11 décembre 1963
Il y a eu, dans le Subconscient, une bataille effroyable entre le 8 et le 9, dans la nuit, oh!... C'était comme un retour de l'attaque qui avait été faite sur moi quand tu étais parti à Rameswaram (il y a longtemps1) et X avait dit que c'était un tantrique qui avait fait une formation (c'était justement le 9 décembre que c'était arrivé et j'étais très malade, je ne suis pas sortie). Eh bien, c'était une attaque de ce genre. Je ne sais pas si cela vient de la même (je ne peux pas dire une «personne») mais de la même origine de forces. Et très violent, la nuit. Et ça a continué pendant la méditation du 9: pour la première fois pendant ces méditations, il y a eu une bataille formidable, dans le Subconscient. Et le corps était dans un état... pas très heureux. Ça arrête le cœur, alors, n'est-ce pas... c'était désagréable.
Mais après, j'ai vu que vraiment ça avait délogé quelque chose, ça n'a pas été inutile. Ça a délogé quelque chose. Mais ce sont des forces de mauvaise volonté radicale, pas seulement ignorantes – une radicale mauvaise volonté.
Mais ce n'était pas d'origine humaine, un individu humain ?
Non, ce n'est pas un individu: c'est une manière d'être universelle. C'est toujours cela: les choses ne sont pas positivement impersonnelles mais elles n'appartiennent pas à une personne; ce sont des manières d'être universelles.
Je veux dire qu'il n'y a pas eu d'instrument humain ?
Je n'étais pas consciente d'un instrument, mais consciente d'un tas d'endroits où ça s'accroche (chaque être auquel s'accroche la force de mauvaise volonté). Ça s'accroche, pas même sur des êtres mais sur des manières d'être d'êtres: sur certaines tendances, certaines attitudes, certaines réactions – ça s'accroche à ça. Ce n'est absolument pas «une» personne ou «une» volonté, ce n'est pas ça, mais c'est une manière d'être. Tout cela, ce sont des manières d'être universelles qui sont appelées à disparaître du champ de l'activité, et qui sont en train d'être éliminées.
1. En 1958.

 

Mais la réaction sur le corps était pénible, comme elle l'avait été la première fois. La première fois (au dire de X et du Swami), ça devait me tuer – ça ne m'a même pas rendue très malade, mais l'effet était très désagréable. Je t'ai dit à ce moment-là que c'est un mantra destiné à vous vider de votre sang; j'ai eu plusieurs exemples de gens qui sont morts comme cela: on a trouvé après que c'était le résultat d'une formation mantrique. Moi, tout ce que ça a réussi à faire (riant), c'est à me rendre malade, comme si tout sortait – des vomissements terribles; puis il y avait quelque chose qui me tirait et il fallait absolument que j'aille; ma conscience me disait qu'il fallait que j'aille trouver quelqu'un (j'étais toute seule dans la salle de bains quand c'est arrivé), quelqu'un de précis à qui je devais aller; et quand j'ai ouvert la porte, il y avait Z qui était là à attendre pour préparer mon bain, et je ne le voyais pas du tout mais je voulais absolument aller quelque part, dans l'autre chambre, et alors je poussais contre lui, je me disais: «Qu'est-ce que c'est que cet obstacle qui m'empêche de passer?» Et lui croyait que j'étais en train dé m'évanouir sur lui! Ça a fait toute une histoire.
J'étais tout à fait en transe, n'est-ce pas. Je marchais mais j'étais tout à fait en transe.
Enfin, ça s'est rétabli assez vite à ce moment-là. Mais l'autre jour, le 9, c'était un retour de cette affaire-là, comme si cette mauvaise volonté n'avait pas été complètement éliminée, pas complètement vaincue – il y a eu un retour. Ça n'a pas eu le même effet, mais c'était pénible; une curieuse impression comme si... (j'étais assise devant la table, comme je le suis toujours les matins de méditation), puis au commencement, dans certaines parties du corps, c'était comme si les cellules grinçaient. Je me concentrais, j'appelais, et alors je voyais qu'il y avait une bataille – une bataille formidable qui se livrait en dessous. Ça grinçait, c'est curieux. Une espèce de grincement de choses qui frottent mal. Et je me demandais: «Quand est-ce que ça pourra se détendre?» Puis des spasmes ici, au plexus solaire. Et ces jours-là, le docteur et P restent toujours pour la méditation; mais moi, j'étais en transe, dans ma bataille, lorsque tout d'un coup, j'ai senti une pression sur mon pouls (riant) : c'était le docteur qui s'était levé de sa méditation (je devais faire des bruits étranges!) et il me tenait le pouls, et il paraît que mon pouls s'en allait! Mais je ne suis pas sortie de ma transe (j'étais consciente mais je ne suis, pas sortie), je suis restée comme cela jusqu'à la fin de la méditation, et même un peu après. Puis quand les grincements ont diminué, je suis sortie de la transe et je les ai vus tous les deux debouts devant moi; je leur ai fait un gentil

