15 juin 1968
Mère regarde un amaryllis orange
C'est joli... Je ne sais pas pourquoi, ça me fait toujours une impression d'église...
Oui, exactement!
À toi aussi? Pourquoi?... C'est très joli, je ne sais pas pourquoi. Ça donne l'impression... d'une adoration artificielle!
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* *
Le disciple lit à Mère
une lettre de Sri Aurobindo:
«Dans notre yoga, nous entendons par "subconscient" cette partie tout à fait submergée de notre être où il n'y a pas de pensée ni de volonté ni de sentiments consciemment éveillés et cohérents, ni de réactions-organisées, mais qui, néanmoins, reçoit obscurément et emmagasine toutes les impressions; de là, peuvent surgir en rêve ou dans la nature éveillée toutes sortes de stimuli, de mouvements habituels et persistants qui se répètent grossièrement ou se déguisent sous d'étranges formes. Ces impressions surgissent surtout en rêve d'une manière incohérente et désorganisée, mais elles peuvent aussi surgir et surgissent constamment dans notre conscience de veille sous forme de répétition mécanique de vieilles pensées, de vieilles habitudes mentales, vitales et physiques, ou comme l'obscur stimulus de sensations, d'actions ou d'émotions qui ne viennent pas de notre pensée consciente ni de notre volonté consciente et qui même s'opposent souvent à leurs perceptions, leur choix ou leurs ordres. Dans le subconscient, il y a un mental obscur plein de samskâra [empreintes ou habitudes] obstinés – impressions, associations, notions fixes, réactions habituelles – formés par notre passé; un vital obscur plein de semences de désirs, de sensations et de réactions nerveuses habituelles; un matériel très obscur qui gouverne presque tout ce qui touche à la condition du corps. Il est en grande partie responsable de nos maladies; les maladies chroniques ou

 

récurrentes sont en fait principalement dues au subconscient, à sa mémoire obstinée et à son habitude de répéter tout ce qui s'est imprimé sur la conscience du corps. Il faut clairement distinguer ce subconscient des parties "subliminales" de notre être, telle la conscience physique intérieure ou subtile, le vital intérieur ou le mental intérieur, qui ne sont pas du tout obscurs ni incohérents ni mal organisés, mais seulement voilés à notre conscience de surface. Notre surface reçoit constamment des poussées intérieures, des communications ou des influences de ces sources sans bien savoir la plupart du temps d'où cela vient.
Pour affirmer sa volonté dans le sommeil, il suffit simplement d'habituer le subconscient à obéir à la volonté mise sur lui par le mental de veille avant de dormir. Il arrive très souvent, par exemple, que si l'on fixe sur le subconscient une volonté de se réveiller à une heure particulière le matin, la volonté subconsciente obéit et l'on se réveille automatiquement à l'heure dite. Ceci peut s'étendre à d'autres domaines. Bien des gens ont constaté que si, avant de s'endormir, ils mettent une volonté sur le subconscient contre les rêves ou les actes sexuels, il se produit au bout d'un certain temps (cela ne réussit pas toujours au début), une action automatique qui les fait se réveiller avant la conclusion du rêve ou avant qu'il ne commence, ou qui empêche d'une façon quelconque la chose interdite de se produire. On peut aussi développer un sommeil plus conscient dans lequel une sorte de conscience intérieure peut intervenir.»
Sri Aurobindo 24.6.1934
Je me souviens très bien maintenant! Sri Aurobindo me lisait les choses qu'il écrivait avant de les envoyer1.
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* *
Puis il est question d'un ancien Entretien du 24 juin 1953
Tu dis: «Une maladie, c'est tout simplement, toujours, dans tous les cas, même quand les docteurs vous disent qu'il y a des microbes – dans tous les cas –, c'est un déséquilibre dans l'être: un déséquilibre entre divers fonctionnements, un déséquilibre entre les forces...»
1. L'enregistrement du début de cette conversation n'a pas été conservé.

