13 avril 1966
(Il est de nouveau question du livre du disciple: «Le Sannyasin».)
Encore ce matin, je me suis levée plus d'une demi-heure en retard à cause de toi!
Pourquoi est-ce difficile comme cela?
1. Vision du Sannyasin acculé à la porte de bronze. Voir Agenda I du 20 novembre 1958.

 

(Riant) C'est ce que je ne comprends pas! Cela ne devrait pas. Est-ce que tu n'as pas «l'idée» que ça va être difficile? Cela n'a pas commencé par l'idée que cela allait être difficile.
Si.
Alors, voilà.
Et puis j'ai beaucoup de mal à me débarrasser de la vieille forme.
Oui, oui.
Ça me gêne beaucoup.
Oui, toutes les vieilles habitudes.
J'ai constamment à faire, puis à défaire, parce que je me rends compte que c'est la vieille forme du livre, ce que j'avais vu autrefois1.
Et aussi la vieille manière de travailler, c'est cela.
Je m'en rends compte tout de suite parce que, aussitôt, je sens que c'est «de la littérature».
Oui, c'est cela.
Mais nous nous rencontrons pour ce livre dans un endroit tout à fait nouveau, mon petit, tout à fait nouveau, et puis c'est tellement admirable! C'est un endroit admirable et qui n'a rien des nécessités et des obligations de cette terre ici. C'est si lumineux, si nouveau, et en même temps si précis, si exact. Cette nuit, c'était dans des nuances qui passent d'un certain bleu argenté au gris perle, et ça avait des formes si précises, et en même temps rien de la dureté ni de la trivialité des choses terrestres. Et on travaillait si simplement, sans effort... Je me lève tous les jours à la même heure, à quatre heures et demie; eh bien, c'est la seconde fois (je te l'ai dit l'autre jour), au lieu de quatre heures et demie, il était cinq heures moins dix. Et je venais exactement du même endroit.
1. Ce livre aurait dû normalement être écrit il y a quatre ou cinq ans, et le disciple le voyait alors comme une tragédie grecque.

 

Et comme c'est l'heure où tu dors, j'ai l'impression que forcément cela doit entrer, non? Quand on est éveillé, ça peut ne pas toucher, mais là... Et puis il y a une partie de toi tout à fait consciente qui est là. Alors, ce qui doit t'empêcher d'être influencé par ça, c'est toute une couche de vieilleries.
Oui, toute la vieille forme du livre est là.
C'est cela.
Ça entrera – «entrer», c'est obligé d'entrer puisque tu es là, dans ce monde-là, et quand tu te réveilles, cette partie-là entre en toi, seulement l'activité ordinaire empêche son influence de se faire sentir. Mais ça se fait doucement; la différence, c'est qu'au lieu d'avoir une révélation, ça se fait doucement comme une influence progressive.
Ça agira.
Il y a une chose aussi, c'est que dans le passage entre les deux consciences, il y a un moment où on a l'impression que l'on est tout à fait idiot – qu'on ne peut plus penser, qu'on ne peut plus rien faire, que l'on n'est plus bon à rien, que l'on n'a pas de contact avec les choses. Là, il y a toujours un passage difficile. Même maintenant, pour le corps, chaque partie, au moment où elle change (ce que j'appelais le «changement de maître»), il y a un passage où ça devient absolument bon à rien, on a l'impression que c'est fini. Les premières fois, on est inquiet; après, on est habitué, on reste tranquille; puis tout d'un coup, la lumière brille.
*
* *
(Sujata remet à Mère une fleur récemment baptisée: «Pouvoir de guérison matériel1».)
Ça, je voudrais que cela s'installe définitivement. Quand quelqu'un me dit: «J'ai mal ici», je passe ma main comme cela, et c'est parti.
Les mains sentent, elles sentent que c'est possible. Elles sont si conscientes de la Vibration – elles sentent que tout est possible. L'autre jour, E était tombée je ne sais comment, elle s'était abîmée le genou, elle était pleine de bleus et d'écorchures. Et elle avait une robe qui s'arrêtait là (!) alors j'ai vu. J'ai dit: «Qu'est-ce que
1. Petrea volubilis, volubilis pourpe.

 

c'est?» Elle m'a dit: «Je suis tombée.» Et alors cette main (la droite), tout à fait spontanément est allée et a passé sur le genou, comme cela, et je sentais toutes les vibrations au bout de mes doigts: c'est comme des aiguilles – des aiguilles de lumière – et ça vibre-vibre-vibre. Alors j'ai mis la main comme cela, et puis tout d'un coup, elle m'a dit: «Oh!...» Elle était ahurie: toute la douleur était partie.
Mais il y avait des marques, des bleus – ça devrait partir, mais cela prend du temps. Sur moi, ça a un effet presque immédiat, spécialement la main droite.
Mais je voudrais que ce soit une espèce d'absolu. Parce que la décision d'intervenir n'est pas du tout mentale: simplement, tout d'un coup, la main est contrainte de faire, alors elle fait. Eh bien, dans ce cas-là, ce devrait être absolu... Il y a encore l'influence de la pensée des autres et tout cela, quel fatras inutile!
*
* *
(Peu après, Mère classe une réponse qu'elle vient d'adresser à une disciple.)
C'est une fille qui m'a écrit plusieurs fois (il y en a plusieurs comme cela), qui a un corps bien bâti, qui devrait être tout à fait solide et bien portante, mais elle a un vital émotif et sentimental, et... (avec un peu d'ironie) elles ne sont pas «aimées» comme elles voudraient être aimées. Résultat: l'une a mal à l'estomac, l'autre a mal ailleurs. Finalement, elles m'écrivent pour me dire: «Qu'est-ce qui se passe?» Et l'autre jour, je me suis dit: «Pourquoi est-ce que je ne leur dis pas?» Alors j'ai écrit:
«You feel lonely because you want to be loved. Learn the joy of loving without demand, just for the JOY OF LOVING the most wonderful joy in the world – and you will never more be lonely1
Ça, mon petit, pour moi, c'est la clef. C'est la clef qui résout tous les problèmes – pour moi. Je ne dis pas que ce sera éternellement
1. «Vous vous sentez seule parce que vous voulez être aimée. Apprenez la joie d'aimer sans rien demander, simplement pour la joie d'aimer – la plus merveilleuse joie du monde – et vous ne serez plus jamais seule.» (L'anglais est aussi bien masculin que féminin.)

 

comme cela; ce n'est pas la suprême vérité, mais pour mon expérience actuelle, de l'heure actuelle, c'est la clef1.
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