 

sourire, j'ai dit: «Ça va.» Et je me suis étendue. Alors là je suis entrée dans la transe profonde, complètement sortie du corps, et tout s'est remis d'accord.
Puis j'ai regardé. Je n'étais pas trop contente: «Pendant la méditation, faire ça?...» Et «on» m'a dit que ça ne pouvait être que pendant la méditation, que ça ne pouvait pas être à un autre moment, dans l'activité ou même dans la concentration, ce n'est pas la même chose; c'est seulement dans la méditation profonde que ça peut se faire. Alors j'ai dit: «Très bien.» Et on m'a montré aussi qu'il y avait un résultat concret, une sorte de victoire partielle remportée sur ce genre de mauvaise volonté – très-très, extrêmement agressive, et qui appartient à un autre âge: c'est quelque chose qui n'a plus le droit d'exister sur la terre. Ça doit s'en aller.
C'est d'ailleurs la même chose qui a produit l'assassinat de Kennedy. Et je suppose que c'est pour cela que j'ai dû intervenir. Parce que ça a dérangé beaucoup de choses, cet assassinat de Kennedy, au point de vue du travail général. Et c'était la même chose parce que, dès que j'ai eu la nouvelle de l'assassinat, j'ai vu le même genre de vibration, la même force noire – très-très noire – et j'ai dit spontanément (ce n'est pas «moi» qui l'ai dit): «Oh! ça veut dire peut-être la guerre.» C'est-à-dire une victoire de cette force sur celle qui essaye d'aller par des chemins plus harmonieux. Mais j'ai protesté et travaillé depuis ce moment-là, et ce qui s'est passé le 9 est le résultat de cela.
Mais sur le moment... ce n'est pas confortable.
* * *
(Puis Mère lit une note manuscrite qui est la continuation de l'expérience relatée le 7 décembre lorsqu'Elle parlait des différentes proximités de la Présence.)
J'adresse cela au Seigneur:
«C'est comme si Tu coulais avec le sang. Tu vibrais avec les nerfs, Tu vivais avec les cellules...»
Ce n'est pas «dans», ce n'est pas «par»: c'est avec, c'est identifié. Coulais avec le sang. Et la sensation était absolument concrète: cette Présence du Seigneur coule avec le sang et vibre avec les nerfs et vit («vit», la Vie, l'essence de la Vie) avec les cellules.