 

Je ne sais pas, «un déséquilibre entre divers fonctionnements», cela a l'air d'être purement physique alors, si tu dis cela. J'ai l'impression qu'il manque quelque chose pour dire que c'est un déséquilibre dans l'être psychologique ou dans le fonctionnement psychologique?
(long silence)
Depuis quelques jours, et ça va en s'installant de plus en plus, il y a une impression que la santé ou la maladie, c'est un choix (je simplifie l'expression). Un choix de chaque minute. En tout cas, pour ce corps, c'est comme cela.
C'est abdiquer vis-à-vis du fonctionnement général de la substance physique et du corps et avoir des maladies, dont on guérit ou dont on ne guérit pas suivant... d'autres lois que les lois physiques. Mais à chaque minute – à chaque minute –, il y a la possibilité du choix de la conscience véritable, ou il y a, oui, un désordre ou un déséquilibre. C'est quelque chose qui ne peut pas suivre le mouvement d'harmonie progressive, ou même quelquefois qui ne veut pas. Je parle des cellules et des groupements de cellules.
Le plus souvent, c'est une sorte de paresse, quelque chose qui ne veut pas faire l'effort, pas prendre la résolution: laisser la responsabilité à d'autres. En anglais, je dirais que c'est the remnant, les déchets de l'Inconscient. C'est une sorte de veulerie (geste d'aplatissement) qui accepte une loi générale impersonnelle: on barbote dans la maladie. Et à chaque minute, en réponse à cela, dedans, il y a le sens de l'attitude vraie, qui se traduit avec une grande simplicité dans les cellules: «Il y a le Seigneur qui est le Maître tout-puissant.» Quelque chose comme cela. «Ça dépend entièrement de Lui. Si l'on veut faire une soumission, c'est à Lui qu'on se soumet.» Mais je fais des phrases, et pour elles, ce ne sont pas des phrases. C'est un tout petit mouvement qui se traduit par la répétition du mantra; alors le mantra est plein – plein de force – et immédiatement, la soumission: «Que Ta Volonté soit faite», et une tranquillité – une tranquillité lumineuse –, et on voit qu'il n'y avait absolument aucune nécessité imperative à être malade ou à ce que le déséquilibre se produise.
Le phénomène se reproduit des centaines de fois par jour, pour de toutes petites choses.
Et alors, cela donne de plus en plus l'impression de l'irréalité – l'irréalité foncière – des maladies. C'est ce que je dis là: c'est seulement un déséquilibre. C'est l'habitude de s'en remettre à une sorte de volonté collective impersonnelle de la Nature la plus matérielle qui arrange les choses dans leur apparence.

 

Ça, c'est le genre de travail qui se fait en ce moment, ces jours-ci: tout le temps, tout le temps, tout le temps. Le seul moment où ça ne se fasse pas, c'est quand je vois des gens, parce que quand je vois des gens, il n'y a plus qu'une chose: la Présence du Seigneur, et les plonger dans ce bain de Seigneur. Ça, ça continue et c'est toujours là. Ce qui fait que même si, avant, il y avait une difficulté, une lutte, un conflit entre les deux états et une volonté de tenir bon, ça s'en va à ce moment-là, parce que le travail n'est pas cela: le travail est de plonger tous ceux qui s'approchent dans la Présence – la Présence immuable, constante, active... proche.
(silence)
Ce qui tendrait à prouver que la possibilité de ce que l'on appelle la «maladie» est une chose constante, un état constant dans lequel on se trouve, ou on ne se trouve pas; et ce «on se trouve ou ne se trouve pas» dépend... de beaucoup de choses, surtout du souvenir – du souvenir de la Présence et de la Réalité divine unique –, et de la façon dont on agit. La vie est une série d'activités continues – plus ou moins durables, plus ou moins absorbantes, donnant plus ou moins l'impression d'une importance ou d'un manque d'importance –, mais c'est une sorte de série continue d'activités; et ce que l'on appelle le repos, c'est-à-dire quand le corps matériel est relativement immobile, c'est une activité sur un autre plan et d'un autre genre. Et l'état d'union – d'union réalisée, c'est-à-dire pas quelque chose qui vient dans un éclair et qui s'en va, mais un état qui est établi et dans lequel on a l'impression de la continuité, excepté quand la Conscience, la Volonté centrales vous pousse à en sortir... (Mère part en contemplation sans finir sa phrase.)
(long silence)
Alors qu'est-ce que tu veux exactement?
D'après ce que tu dis là, on a l'impression que la maladie a des causes purement physiques. Alors il faudrait peut-être ajouter quelque part le mot «conscience» ou «psychologique». Tu dis: «C'est toujours un déséquilibre dans l'être, un déséquilibre entre divers fonctionnements, un déséquilibre entre les forces...» Cela donne l'impression d'être quelque chose de purement matériel.
Les forces purement matérielles, ça n'existe pas.

