26 mars 1966
(Mère commence par lire un message pour l'ouverture de la saison des sports à l'Ashram:)
«Peut-être serait-il bon de vous rappeler que nous sommes ici pour une œuvre spéciale, un travail qui ne se fait pas ailleurs: nous voulons entrer en contact avec la conscience suprême, la conscience universelle, nous voulons la recevoir et la manifester. Pour cela, il faut avoir une base très solide, et notre base, c'est notre être physique, notre corps. Il faut donc que nous nous préparions un corps solide, bien portant, endurant, habile, agile et fort afin qu'il soit prêt à toute éventualité. Et il n'y a pas de meilleur moyen de préparer le corps que de faire des exercices physiques: les sports, l'athlétisme, la gymnastique et tous les autres jeux sont les meilleurs moyens de développer et de fortifier le corps.
Je vous invite donc à mettre tout votre cœur, toute votre énergie et toute votre volonté dans les épreuves qui commencent aujourd'hui.»
* *
Il y a des choses drôles qui se passent... Par exemple, je prends un papier comme celui que je viens de lire (le message), je vois très bien; alors vient la vieille habitude (ou l'idée ou le souvenir) qu'il faut que je prenne une loupe pour voir – je ne vois plus! Puis j'oublie qu'il s'agit de voir ou de ne pas voir, alors je peux faire mon travail très bien, je ne m'aperçois pas que je vois ni que je ne vois pas! Et pour tout, c'est comme cela.
Pour tout-tout. Pendant quelquefois une heure, je suis ce qui se passe: il y a un petit travail d'observation ténue de ce qui se passe ici (en Mère) et de ce qui se passe dans la pensée d'une ou deux autres personnes ou dans leur conscience, avec toute une observation de détail montrant la différence entre le fait tel qu'il devrait
1. Rappelons Mao Tsé-toung: «Le pouvoir vient par le canon du fusil.»

 

être normalement (qui est simplement quelque chose de direct, un mouvement qui se produit), et puis la complication apportée par la pensée – pas la haute pensée: la pensée physique, c'est-à-dire l'observation et toutes sortes de déductions qui s'accompagnent de souvenirs d'événements semblables et de choses que l'on a entendues ou vues et toutes sortes d'exemples d'événements similaires, d'aléas qui peuvent arriver – un galimatias, mon petit! quelque chose d'effrayant... qui gâte tout et qui complique tout: la moindre chose est compliquée.
J'ai eu, ces jours-ci, des exemples de toutes les complications possibles du monde physique, y compris les hypnotismes, les soi-disant magies noires et tous les phénomènes qui se passent dans le domaine invisible mais juste touchant le physique – comme certaines matérialisations, certaines disparitions (des incidents que j'ai vus, que j'ai été obligée de constater; j'ai été obligée de voir que ce n'était pas de l'imagination mais quelque chose qui s'était réellement passé), mais alors, le secret donné: comment cela peut se passer. C'est très-très intéressant. Comment cela peut se passer, comment le contact de certaines vibrations déformantes rend certaines choses possibles.
Hier soir, après avoir écrit ce message (je l'ai écrit le soir, pas confortablement mais c'était le seul moment où j'avais le temps et la lumière n'était pas très bonne, mais enfin je l'ai fait), après avoir écrit, j'ai senti une forte douleur ici, aux tempes. «Ah! j'ai dit: maintenant, je sais!...» De temps en temps, après avoir entendu beaucoup de gens et écrit surtout beaucoup de cartes de birthday [anniversaire], de réponses à des lettres, il y a une sorte de pesanteur aux tempes, bizarre (et je n'ai jamais eu mal à la tête de ma vie, ce n'est pas mon genre!), je me suis dis: «Qu'est-ce que cette nouvelle décrépitude?!» Et puis je me suis aperçue que ce n'était pas cela: ce sont les yeux. C'est parce que mes yeux, je n'ai pas encore trouvé le secret de m'en servir. Comme je le disais tout à l'heure, il y a des moments où je vois avec une précision extraordinaire: c'est comme si les choses venaient vers moi pour se montrer; c'est tellement clair que le moindre petit détail est perçu. C'est un extrême. L'autre extrême, c'est ce que j'ai dit déjà plusieurs fois: une espèce de voile. Je sais les choses, elles sont dans ma conscience, mais je vois juste assez pour ne pas les cogner ou les renverser; tout-tout est comme derrière un voile; seulement je sais, alors je trouve les choses, ou je ne les cogne pas ou je ne les casse pas, mais ce n'est pas parce que je vois – je vois comme une image derrière un voile. C'est l'autre extrême. Entre les deux, il y a toutes sortes de gradations. Et je suis convaincue que c'est pour me montrer que les yeux sont encore capables de voir exactement