 

Ça, c'est le meilleur moment! (Mère rit)
Eh bien, justement maintenant, depuis cette attaque du 9, cette Présence a augmenté1; et c'est comme cela que je sais que quelque chose est gagné. C'est-à-dire que ça a augmenté en durée et en fréquence, et dans la promptitude à répondre, à être obtenu.
(silence)
La différence entre avant et après le 9 est qu'avant le 9, il y avait tout le temps une pression de suggestions adverses, comme Sri Aurobindo le dit dans cette lettre que nous avons traduite la dernière fois: «Tout ça, c'est une illusion; tout ça ce sont des imaginations...» Un harassement constant. Et même, ça prend quelquefois des formes très précises: «Tu crois que tu es intégralement consciente du Seigneur, mais pas du tout! C'est seulement un peu dans ta tête, comme ça, et tu t'imagines que c'est vrai.» Quand j'ai entendu ça, j'étais très mécontente et j'ai dit: «Bon, je vais voir.» Et c'est après cette espèce de bataille dans le Subconscient que la voix s'est arrêtée et j'ai eu cette expérience: «Ça coule dans le sang, ça vibre dans les nerfs, ça vit dans les cellules...»
Et c'est partout, n'est-ce pas, ce n'est même pas seulement les miennes, ce n'est même pas seulement les cellules de ce corps-ci: quand l'expérience vient, elle est assez répandue; j'ai l'impression que beaucoup de sangs, beaucoup de cellules, beaucoup de nerfs... c'est-à-dire que la conscience centrale ne le sait pas toujours, l'individu ne le sait pas toujours (il a une impression extraordinaire, mais il ne sait pas ce que c'est), tandis que les cellules le savent, mais elles ne peuvent pas le dire.
J'ai senti ça plusieurs fois: quand l'expérience vient, ce n'est pas limité à un corps. Seulement la conscience – la conscience qui observe – n'est pas partout la même: il y a des degrés de conscience, et ici (le corps de Mère), ça paraît être comme un centre de conscience plus conscient, c'est tout, mais autrement... Pour la conscience elle-même aussi, c'est comme cela: il y a des moments où c'est très éveillé, il y a des moments où c'est moins éveillé... Au fond, tout cela, c'est une expérience de l'Unité, de la multiplicité dans l'Unité, qui dépend du degré de proximité et d'intensité. Mais c'est le tout – le tout qui est un – et vu au point de vue de la conscience du Seigneur... N'est-ce pas, ce que nous appelons «le Seigneur», c'est ce qui est conscient de soi, pleinement; et plus la
1. Dans le corps.

 

conscience diminue, plus on a l'impression que c'est moins le Seigneur – mais c'est le Seigneur tout de même! C'est comme cela.
(silence)
Quand on dit: «La perception ou la connaissance par identité», c'est encore quelque chose qui se projette, s'identifie et SE REGARDE faire, et c'est conscient du résultat. Mais l'expérience de maintenant, ce n'est pas cela; ce n'est pas quelque chose qui se projette: c'est une perception générale; et alors au lieu de pouvoir dire: «Vous pensez ça, CELUI-CI pense ça, CELUI-LÀ sent ça», on le pense ou on le sent avec plus ou moins de clarté dans la perception, de précision dans la perception, mais c'est toujours «on», un «on» – on n'a pas envie de dire «moi»; il n'y a pas de moi, c'est un «on», c'est quelque chose. Tiens, je peux te donner un exemple: ce matin, j'ai reçu cet Italien, puis il a commencé à parler, à faire des gestes, à me dire des choses – il n'y avait PAS UN son qui touchait mon oreille... mais je savais parfaitement bien ce qu'il disait. Et je lui répondais de la même façon, sans parler. Et je n'avais pas l'impression que c'était quelqu'un d'autre qui me parlait et que, moi, je lui répondais: c'était un ensemble de mouvements plus ou moins conscients d'eux-mêmes, un ensemble et un échange, un inter-échange de mouvements plus ou moins conscients d'eux-mêmes, avec certaines vibrations plus conscientes, certaines moins conscientes, mais tout ça était très vivant, très actif. Mais alors, pour parler, il aurait fallu se placer dans la conscience ordinaire où l'Italien était là et, moi, j'étais ici – et ça ne correspondait plus à rien, ce n'était pas vrai. Alors il y avait quelque chose qui répondait dedans, très actif, très nettement, tout ça marchait (geste dessinant des mouvements de conscience ou des ondes de vibration), et en même temps, il y avait une conscience – une conscience très-très vaste – qui voyait tout ça (ces échanges de vibrations) et qui exerçait une sorte de contrôle très-très léger, mais très précis, pour que chaque vibration se mette à sa place.
C'est comme cela maintenant quand je vois les gens. Et ça paraît devenir de plus en plus constant.
L'autre état, l'état où il y a un «moi» et «d'autres gens» devient désagréable; et ça amène des choses que la conscience réprouve, des réactions que la conscience réprouve: «Encore ça? Encore cette petitesse, encore cette limitation, encore cette incompréhension, encore cette obscurité?...» Comme cela, tout le temps. Et alors, immédiatement, il y a quelque chose qui fait comme cela