 

Si tu veux, la seule distinction que l'on puisse faire, c'est entre le plus ou moins de conscience. Et c'est dans la proportion de l'inconscience qu'est l'apparente matérialité.
N'est-ce pas, c'en est venu au point où il y a une impression de fluidité, de plasticité, qui s'affirme de plus en plus avec la croissance de la conscience vraie. Le durcissement paraît être le résultat de l'Inconscience; le manque de fluidité, de plasticité, semble être le résultat de l'Inconscience. Pas seulement dans le corps: pour tout, l'impression est comme cela; avec la croissance et l'état normal de conscience, il y a une souplesse et une fluidité qui changent complètement la nature de la substance, et la résistance vient seulement du degré d'inconscience, est proportionnelle au degré d'inconscience.
Et toute cette façon de parler (comme dans cet Entretien), la façon de parler ordinaire, cela paraît être... oui, une manière de parler, voilà! Mais ça ne correspond pas au fait. Ça ne correspond pas à la réalité. C'est une manière de parler, une manière de sentir, une manière de voir – une vieille habitude. Mais ce n'est pas ça.
Mais le travail est en pleine activité ici et on n'a pas le recul pour en parler.
Et ce qui est intéressant en ce qui concerne ce corps, c'est que j'ai de plus en plus l'impression... d'un «résidu» qui reste encore inconscient; parce que dans mon état (qui devient de plus en plus normal), je sens (je «sens»: sensation matérielle) à une distance d'au moins cinquante centimètres. Et quand je suis concentrée consciemment dans une chose ou dans un individu, je sens dans cette conscience et dans cet individu matériellement. Et par exemple, si quelqu'un agit d'un mouvement très inconscient, ça fait mal. C'est comme si l'on me donnait un coup.
Et ça va en augmentant de plus en plus.
Et de plus en plus, il y a des moments (les gens croient que je dors, ça m'amuse beaucoup! ils croient que je dors...), où je suis le mouvement comme cela (en apparence toute concentrée) et la sensibilité, la conscience est répandue tout autour, partout, ou sur un point donné pour un travail, mais matériellement – pas mentalement (ça, c'est tranquille depuis longtemps et de plus en plus); vitalement, c'est très paisible: matériellement.
(silence)
Ce que je ne sais pas encore, ce qui n'est pas très clair, c'est... quel sera le sort de ce résidu? Pour la pensée ordinaire des gens, c'est ce qu'ils appellent la «mort», c'est-à-dire que les cellules qui n'ont pas

 

pu entrer dans cet état de conscience plastique sont rejetées. Mais de la façon dont le travail se fait, il n'y a aucune division catégorique (entre les groupes de cellules conscientes ou inconscientes dans le corps de Mère) : ce sont des états imperceptibles, ou presque, de variations entre les différentes parties de l'être. Par conséquent, on se demande: où, quoi, quand, comment, qu'est-ce qui va arriver?... Ça devient de plus en plus un problème...
Tout le fonctionnement intérieur devient de plus en plus le résultat de cette action consciente, volonté consciente; même avec, en partie (en tout cas en partie) déjà clairement le fonctionnement vrai. N'est-ce pas, on a l'impression qu'il y a un déchet, mais le déchet n'est pas quelque chose qui est rejeté: c'est quelque chose qui hésite, qui est en retard, qui a de la difficulté et qui essaye – et qui ne demande pas mieux: s'il y a, par exemple, un endroit où il y a un désordre perceptible, une douleur, ça ne commence plus à frétiller et à s'inquiéter et à vouloir des remèdes ou des docteurs ou des interventions, non, du tout; ça demande... ça fait: «O... Seigneur...», comme cela. C'est tout. Et ça attend. Et généralement, en l'espace de quelques secondes, la douleur s'en va.
Ce qui complique, c'est l'entrée du dehors, de formations, avec des pensées, des ignorances (geste grouillant autour), des impressions, toutes les impressions. La plupart du temps, ça ne fait rien, mais quelquefois ça fait un choc. Alors ça complique un peu.
(silence)
Alors toute cette façon de dire [dans cet Entretien], c'est de l'antiquité. Il vaut mieux le laisser tel quel.
Ou si, pour la clarté de la phrase, tu as besoin d'ajouter un mot, ajoute-le.
Comme tu dis que la maladie est un «déséquilibre entre divers fonctionnements», je proposais d'ajouter: «entre divers fonctionnements de conscience»?
Pas fonctionnements de conscience.
Parce que tout cela a l'air d'être purement matériel! Il faut, j'ai l'impression, ajouter un mot qui donne un sens intérieur.
Oui, pour ce corps-ci, c'est ce que l'on appelle «purement matériel»: il n'y a pas d'intervention vitale ou mentale. Généralement,