 

– l'instrument est encore très bon –, mais je ne sais pas m'en servir. Je ne sais pas m'en servir parce que, avant, je m'en servais comme tout le monde se sert de ses yeux, de ses mains, de ses pieds, par une sorte d'habitude et d'une façon plus ou moins consciente – j'étais très fière de ma conscience! (riant, on est toujours très fier!) Très fière d'avoir des mains si conscientes; dans le temps, par exemple, il m'arrivait de dire: «Je veux douze paquets de papier», puis je ne m'en occupais plus – ma main va, prend, et il y en a douze. Il y a très-très longtemps que cela m'arrivait, mais cela arrivait PARFOIS : quand j'étais dans l'état voulu, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas cette intrusion d'une volonté arbitraire. Donc, tout cela est un champ d'expérience et d'étude dans de tout petits détails, qui en eux-mêmes sont absolument insignifiants mais qui sont très instructifs. Et c'est tout le temps comme cela, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, la nuit, le jour (la nuit, c'est sur d'autres plans), mais tout cela se passe dans le physique, dans un physique plus ou moins subtil.
Ce matin, il s'est passé une histoire très amusante. J'étais en train de me laver les yeux et la bouche; je le fais avant que le jour ne soit levé, par conséquent j'ai de l'électricité. Et dans mon cabinet de toilette, il y a une lampe de secours. C'est l'une des dernières inventions: c'est branché sur le courant et tant que le courant fonctionne, la lampe reste éteinte et il y a une batterie dedans qui se charge; dès que le courant est en panne, la lampe s'allume et la batterie se décharge pour allumer la lampe. C'est très bien fait, on a inventé cela pour les hôpitaux et les endroits où il faut éviter toute panne: instantanément, dès que le courant s'arrête, ça s'allume, et quand le courant revient, ça s'éteint et cela se recharge pour la prochaine fois. On m'a installé cela dans le cabinet de toilette. Et ce matin, pendant que j'étais en train de me laver les dents, poff! ça s'éteint. J'ai continué naturellement, parce que j'avais cette lampe de secours. Mais alors, j'ai étudié. La lumière chez C (et partout) était allumée, il n'y avait qu'ici, ce groupe de chambres. C'était déjà un phénomène bizarre. Alors j'ai «regardé», et pendant que je regardais, je me suis aperçue de quelque chose que je n'avais pas noté tous ces jours-ci: d'une volonté de désorganiser toute ma vie personnelle. Et l'extinction de l'électricité est l'un des moyens occultes connus (je ne sais pas d'ailleurs comment on fait; mais cet homme qui a écrit des livres et qui est venu ici il y a fort longtemps, Brunton, disait que c'était l'un des trucs connus de ceux qui font de l'occultisme: une soudaine extinction de lumière). Il y a beaucoup d'autres trucs comme cela qui sont faits pour désorganiser la vie des gens avec l'idée de leur faire peur ou de leur annoncer des catastrophes (cela m'a toujours paru

 

