20 novembre 1963
Alors, quoi de neuf? Ça va? Comme ça. Pas trop bien? Pas trop.
La santé n'est pas bonne? Pas trop non plus. Qu'est-ce qu'il y a? Intérieurement aussi.
Ah! c'est pour cela, alors! Et qu'est-ce qu'il y a intérieurement? Tu ne veux pas dire?
Je suis un peu... désillusionné.

 

Par quoi?
Ma foi ne varie pas, mais j'ai l'impression qu'en dehors d'un certain nombre de choses que je dois faire et pour lesquelles je reçois une aide précise, une aide vraiment d'en-haut, pour le reste, rien. Tu comprends, voilà dix ans que je suis ici, eh bien, il n'y a rien ce n'est pas que je manque de foi, mais il n'y a pas de développement.
Peut-être pas le développement que tu attends.
Enfin, pour moi, il s'agit d'un développement de conscience : on voit. Je ne sais pas, on doit voir!
Ah! c'est toujours cette question de «voir».
Mais oui !
Mais ce n'est pas nécessaire, il y a des gens qui réalisent sans voir Ça me semble tout à fait incomplet. Il n'y a pas de conscience. Pas de conscience? Non.
Tu n'est pas conscient? De quoi ??
(silence)
Ma foi ne change pas: c'est la Vérité, il n'y a aucun doute; même si rien n'arrivait pendant deux siècles, ce serait quand même la Vérité, mais...
Oh! deux siècles, ce n'est rien! deux millénaires, mon enfant, voyons... Tu es trop pressé.
Vraiment il me semblait... Quand j'ai commencé le yoga, ça me semblait tout à fait naturel : on fait telle chose et on arrive à tel résultat ça me semblait évident. C'est cette évidence qui est ébranlée.

 

Oui, c'est ce que j'ai senti. Figure-toi que ces derniers temps, depuis deux ou trois semaines à peu près, il y a comme un craving [désir, soif] pour des effets (ce que tu appelles des «résultats», toi), des effets. Pour moi, c'étaient des «effets». Et je me disais: «C'est drôle, je n'ai jamais eu cela de ma vie, ça m'est tout à fait égal, pourquoi ce besoin?» – Tout le temps j'attrape tes maladies! Dis-moi, ce n'est pas gentil! (rires)
Ah! je comprends maintenant, je me disais: «D'où ça vient, d'où ça vient?...»
Bien.
Eh bien, ça passera. Ça va passer.
(silence)
On m'a fait voir d'une façon tout à fait objective, mais ténue, des effets qui sont insignifiants par leur dimension, et formidables, tu entends, formidables par leur qualité. Et avec un sourire, comme si on se fichait de moi, en me disant: «Ah! tu veux des résultats, tiens, voilà; tu veux des effets, tiens, les voilà.» Et alors on ajoutait (tu sais ce que j'appelle «insignifiant», c'est ce qui concerne les toutes petites circonstances de toutes les minutes de la vie): «Tu veux des résultats terrestres ? Eh bien, ceux-là sont beaucoup plus considérables, dans leur qualité, que ce que tu vois.» Et en effet, j'ai vu des petites, toutes petites choses, justement des mouvements de conscience dans la Matière, des toutes petites choses qui étaient... vraiment ahurissantes dans leur qualité, et que l'on ne remarque jamais parce qu'elles n'ont aucune importance (aucune importance extérieure); ce n'est que si l'on observe d'une façon tout à fait ténue que l'on s'en aperçoit, c'est-à-dire, justement, des phénomènes de conscience des cellules – tu es conscient de tes cellules?
(Le disciple hoche la tête)
Non. Eh bien, deviens conscient de tes cellules et tu verras qu'il y a des résultats!
Tous ces jours-ci, ça vient comme... comme des preuves, des preuves accablantes pour le doute: des preuves de l'omniprésence du Suprême dans la Matière la plus inconsciente en apparence – quelque chose de tellement formidable que la raison raisonneuse peut à peine le croire. Mais elle est obligée. Seulement, n'est-ce pas, on s'en aperçoit quand on est arrivé à ce degré d'attention tout à fait ténue et qu'au lieu de vouloir des grandes choses qui font beaucoup de bruit, beaucoup de mouvement et qui ont des apparences