 

ce qui arrive aux gens, c'est le vital qui intervient et le mental qui intervient – ça n'arrive jamais-jamais (chez Mère). Ça, ça appartient au passé, il n'est plus question de cela. Tout se passe dans la conscience physique, purement. Alors, pour la compréhension ordinaire, ce sont des déséquilibres entre les divers fonctionnements de respiration, digestion, circulation, etc. Mais tout cela, pour moi, c'est devenu l'expression de quelque chose d'autre.
Oui!
Mais je n'en suis pas encore à pouvoir l'expliquer de façon à être comprise.
Alors je crois qu'il vaut mieux le laisser. Quelle heure est-il?
On peut traduire un peu... Est-ce que le «Bulletin» est prêt?
Tout est prêt, douce Mère, sauf les «Notes sur le Chemin».
Les «Notes», nous n'en ferons pas.
À moins que l'on ne mette ce que tu as dit aujourd'hui?
Oh!...
Qui est-ce qui peut comprendre? Moi-même, je ne peux pas expliquer clairement.
Mais j'ai l'impression que l'on saisit quelque chose. Moi, j'ai l'impression de saisir. Je me trompe peut-être.
Ah?
C'est, au contraire, très...
Moi, j'ai de plus en plus l'impression de parler chinois aux gens. Ah? Oui?
Je ne peux plus expliquer, ils ne peuvent plus comprendre. Toi, n'est-ce pas, tu as suivi pas à pas, alors tu es habitué, mais les autres ne comprennent pas – plus personne, je ne peux plus rien dire à personne.
Les relations avec les gens sont tellement différentes!... C'est

 

constamment comme je te l'ai dit: un mouvement d'inconscience, c'est un choc; et il y a des choses...
Je ne peux pas expliquer, ce n'est pas possible.
C'est comme ce fait que je me voûte de plus en plus (quoique ce ne soit ni l'effet d'une fatigue, ni l'effet d'un manque d'équilibre, ni... ça n'a pas de raison matérielle), j'ai l'impression que la partie présente du corps (ou plutôt la partie qui appartient au passé) va en diminuant, et moi, ma conscience, je suis si vaste et au contraire si grande et si puissante, mais à distance, n'est-ce pas!... Je ne sais pas comment expliquer, c'est une drôle de sensation. C'est comme si l'on continuait à traîner avec soi un vieux bagage1. Mais ce n'est pas que ça ne veut pas... C'est plus ou moins difficile, n'est-ce pas, alors ça prend plus ou moins de temps. Ce sont comme des retardataires.
Mais la nouvelle manière d'être ne serait visible que pour quelqu'un qui aurait lui-même, ou elle-même, la vision supramentale... Je vois toutes sortes de choses matériellement, mais qui ne sont pas visibles pour les autres (Mère regarde autour du disciple). Mais c'est matériellement.
Un drôle d'état.
Est-ce qu'on a le temps de traduire? En traduire un peut-être... pour se donner l'illusion qu'on a fait quelque chose!
* *
Mère passe à la traduction d'un texte de Sri Aurobindo:
«This question of free-will and determination is the most knotty of all metaphysical questions and nobody has been able to solve it – for a good reason that both destiny and will exist and even a free-will exists somewhere; the difficulty is only how to get at it and make it effective2
Ça, c'est tout à fait vrai! C'est tout à fait vrai, cela fait encore partie de mon expérience de maintenant. C'est comme si, tout d'un coup, quelque part, on me disait: «Mais dis seulement: je veux
1. Ce mot a été rajouté par Mère plus tard: «Oui, un vieux bagage. Mais ce n'est pas que ça refuse de changer, ce n'est pas cela! c'est que ça demande du temps.»
2. «Cette question du libre-arbitre et du déterminisme est la plus épineuse de toutes les questions métaphysiques et personne n'a été capable de la résoudre – pour la bonne raison que la destinée et la volonté existent l'une et l'autre, et qu'il existe même un libre-arbitre quelque part. La seule difficulté est seulement de savoir comment le dénicher et de le rendre effectif.»