très enfantin). Mais alors, j'ai vu qu'il y avait (je crois savoir d'où cela vient, ici), une volonté de désorganisation, et j'ai vu le trajet (geste sinueux comme si Mère remontait à la source). Cela avait commencé la nuit dernière au milieu de la nuit: quand je me suis levée vers minuit, j'ai vu une volonté qui voulait me préoccuper d'idées d'argent! et qui insistait: l'idée que tout allait mal, etc. Au milieu de la nuit, j'ai vu cela (je m'occupais d'autres choses, mais j'ai vu cette volonté: des formations), naturellement je leur ai fait le sort qu'elles méritaient. Mais j'ai vu que cela continuait, que cela essayait de déranger les gens, de les rendre incompréhensifs, et puis d'éteindre l'électricité, toutes sortes de stupidités. Ce n'est pas la première fois que cela arrive – ce ne sont pas toujours les mêmes gens parce que, généralement, quand ils ont essayé et qu'ils ont reçu la tape en retour, ils n'essayent pas une deuxième fois, cela leur suffit! Mais il y en a d'autres qui se croient très calés et qui veulent me prouver... (riant) qu'ils ont raison et que j'ai tort – parce que, au fond, c'est toujours cela! Et alors, j'ai passé une demi-heure ce matin, avant que l'on ne me rende l'électricité et que je reprenne mes activités coutumières, une demi-heure à m'amuser énormément, justement à suivre le fil (même geste sinueux remontant à la source), partout où cela faisait du mischief [des méfaits], et puis très gentiment, j'ai «répondu».
Au fond, les gens qui vivent dans la conscience ordinaire savent très-très peu de ce qui se passe physiquement – très peu. Ils croient savoir, mais ils ne savent qu'une toute petite apparence, juste comme... comme une feuille qui enveloppe un paquet; il y a tout le paquet qui est en dessous avec tout ce qu'il contient, mais ce qu'ils voient, c'est seulement une apparence (geste mince comme une feuille de papier à cigarette). Et ils sont tellement habitués qu'ils donnent toujours une explication. J'ai demandé: «Comment se fait-il que ce soit juste cette prise de courant, ici, qui ait lâché?» (Tout était allumé, il y avait seulement celle-là, qui commande ma chambre, qui était arrêtée.) J'ai demandé «pour voir». On m'a dit: «Oh! on ne sait pas, peut-être que le fil était vieux et qu'il a cassé»! (Mère rit) J'ai dit bien.
C'est comme cela. Et c'est très amusant. Pourquoi, tout d'un coup et en même temps, les gens qui ont l'habitude d'être relativement exacts, quelque chose d'inattendu arrive et ils sont terriblement en retard? Et il y a tout le temps des choses qui viennent empêcher que tout aille d'une façon tranquille, harmonieuse, facile. Puis on regarde au-dedans de soi le genre de vibration qu'il y a dans tout cela, et on s'aperçoit qu'il y a ce petit «frétillement»... parce que c'est un frétillement (Mère fait un geste de minuscule trépidation) qui répond à la vibration ordinaire de la conscience

 

ordinaire. La conscience ordinaire vit dans un frétillement continu, c'est effroyable quand on s'en aperçoit! Tant que l'on ne s'en aperçoit pas, c'est tout à fait naturel, mais quand on s'en aperçoit, on se demande comment les gens ne deviennent pas fous, c'est une grâce. C'est une espèce de petite trépidation (même geste minuscule et très rapide), oh! quelle horreur.
Alors si, pour une raison quelconque, il y a une désorganisation (mais la raison, je crois que c'est une raison d'enseignement), il faut la capacité de faire comme cela (Mère abat ses deux mains dans un geste qui immobilise tout) et immédiatement d'arrêter tout cela. Mais il y a longtemps que la capacité était là, il y a longtemps (elle n'était pas toujours utilisée, mais elle était là): le Pouvoir. Et c'est la même chose pour TOUT : les événements mondiaux ou les bouleversements de la Nature ou l'homme, les tremblements de terre et les raz de marée, les éruptions de volcan, les inondations, ou bien les guerres, les révolutions, les gens qui se tuent sans même savoir pourquoi (comme ils le font en ce moment), partout ils sont poussés par quelque chose. Derrière ce «frétillement», il y a la volonté-de-désordre qui veut empêcher que l'Harmonie s'établisse. C'est dans l'individu, c'est dans la collectivité et c'est dans la Nature. Et alors, c'est un enseignement si minutieux, si régulier, qui n'oublie rien et qui répète chaque fois que ce n'est pas totalement compris, qui répète avec un accroissement de détail pour que l'on comprenne mieux... le fonctionnement: le fonctionnement dans les mains, dans l'activité, dans la Force qui passe comme cela travers Mère), dans l'usage des vibrations – et qui apprend la Grande Leçon: savoir manifester la Force divine.
C'est absolument merveilleux.
Et si l'on regarde du mauvais côté, c'est1 une tension, c'est comme quelque chose qui ne vous laisse pas une seconde de répit. Et c'est vrai, cela ne vous laisse pas une minute pour vous endormir; parce que dans la conscience ordinaire, dans la vie générale ordinaire, le repos, c'est le tamas. Le repos, c'est retomber dans l'Inertie. Et alors, au lieu d'avoir un repos qui vous profite, c'est un repos qui vous abrutit et vous avez encore un effort à faire pour retrouver la conscience que vous avez perdue. L'immense majorité des gens dorment comme cela. Mais maintenant, c'est une autre leçon: quand je suis étendue pour reposer mon corps et travailler sans bouger (travailler d'une activité qui n'oblige pas le corps à se mouvoir), dès qu'il y a la moindre... pas exactement «chute», mais descente vers l'Inconscient, immédiatement il y a quelque chose qui a un sursaut dans le corps, instantanément. Il y
1. «C'est» = le mental physique.

