hommes), les animaux (il n'y en a plus beaucoup maintenant, ils sont tous infectés par l'homme!) les animaux naturels – les animaux dans leur état naturel ont une vie très simple. Tout est très évident, très simple, très naturel – c'est nous qui mettons les complications1.
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