 

très éblouissantes, on se contente d'observer des toutes-toutes petites, toutes petites choses, qui pour notre prétentieuse raison sont tout à fait insignifiantes, mais qui pour le Suprême sont des preuves accablantes.
Mais je n'ai pas besoin de preuves! Je ne doute pas une seconde, il n'y a pas un doute dans ma conscience.
Alors qu'est-ce qui te manque?
Eh bien, je me dis que je ne vaux rien ! Je ne suis pas capable. C'est tout.
Mais ce n'est pas vrai!
Alors pourquoi ne suis-je pas conscient ?
Mais c'est un mensonge, mon petit!
Mais je ne sais rien de ce qui se passe. Je me réveille le matin, je ne sais pas une seconde j'ai été dans la nuit, par exemple.
Et moi qui essaye de ne jamais me souvenir!... J'ai toutes les peines du monde à y réussir – j'y réussis, je commence à réussir. Je me couche en me disant: «Pour l'amour du ciel! pour l'amour de Toi, Seigneur, laisse-moi me reposer béatifiquement et tranquille sans être consciente de,., tout ce fatras inutile de la vie et des gens.» Et quand je me réveille (je me réveille à peu près quatre ou cinq fois dans la nuit, c'est-à-dire que je sors de ma transe et entre dans la conscience extérieure), chaque fois je m'aperçois qu'il y avait un événement, mais immédiatement il y a quelque chose qui vient et qui fait brrt!... (geste d'effacer), parce que j'ai demandé, alors ça s'en va. Et Il est plein d'humour, tu sais, le Seigneur (Mère rit), beaucoup plus que nous le croyons, parce qu'il me fait juste sentir quelque chose qui, tout d'un coup, est extrêmement intéressant et révélateur (l'autre jour, j'avais été mise en rapport avec les circonstances politiques du pays), puis naturellement, sur ma demande imbécile, dès que je me suis réveillée, dès que j'ai repris la conscience extérieure, il y a quelque chose qui est venu, qui a fait brrt!... et c'est parti. Alors j'ai fait un petit essai, mais j'ai entendu quelqu'un qui riait, qui disait: «Tu vois!...»
Au fond, la conclusion de tout cela, c'est que nous sommes des

 

idiots! que nous voulons ce que l'on ne nous donne pas, que nous ne voulons pas ce que l'on nous donne, que nous mélangeons toutes sortes de désirs personnels au soin que le Seigneur prend de nous.
Mais je ne peux pas appeler l'inconscience un «soin»! Quand je suis inconscient, je sens cela comme une chose qui n'est pas bien !
Mais tu es inconscient??
Mais oui, de quoi suis-je conscient ?...
Mon petit...
Je suis conscient de mon propre bruit, de mon propre vacarme, de mes histoires, c'est de cela dont je suis conscient!
(Mère rit) Je me souviens, ce n'était pas pendant la nuit, c'était pendant le jour, pendant que je marchais, le Seigneur m'a fait des compliments de toi.
Eh bien, alors!...
Pas comme cela, pas comme nous entendons les compliments, non. Je m'occupais de la façon dont la Vérité doit utiliser les capacités mentales pour s'exprimer (parce qu'on vous demande de faire taire le mental, et quand on y arrive, on y arrive très bien, mais ce n'est pas le but: c'est seulement un moyen, c'est pour changer sa façon de fonctionner), alors je regardais la façon dont le mental doit fonctionner dans la vie vraie (la vie supramentale puisque Sri Aurobindo a dit qu'il appelait «supramental» la manifestation de la Vérité et de la Lumière). Bon, je regardais. Je faisais une sorte d'inspection terrestre et j'étais en train de me demander: «Y a-t-il sur la terre des mentalités qui sont prêtes à pouvoir recevoir et à manifester – surtout manifester – convenablement cette vibration-là?» Et j'ai entendu le Seigneur qui m'a dit quelque chose (je traduis naturellement): «Mais pourquoi cherches-tu si loin? Tu as près de toi l'instrument convenable.» Et c'était toi. Alors je me suis dit: «Ça va bien.»
Je n'ai émis aucun doute sur Son jugement!
Mais puisque tu protestes ou piaffes... Et Il m'a montré comment la goutte de Lumière venait éclater et faisait des radiations et passait à travers ta mentalité sans s'obscurcir – c'était très joli à voir.