 

a longtemps, depuis deux ans c'est comme cela, mais maintenant c'est instantané, et cela se produit très rarement – c'est le vrai repos, qui est un élargissement et une immensité de l'être en pleine Lumière. C'est magnifique.
Mais dans la journée, ce sont des leçons perpétuelles, tout le temps, tout le temps, pour toutes choses, tout le temps. Là où la leçon est le moins marqué, c'est quand je dois écrire quelque chose ou que je vois les gens; mais là aussi, la qualité exacte de la vibration des gens (pas la vibration permanente, mais la vibration de la minute dans les gens), la qualité de leur conscience m'est immédiatement donnée par certaines réactions dans mon corps (geste à divers niveaux du corps). Les nerfs ont commencé depuis quelques mois seulement leur travail de «transfert de pouvoir» (ce que j'appelle le transfert de pouvoir, c'est-à-dire qu'au lieu d'être mûs et d'obéir aux forces complexes et organisées de la Nature, du caractère, de la conscience matérielle dans le corps, c'est branché et cela obéit directement à la Volonté divine). C'est le transfert de l'un à l'autre qui est difficile: il y a toute la vieille habitude, et puis la nouvelle habitude à prendre. C'était un moment assez difficile. Mais maintenant, il reste assez de vieilles vibrations pour pouvoir jauger exactement (et cela n'a rien de pensé, cela ne se traduit ni par des mots, ni par des pensées, ni rien de tout cela: juste des vibrations), savoir exactement l'état dans lequel se trouvent les gens qui sont avec vous. À ce point de vue, la leçon continue, c'est très intéressant. Et ce qui est admirable, c'est que le plus souvent, la vibration la plus réceptive, la plus conforme à ce qu'elle doit être, c'est dans les enfants, mais tout petits, les tout petits enfants... Je vois beaucoup de gens, mais je comprends maintenant pourquoi j'en vois beaucoup: j'apprends énormément comme cela, par ce contact (des gens que je ne connais pas, que je vois quelquefois pour la première fois ou que je n'ai pas vus depuis des années). C'est très intéressant.
Mais quand il n'y a personne ou que je suis seule, ou que je ne parle pas, que je ne m'occupe pas des autres, c'est la leçon intérieure: tout le changement de vibration et comment s'organise le monde. Et ce matin vraiment, c'était extraordinairement amusant de voir quelle masse de choses il y a derrière cette apparence, qui semble déjà assez compliquée mais qui n'est rien! qui est mince, ténue, sans complexité, en comparaison de la MASSE de choses qui sont derrière et qui... (geste taraudant) qui broient leur chemin pour arriver à la surface. C'est amusant. Mais certainement, sur cent personnes, quatre-vingt-dix-neuf seraient prises de panique si elles savaient, si elles voyaient. Toujours, cela m'avait été dit (je l'avais lu, et Sri Aurobindo me l'a dit souvent, Théon me l'avait

 

beaucoup dit aussi, Mme Théon aussi): c'est la Grâce qui fait que les gens ne savent pas. Parce que s'ils savaient, ils seraient épouvantés! Tout-tout ce qui est là tout le temps à se mouvoir derrière – derrière les apparences –, toutes les complexités qui sont la cause véritable ou les instruments de tous ces petits événements, qui n'ont pas d'importance du tout pour nous, mais qui font qu'un jour on sent que tout est harmonieux, un autre jour on sent que, pour faire quoi que ce soit, il faut un labeur. Et c'est comme cela. Et alors naturellement, quand on sait, on a la clef. Mais si l'on sait avant d'avoir la clef, c'est... un peu affolant. Je crois que les gens qui perdent la raison, c'est parce qu'ils sont mis en rapport avec les vibrations avant d'avoir la connaissance, la connaissance suffisante, l'état de conscience suffisant. Voilà, on a perdu tout son temps!
Mais comment se fait le passage? le passage pour se matérialiser? Quel est le secret du passage de ce physique très subtil au physique physique? Comment cela passe d'un côté à l'autre?
Mon petit, je ne sais pas quelle comparaison donner, mais je suis sûre qu'il y a des choses qui, comme ça (Mère tourne son poignet dans un sens) sont invisibles, et qui comme ça (geste dans l'autre sens) sont visibles. J'ai l'impression que ce qui nous paraît une différence considérable entre le tangible, le matériel, et l'invisible ou le fluide, c'est seulement un changement de position. Peut-être un changement de position interne parce que ce n'est pas un changement de position physique, matérielle, mais c'est un changement de position. Parce qu'il m'est arrivé je ne sais combien de fois, des centaines de fois: comme ça (geste dans un sens), tout est ce que l'on appelle «naturel», comme on a l'habitude de le voir, et puis tout d'un coup, comme ça (geste dans l'autre sens), ça change de nature. Et il ne s'est rien produit, excepté quelque chose dedans, quelque chose dans la conscience: un changement de position. Tu te souviens de cet Aphorisme où Sri Aurobindo dit que tout dépend d'un changement de relation dans la conscience du soleil et de la terre1? Quand je l'avais lu la première fois, je n'avais pas compris, je pensais que c'était quelque chose dans les domaines très subtils, et puis, tout dernièrement, dans l'une de ces expériences, j'ai compris tout d'un coup, j'ai dit: «Non, c'est
1. 102 – Pour les sens, il est toujours vrai que le soleil tourne autour de la terre; mais c'est faux pour la raison. Pour la raison, il est toujours vrai que la terre tourne autour du soleil; mais c'est faux pour la vision suprême. Ni la terre ni le soleil ne bougent; il y a seulement un changement dans la relation de la conscience du soleil et de la conscience de la terre.