 

ça!» (mais pas avec des mots, les mots sont un travestissement). Et alors, il y a un petit quelque chose dans l'être, qui fait comme cela (geste de rassemblement) et... et ça y est. Et c'est vrai. pour le corps (je ne dis pas pour la pensée, les sentiments: tout cela, une fois pour toutes, nous n'en parlons pas), seulement pour le corps, quelque chose qui dit: «Mais tu as seulement à dire je veux, il faut» (pas avec des mots), et en effet quelque chose fait comme cela (même geste), fait comme cela dans une lumière bleue – un saphir éclatant – et... et ça y est. Ça y est. C'est très simple.
Seulement, on ne peut pas expliquer parce que l'on se sert de mots qui ont un autre sens. Parce que si l'on dit: «Tu n'as qu'à vouloir», on dirait une sottise.
C'est curieux.
C'est tout? On fait encore une traduction? Ils sont longs?
Cinq et neuf pages.
Ce sera pour une autre fois.
Mais on va me demander tout cela, ils commencent déjà à s'impatienter. Et alors, ils pensent (ils sont très polis, très bien élevés), et puis ils pensent: Mère est en train de... She is going down ! [elle dégringole.] (Mère rit)
Tout d'un coup... (je fais quelque chose, j'écris ou j'écoute, ou n'importe), tout d'un coup, j'entre dans une conscience où je vois toutes les relations qui sont différentes, et puis une espèce de pouvoir qui veut apprendre à s'exercer; alors c'est extrêmement intéressant, n'est-ce pas, et au lieu de continuer à faire ce que je fais, je suis le mouvement... «Voilà Mère qui s'endort encore»! Et alors je lis dans leurs pensées, clair comme le jour, leurs réactions... Et je suis encore polie, je ne leur dis rien. Si je n'étais pas polie, ça ferait des désastres.
Mais enfin, il y aura quelqu'un qui saura!
Mais je voudrais savoir... (je commence à être intéressée par le problème, je regarde comme cela): est-ce que ce résidu... (Mère s'interrompt). Mais la question n'est pas comme cela, c'est une question de temps. Avec le temps (Sri Aurobindo avait dit trois cents ans), avec le temps tout arriverait à changer. Mais il y a la vague des habitudes et de la solution facile qui est tout simplement de prendre ça (Mère désigne son corps comme un vieux vêtement) et de le jeter: «Va-t-en, je ne te veux plus!» C'est dégoûtant. Parce que ça ne marche pas assez vite, on le prend et on dit: «Va-t-en! Va-t-en, je ne te veux plus, va à la décomposition.» C'est dégoûtant.

 

Et je SENS l'atmosphère. Il y a toute la pensée collective, les gens qui m'écrivent: «J'espère que vous vivrez encore longtemps»! (Mère rit) et toutes les stupidités habituelles. N'est-ce pas, ils sont si pleins de bonne volonté imbécile... Ça fait une ambiance difficile.
Je regarde ce corps; quelquefois il dit (quelquefois, quand il y a trop d'incompréhensions, quand l'entourage est trop absolument incompréhensif), il dit: «Ah! laisse-moi aller.» Il me dit («il», quoi? ce qui est encore inconscient, trop inconscient et pas assez réceptif), il dit: «Bien, laisse-moi, tant pis, laisse-moi aller.» Comme cela. Mais pas dégoûté ni fatigué, mais... Et alors vraiment, c'est pitoyable. Alors je lui dis (ton, comme l'on parle à un enfant): «Non-non-non.»
C'est une question de patience, n'est-ce pas. Question de patience.
(silence)
Qu'est-ce qui va arriver? Je ne sais pas. On verra. En tout cas, toi, tu sauras.
Tu pourras leur dire (riant) : «Ce n'est pas comme vous pensez...» Je leur dirais bien, mais ils ne m'entendront pas1.
Je ne sais pas... Je ne sais pas ce qui va se passer. Qu'est-ce qui va se passer? Tu sais, toi?
Ce sera glorieux un jour.
(silence)
Quand on fait quelque chose pour la première fois, personne ne peut vous l'expliquer. On verra2.
1. Quand nous avons voulu le leur dire, ils ont voulu censurer cet Agenda et ils nous ont expulsé de l'Ashram par lettre recommandée. En ce jour de 1980, l'Agenda de Mère se lit seulement en cachette et il est interdit à l'École de l'Ashram.
2. Il existe un enregistrement de cette conversation.

 

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