 

Je ne le disais pas parce que... est-il nécessaire de faire des compliments? Le fait était plus important que cela ne valait la peine de le dire. Mais puisque tu n'es pas content, alors je te dis: voilà. C'est peut-être une habitude de révolte intérieure – tu n'es pas un révolté de nature?
J'ai cherché pourquoi ta vie physique a commencé (enfin, pas tout à fait commencé mais très-très jeune malgré tout) par une expérience si douloureuse (les camps de concentration). Et j'ai vu le pourquoi: c'était comme une séparation (ce n'est pas séparation), disentanglement [démêlement], tu comprends?... Il y a deux choses dans tous les êtres humains: ce qui vient du passé, qui a persisté parce que c'est formé et conscient, et puis toute cette masse obscure, inconsciente, et vraiment bourbeuse, qui s'ajoute à chaque vie; alors l'autre entre dedans et se trouve tout emprisonné, n'est-ce pas – mélangé, emprisonné –, et généralement il faut plus de la moitié de la vie pour sortir de cet encombrement. Eh bien, on a pris soin de... plus que te doubler la dose au commencement, et ça a fait une sorte d'arrachement: une partie qui est partie en haut, et une partie qui est tombée en bas. Et la partie (ça a agi presque comme un filtre), la partie qui s'est levée était très clarifiée, très clarifiée de tout ce remous: ça devient très-très conscient de ce mélange... Tiens, aujourd'hui, toute la matinée jusqu'à ce que les gens m'accablent sous le travail, jusque là c'était très conscient de la partie qui appartient encore, justement, à l'Inconscience, à l'Ignorance, à l'Obscurité, à la Stupidité, qui est... même pas aussi harmonieuse que les arbres ou qu'une fleur; quelque chose qui n'est même pas aussi tranquille que la pierre, même pas aussi harmonieux et même pas aussi fort que l'animal – quelque chose qui est vraiment une déchéance. Ça, c'est vraiment l'infériorité humaine. Et peut-être que (non, je ne devrais pas dire peut-être: je sais), c'était nécessaire pour, justement, que les choses se décantent – se décantent, tu sais quand on laisse un liquide se décanter? – C'est tout à fait cela; c'est la Lumière qui se décante, la Conscience qui se décante. Et alors c'est vrai, il y a une partie qui est tout à fait décantée chez toi; chaque fois que je la vois (n'est-ce pas, ça entre dans le travail), c'est joli comme qualité de lumière, comme qualité de vibration, et c'est très décanté. Mais c'est vrai qu'il y a aussi une sorte de sédiment, un dépôt (tu sais le dépôt?) qui est un peu lourd – c'est ça dont tu es conscient.
Mais il ne faut pas dire «moi»! Ce n'est pas toi, ce résidu n'est pas toi!... Mais tu es bien conscient de la Lumière?

 

Oui, je suis conscient de cela quand j'écris, par exemple. Oui, ou quand tu médites.
Oui, mais c'est tout. C'est une lumière ou une force.
Mon petit, c'est joli comme tout! C'est pétillant comme du champagne – c'est joli comme tout, et c'est de la lumière. Tu sais la mousse de champagne? C'est une mousse de lumière.
Mais pourquoi cela ne se traduit-il pas par une conscience extérieure éveillée ?
Parce que c'est décanté! Alors il faudrait arriver à cette conscience ou à cette connaissance que ça (le corps), ce n'est pas toi – le malheur, c'est que quand tu dis «toi», tu penses à ça (Mère frappe son corps), mais ce n'est pas ça! ce n'est pas toi! Et il faut que tu sentes que ce n'est pas toi avant que tu puisses redescendre dedans prendre possession et le changer. Tant que tu dis: «Ça, c'est moi», tu es lié, ligoté.
Ce qui est toi, c'est ça (geste au-dessus de la tête), c'est là: ce qui pétille dans la lumière – ça, c'est toi. Ça (le corps), ce n'est pas toi, c'est le sédiment. Tu as encore l'amour-propre de ton corps! Il faudrait que tu sentes: ce n'est pas moi, ce n'est pas moi. C'est... oui, ce qui a été assemblé plus ou moins maladroitement, d'une façon ignorante, par le père, la mère, peut-être avec l'influence des grands-parents... Cette découverte-là, je l'ai faite vers l'âge de 15 ou 16 ans, ou 17 ans; j'ai commencé à voir clairement tous les «cadeaux» (si l'on peut appeler ça des cadeaux) qui m'ont été faits par père, mère, parents, grands-parents, éducation, gens qui se sont occupés de moi, toute cette espèce de bourbier dans lequel on tombe la tête la première. Et alors, la qualité de la vibration et la qualité des sensations, des soi-disant «pensées» (qui ne sont pas des pensées, qui sont des sortes de réflexes mentaux presque automatiques) et des sentiments (si l'on peut appeler ça des sentiments: ce sont des espèces de réactions au milieu et à ce qui vient du dehors), tout ça, ça grouille – tu sais, ça grouille comme des vers dans de la boue.
Quand on voit comme cela et que l'on commence à dire: «Mais ce n'est pas moi!» et qu'on sent que ce n'est pas moi: «Ce n'est pas moi! non. – Moi, c'est ce qui regarde; moi c'est ce qui veut, moi c'est ce qui sait...»
Tu dois avoir des révélations et ne pas même t'en apercevoir! Tu