 

ça!» Ce n'est pas un déplacement puisque rien ne bouge, pourtant c'est un déplacement, c'est un changement de relation. Un changement de position. Ce n'est pas plus tangible que ça, c'est cela qui est si merveilleux! Tiens, l'autre jour, j'ai encore trouvé une phrase de Sri Aurobindo: «Maintenant tout est différent, et pourtant tout est resté le même» (c'était dans l'une de mes cartes d'anniversaire), j'ai lu cela, je me suis dit: «Tiens, c'est cela que ça veut dire!» C'est vrai, et maintenant tout est différent, et pourtant tout est resté le même. On comprend psychologiquement, mais ce n'est pas psychologique: c'est ICI (Mère touche la matière). Mais tant que l'on n'a pas une base solide... Au point de vue des choses concrètes, physiques, matérielles, je ne pense pas qu'il y ait de gens plus matérialistes que je ne l'étais, avec tout le bon sens pratique et le positivisme; et je comprends maintenant pourquoi c'était comme cela: cela a donné une base d'équilibre à mon corps, merveilleuse. Cela m'a justement empêchée d'avoir ce genre de folie dont nous parlions au début1. Les explications que je demandais étaient toujours matérielles, je cherchais toujours l'explication matérielle, et cela me paraissait évident, il n'est pas besoin de mystères, rien de tout cela: vous expliquez matériellement. Par conséquent, je suis sûre que ce n'est pas une tendance au rêve mystique en moi, pas du tout, du tout, du tout, ce corps n'avait rien de mystique! rien... Dieu merci!
J'ai vu cela (pas dans ma tête, parce qu'il n'y a pas de limites comme cela pour moi), dans cette espèce de conglomérat, là: l'explication la plus approximative, c'est un «déplacement» – un déplacement, l'angle de perception qui est différent. Et ce n'est pas cela vraiment, les mots sont inexacts, parce que c'est beaucoup plus subtil et en même temps beaucoup plus complet que cela. Il m'est arrivé d'assister plusieurs fois au changement; eh bien, ce changement vous donne, pour la conscience extérieure, l'impression d'un déplacement. Et d'un déplacement sans mouvement, c'est-à-dire que l'on ne change pas de place. Et ce n'est pas ce que l'on serait tenté de penser: une intériorisation et une extériorisation, ce n'est pas du tout cela, pas du tout – c'est un angle de perception qui change. On est dans un certain angle, puis on est dans un autre... J'ai vu des petits objets comme cela pour amuser les enfants: quand ces objets sont dans une certaine position, ils ont l'air compacts et durs et noirs, et puis on les tourne dans un
1. Au début de la conversation, Mère avait remarqué à propos d'une disciple malade: «Elle est extrêmement nerveuse et excitée. Je lui ai dit de prendre des calmants, je lui ai dit que tout son mal était physique – elle dit être la victime d'Asouras terribles! C'est ridicule! C'est un dérangement physique et elle n'a pas besoin d'aller déranger les Asouras!»