 

dedans (geste de renversement intérieur), et ça devient l'autre manière. Et l'autre manière est si douce, oh!... elle est si douce, sans heurts, sans frottements, sans frictions, sans réactions désagréables – et c'est ça qui s'est produit quand il y a eu ces «grincements» si pénibles pendant la méditation du 9: c'étaient les réactions individuelles des cellules qui n'étaient pas dans l'harmonie générale.
Ça devient un peu intéressant. C'est un peu nouveau.
Et il y a une sorte de joie, qui n'est pas bruyante, toujours comme une sorte de sourire... sourire comme ça, mais pas moqueur, un peu...
Pour traduire avec des mots, il faut une espèce de contraction, ce qui est dommage – c'est dommage. Je ne sais pas quand il y aura un moyen de s'exprimer sans cette contraction... Je me souviens, je revois ou je revis en ce moment la figure de te garçon, cet Italien (c'est un homme de 35 ou 40 ans, mais jeune au-dedans, très jeune psychiquement), alors il y avait cette conscience qui pétrissait quelque chose dedans, qui remettait en place – mais sans heurts, sans violence, sans chocs, sans réactions. Et quand je lui ai dit: «Maintenant, il faut s'en aller», ce n'était pas du tout une personne qui disait à une autre personne: «Il faut s'en aller», c'était comme si je me disais à moi-même: «Maintenant, il faut s'en aller.» C'est très curieux. C'est assez nouveau. Parce que c'est devenu beaucoup plus conscient; c'était comme cela dans une sorte de manière d'être naturelle et spontanée depuis longtemps, mais maintenant ça devient conscient.
Et quand il y a... Tiens, quand il y a une détente dans quelqu'un ou quand il y a une crispation, je le sens: j'ai une détente et j'ai une crispation; mais «j'ai», pas ici comme cela (Mère dans son fauteuil), j'ai (Mère dans « l'autre »).
Et je sais la minute exacte, n'est-ce pas. Mais ça (crispation, détentes), ce sont de gros mouvements, alors ça devient évident, mais je m'aperçois que c'est tout le temps – c'est tout le temps comme cela.
Et c'est au point que ce qui arrive dans ce corps n'est pas (oh! il y a longtemps que c'est comme cela, mais ça le devient de plus en plus), ce n'est pas familier comme quelque chose qui est dans un corps particulier: c'est une manière d'être comme toutes les autres. Ça devient de plus en plus comme cela. La réaction ici (dans le corps de Mère) n'est pas plus intime que celle dans les autres. Et elle est à peine plus perceptible: tout dépend de l'état d'attention et de concentration de la conscience (tout ça, ce sont des mouvements

 

de conscience). Mais la conscience n'est pas – PLUS DU TOUT – individuelle; ça, je peux l'affirmer. Une conscience... qui devient de plus en plus totale. Et de temps en temps – de temps en temps –, quand tout est «favorable», ça devient la Conscience du Seigneur, la conscience de tout, et alors c'est... une goutte de Lumière. Rien que de la Lumière1.
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