 

as tout ça, là (geste au-dessus de la tête du disciple), c'est plein de révélations, mon petit! Alors tu es là à chercher à voir avec des yeux du vital, à avoir des expériences dans le physique subtil, toutes sortes de choses, qui ne peuvent pas venir parce que tu es là (geste au-dessus), et que ça, c'est le sédiment.
(silence)
Mais je ne sais pas, il est évident que ton cas intéresse particulièrement le Seigneur, parce qu'il m'a montré beaucoup de choses de ta vie corporelle, de tes réactions corporelles – Il doit être en train de s'occuper de toi! (Riant) Peut-être que si tu lui fais crédit, tu t'en apercevras!
Je me mets plutôt en rogne, je me fâche, je L'attrape.
Oh! tu rognes toujours – tu es un révolté de nature. C'est ennuyeux, on perd son temps.
(silence)
Mais ce doit être le temps du changement, parce qu'il m'a été présenté le pire – ton état pire –, et puis ce que tu dois être. Au fond, je m'aperçois maintenant (riant) que je me suis beaucoup occupée de toi ces jours-ci.
Je dois dire que ce n'est pas joli, ce que je vois.
On est né avec... (comment dire?) some special twist [une torsion spéciale], chacun est né (riant) tordu d'une façon spéciale – je le connais mon tordu, je le connais bien! (Je n'en parle pas parce que ce n'est pas amusant.) Mais c'est ce qui reste en dernier. Dans notre logique humaine imbécile, nous nous disons: «C'est ce qui devrait partir le premier», mais ce n'est pas vrai: c'est ce qui part en dernier! Même quand tout cela devient clair-clair (geste en haut), même quand on a les expériences, l'habitude reste, et ça revient. Alors on le pousse: ça remonte du subconscient; on le chasse: ça revient du dehors; ou alors si une minute on n'est pas sur ses gardes, ça ressort comme cela – et c'est agaçant! Mais Sri Aurobindo a écrit cela quelque part, je ne me souviens plus des mots, je l'ai lu tout dernièrement, et quand je l'ai lu, je me suis dit: «Ah! voilà! lui, il savait que c'était comme cela.» Alors ça m'a consolée et je me suis dit: «Bon.» Il disait que celui qui a purifié son mental, etc., etc., qui est prêt pour travailler à la Perfection (c'est dans La Synthèse,

 