 

autre sens et ils sont clairs, lumineux, transparents. C'est quelque chose comme cela, mais ce n'est pas cela, c'est une approximation.
Mais si l'on connaît la façon dont le changement s'opère, on peut...
Ah!
... On peut empêcher le passage des mauvaises vibrations?
Moi, je n'ai qu'un moyen (mais je conçois que c'est simplement parce que ma nature est comme cela), je n'ai qu'un moyen, c'est l'abolition de soi, l'idée que seul (pas une «idée»), seul le Suprême existe.
C'est aussi un point intéressant, parce que j'étais athée à tous crins: rien que l'idée de Dieu me rendait furieuse, jusqu'à l'âge de vingt ans. Par conséquent, j'avais la base la plus solide – pas d'imaginations, pas d'atavisme mystique; ma mère était très-très incroyante et mon père aussi; donc au point de vue atavisme, c'était très bien: positivisme, matérialisme. Seulement cela: une volonté de perfection dans n'importe quel domaine, depuis toute petite; une volonté de perfection et le sens d'une conscience sans limites – pas de limites dans ses progrès ni dans son pouvoir ni dans son étendue. Cela, depuis toute petite. Mais mentalement, un refus absolu de croire à un «Dieu»: je ne croyais que ce que je pouvais toucher et voir. Et déjà toute la faculté d'avoir les expériences était là (qui ne se manifestaient pas parce que ce n'était pas le moment). Seulement, le sentiment d'une Lumière ici (geste au-dessus de la tête), ça, tout petit, à cinq ans cela a commencé, et une volonté de perfection. Volonté de perfection: tout ce que je faisais, il fallait que ce soit, oh! toujours aussi bien que je pouvais le faire. Et puis une conscience sans limites. Ces deux choses. Et mon retour au Divin s'est fait par l'enseignement de Théon quand il m'a été dit pour la première fois: «Le Divin est dedans, là» (Mère frappe sa poitrine). Alors tout d'un coup, j'ai senti: «Oui, c'est ça.» Puis j'ai fait tout le travail que l'on enseigne pour Le retrouver; et par là (centre du cœur), je suis allée là (geste de jonction en haut avec le Suprême). Mais extérieurement, mentalement, pas de religion – une horreur des religions.
Et maintenant, je vois que c'était la base la plus solide que l'on pouvait avoir pour cette expérience: il n'y a pas de danger d'imaginations.
J'ai essayé beaucoup de choses, beaucoup, j'ai regardé beaucoup, je n'en vois qu'une qui soit absolue – une seule qui est absolue et

 

qui peut apporter le résultat absolu, c'est cela (geste tourné vers le Haut) : l'annulation de tout ça, complète, laisser tout: «À Toi Seigneur – Toi, Toi, à Toi.» Et ce n'est pas un être en forme, ce n'est pas cela; et ce n'est pas une force sans forme, c'est... Ça n'a rien à voir avec la pensée, seulement cela: le contact. Et le contact, un contact qui ne trompe pas, rien ne peut l'imiter, rien-rien n'a le pouvoir de l'imiter. Et pour chaque difficulté, chaque fois, quoi que ce soit, simplement ça: «Tout à Toi Seigneur. Tout pour Toi, à Toi. C'est Toi seul qui peux faire, Toi, Toi seul, Toi seul. Toi seul, Tu es la Vérité; Toi seul, Tu es le Pouvoir.» Et ces mots, ce n'est rien, c'est seulement l'expression très maladroite de quelque chose... une Puissance formidable.
C'est seulement ce que nous y mélangeons d'incapacité, de maladresse, de manque de foi, qui Lui enlève son pouvoir. De la minute où nous sommes vraiment purs, c'est-à-dire seulement sous Son influence, il n'y a pas de limites, pas de limites – rien-rien, il n'y a rien, aucune loi de la Nature qui puisse résister, rien, rien.
Seulement voilà, il faut que le moment soit venu, et qu'il n'y ait plus que Ça – tout le reste abîme, quoi que ce soit, même les choses les plus hautes, les plus belles, les plus pures, les plus nobles, les plus merveilleuses, tout cela, tout abîme. Seulement Ça1.
(Mère ouvre «Savitri»:)
Voilà! Tu ne crois pas que c'est merveilleux!
When the hour of the Divine draws near...2
Mais quand l'heure du Divin approchera...
1. Il existe un enregistrement de cette conversation. La fin malheureusement n'existe plus.
2. But when the hour of the Divine draws near, The Mighty Mother shall take birth in Time
And God be born into the human clay... (XI.I.705)
Mais quand l'heure du Divin approchera,
La Puissante Mère prendra naissance dans le Temps
Et Dieu naîtra dans l'argile humaine.

 

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