«La Perfection de soi»), «Il est prêt et patient pour les rechutes et la réapparition des vieilles erreurs, et il travaille tranquillement et attend patiemment que l'heure de leur départ soit arrivée.» Je me suis dit: «Bien, maintenant c'est comme cela.» J'attends tranquillement que l'heure... (mais je ne manque pas une occasion de les attraper par le bout du nez, ou par le bout de l'oreille, et de dire: «Ah! tu es encore là...»).
La première chose, c'est de détacher sa conscience, c'est tout à fait important; de dire: je-ne-suis-pas-ça, c'est quelque chose qui a été ajouté, mis pour pouvoir toucher la Matière – mais ce n'est pas moi. Et alors si tu dis: «Ça, c'est moi» (geste en haut), tu verras que tu seras content, parce que c'est joli – c'est joli, c'est lumineux, c'est pétillant. C'est vraiment bien, c'est d'une qualité exceptionnelle. Alors ça, c'est toi. Mais il faut que tu dises: «Ça, c'est moi» et que tu sois convaincu que c'est toi. Naturellement, les vieilles habitudes viennent contredire, mais il faut savoir que ce sont de vieilles habitudes, c'est tout, ça n'a aucune importance – ça, c'est toi.
C'est un mouvement indispensable. Il y a un moment où il faut absolument se séparer de ça, parce que c'est seulement quand on s'est séparé et que l'on est bien conscient qu'on est là (geste au-dessus de la tête), qu'on est Ça, qu'alors on peut redescendre et le changer. Ce n'est pas pour l'abandonner: c'est pour être son maître.
J'ai passé des nuits dans des égoûts, à nettoyer des égoûts.
Ah c'est bien! (Mère rit) Oh! mais c'est très amusant parce que j'ai fait des choses identiques. Écoute... Ah bien! c'est très amusant. Ça va, ça va.
Il faut durer. La victoire est au plus endurant.
Il y a des moments où on est dégoûté, et c'est à ce moment-là qu'il faut se souvenir de ça. Maintenant, ton dégoût peut avoir ses raisons (!) Mais tu n'as qu'à durer. Tu sais, il y a une chose, je ne sais pas si tu en goûtes la saveur encore: dès que l'on a une difficulté, une insatisfaction, une révolte, un dégoût – n'importe –, une fatigue, une tension, un malaise, tout-tout ce côté négatif (il y en a beaucoup-beaucoup-beaucoup comme cela; ça prend toutes sortes de couleurs différentes), ce mouvement immédiat – immédiat – d'appeler le Seigneur, de dire: «À Toi.» Tant que l'on essaye (instinctivement on essaye d'arranger les choses avec sa meilleure lumière, sa meilleure conscience, sa meilleure connaissance...), c'est idiot, parce que ça prolonge la lutte, et au fond ce n'est pas très efficace; il n'y a qu'une chose efficace, c'est de faire un pas en

 

arrière de ce qui encore s'appelle «moi» et... (sans mots ou avec des mots, ça ne fait rien), mais surtout avec la flamme d'aspiration, ça (geste au cœur), et une chose tout à fait, tout à fait sincère: «Seigneur, c'est Toi; et Toi seul Tu peux faire, il n'y a que Toi qui puisses le faire, moi je ne...» C'est épatant, tu ne peux pas t'imaginer comme c'est épatant! N'est-ce pas, quelqu'un vient, vous assomme avec des histoires insupportables, veut que vous preniez des décisions immédiates; il faut écrire, il faut répondre, il faut dire – tout ça – et c'est comme des tombereaux que l'on vous jette dessus, d'obscurité, de stupidité, de mauvais mouvements, de tout ça; et alors ça tombe, ça tombe, ça tombe – on est comme lapidé avec tout ça. On commence à se raidir, on est dans une tension; alors, tout de suite (geste de retrait) : «O Seigneur...» On reste tranquille, on recule un tout petit peu (geste d'offrande) : «À Toi.»
Mais tu ne peux pas t'imaginer, c'est merveilleux! Immédiatement vient – clair, simple, sans fatigue, sans recherche –, exactement ce qu'il faut faire, ou ce qu'il faut dire, ce qu'il faut écrire – toute la tension est arrêtée, c'est fini. Et puis alors, si l'on a besoin d'un papier, le papier se trouve là; si l'on a besoin d'un porte-plume, c'est justement celui-là que l'on trouve; on a besoin de... – on ne cherche pas: surtout ne cherche pas, n'essaye pas de chercher, tu fais une autre bouillie – et c'est là. Et ça, c'est le fait de CHAQUE MINUTE. On a le champ d'expérience à chaque seconde. Par exemple, tu as affaire à un domestique qui ne fait pas les choses comme il faut ni comme tu penses qu'elles doivent être faites, ou tu as affaire à un estomac qui ne fonctionne pas comme tu veux et qui te fait mal: c'est le même procédé, il n'y a pas d'autre procédé. N'est-ce pas, il m'arrive... les situations sont si tendues qu'on a l'impression que l'on va s'évanouir, le corps ne peut plus supporter, c'est si tendu; ou c'est une douleur, c'est une chose qui ne va pas, un arrangement qui ne se fait pas, et il y a une tension; alors immédiatement on arrête tout: «Seigneur, Toi, c'est à Toi...» Ça commence par une paix, comme si l'on était tout à fait hors de l'existence, et puis c'est parti – le mal s'en va, le vertige disparaît. Et ce qui doit arriver arrive automatiquement. Et ça, n'est-ce pas, ce n'est pas dans la méditation, ce n'est pas dans des actions d'importance terrestre: c'est le champ d'expérience que l'on a tout-le-temps, sans interruption – quand on sait s'en servir. Et pour tout: quand on a mal, par exemple, que ça tire, que ça grince, que ça hurle là-dedans, au lieu de dire: «Oh! comme j'ai mal!...», on appelle le Seigneur là-dedans: «Entre-là», et puis on se tient tranquille, on ne pense plus à rien – simplement, on reste immobile

 

dans sa sensation. Et il m'est arrivé plus de mille fois, tu sais, une espèce d'ahurissement: «Tiens! la douleur est partie!» On ne s'est même pas aperçu comment c'est parti. Alors les gens qui veulent avoir une vie spéciale ou une organisation spéciale pour avoir des expériences, c'est tout à fait idiot – la plus grande diversité d'expériences est à votre disposition à chaque minute, à chaque minute. Seulement, il faut savoir ne pas avoir l'ambition mentale des «grandes» choses. Justement on m'a montré l'autre jour, d'une façon si claire, une toute petite chose que j'avais faite («j'avais», c'est le corps qui parle), une toute petite chose qui avait été faite par le Seigneur dans ce corps (ça fait une longue phrase!) et cette toute petite chose, on m'a montré la conséquence terrestre – c'était visible, n'est-ce pas, comme ma main est visible à mes yeux, et la correspondance terrestre. Alors j'ai compris. ^
On nous donne tout – tout. Toutes les difficultés à vaincre, toutes (et plus nous sommes capables, c'est-à-dire plus l'instrument est complexe, plus les difficultés sont multiples), toutes les difficultés, toutes les occasions de les vaincre, toutes les expériences possibles, et réduites dans le temps et dans l'espace de façon à pouvoir être innombrables. Et ça a ses répercussions et ses conséquences sur la terre tout entière (je ne m'occupe pas de ce qui se passe dans l'univers parce que, pour le moment, ce n'est pas mon travail); mais il est certain (parce que cela a été dit et je le sais) que ce qui se passe sur la terre a ses répercussions dans l'univers tout entier. Assise là, tu vis la vie de chaque jour dans son insignifiance habituelle, son manque d'importance, son manque d'intérêt... et c'est un champ merveilleux d'expériences! d'expériences innombrables, et non seulement innombrables mais des plus variées possibles, depuis les plus subtiles jusqu'aux plus matérielles, sans sortir de son corps. Seulement, il faut y être revenu. On ne peut pas avoir l'autorité sur son corps sans l'avoir quitté.
Quand le corps n'est plus vous, du tout: c'est quelque chose qui a été ajouté et plaqué sur vous; quand c'est comme cela et qu'on le regarde d'en haut (un «haut» psychologique), alors on peut y redescendre en maître tout-puissant.
Il faut commencer par sortir, puis on redescend.
Voilà.
Et il faut aussi regarder toutes ces difficultés, ces mauvaises habitudes (comme toi, cette habitude de révolte: c'est une chose qui semble avoir été pétrie dans les cellules de ton corps), il faut regarder tout ça avec le sourire de quelqu'un qui dit: «Je ne suis pas ça. Ah! on m'a mis ça!... Ah! ça a été ajouté...» Et tu sais,

 

ça a été ajouté... parce que c'est l'une des victoires que tu dois remporter.
J'ai assisté au panorama le plus complet de toutes les imbécillités de cette vie1, ça m'a été présenté comme un panorama complet: passer de l'une à l'autre, les voir toutes, séparément et comment elles se combinent. Et alors, pourquoi? pourquoi choisir ça? (question d'enfant, que l'on commence par poser), et immédiatement la réponse: «Mais plus l'origine est (disons «centrale», c'est plus clair), plus l'origine est centrale et pure dans son essence, plus ce que nous pourrions appeler «l'ignoble complexité en bas» est grande; parce que plus c'est bas, plus ça nécessite une lumière essentielle pour se changer.»
Une fois que l'on vous a très gentiment dit ça, alors on est satisfait, on ne se tourmente plus – c'est bon, on prend les choses comme elles sont: «C'est comme cela, c'est mon travail, et je le fais; je ne demande qu'une chose, c'est de faire mon travail, tout le reste n'a pas d'importance.»
Voilà, mon petit.
Oh! tu m'en as fait parler2!
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