6 juillet 1968
(Mère n'est pas bien portante. Elle a malgré tout procédé à l'enregistrement du «Message sur l'Unité de l'Inde» pour la Radio indienne1.)
Qu'est-ce que tu as à dire?
Tu es fatiguée.
Non, oh!... c'est une longue affaire.
La dernière fois que tu es venu, j'étais enrhumée; ça a duré même pas une journée: dans la nuit suivante, c'était fini. Mais ça a précipité le mouvement de transformation, alors c'est devenu difficile.
1. Il existe un enregistrement de ce Message en français et en anglais (voir précédente conversation du 3 juillet). La suite de la conversation n'a pas été conservée.

 

Tout cela, là, là (gorge, poitrine, etc.) était pris... Ça prend généralement plusieurs jours.
Et ce matin, je ne sais pas – je crois que je sais pourquoi: parce que le corps lui-même est branché à tous ceux qui appellent avec beaucoup de force, et comme un ignorant qu'il est, il subit les conséquences. Ces jours-ci, il y a eu trois ou quatre cas, j'ai vu dans le corps une sorte d'imitation... Il n'a pas encore appris à transformer immédiatement la vibration.
Alors, il y a eu deux ou trois cas (deux cas très clairs), et ce matin, cet idiot de corps s'est mis à être essoufflé: «Trop, trop vite, trop vite...» Alors il a fallu l'immobiliser (il commençait à avoir la fièvre), cesser de manger. Mais je lui avais dit (j'avais vu que cela venait à cause de quelqu'un qui est très malade; une combinaison de toutes sortes de choses en même temps), mais je lui avais dit dans la nuit qu'il y avait ce travail à faire (enregistrement pour la radio) et puis qu'il n'y avait pas à flancher. Alors, pour pouvoir le faire, il a supprimé tout le reste: pas arranger les fleurs, pas prendre son déjeuner, etc.
Le rhume aussi, c'était de quelqu'un (je n'ai aucune occasion de prendre froid), c'était quelqu'un. Et je sais qui c'est, mais...
C'est comme cela: ou changer, ou se dissoudre.
Lui, ne demande pas mieux, n'est-ce pas, il ne refuse pas, il veut, il veut, il veut, mais quelquefois ça va très vite, c'est difficile.
(long silence)
Tu avais quelque chose à dire? J'ai des nouvelles de P.L. Ah!
C'est toute une série de choses. Il y a d'abord un mot de J qui a reçu une lettre de P.L., et elle me dit ceci: «P.L. va très bien. Monseigneur R lui a dit "avoir découvert un autre monde à travers votre livre1"... Il est entré en contact avec Mère. Il a fait voir à P.L. l'importance de rester encore dans ce milieu s'ils veulent le transformer...
(Mère ouvre de grands yeux)
Ah!...
1. «Sri Aurobindo ou l'Aventure de la Conscience».

 

«... P.L. se sent guidé totalement par Mère, il s'isole dès son travail terminé pour étudier et méditer "La Vie Divine"...» Puis une autre chose: P.L. a envoyé la lettre que Mgr R lui avait laissée à son arrivée à Rome; dans cette lettre, ce Monseigneur lui disait notamment: «Je tiens aussi à t'informer que j'ai révélé – sous le secret – à Son Eminence [le cardinal de France] que tu étais dans un Ashram en Inde. Sa réaction a été excellente et il t'approuve totalement.»
Bah!
Et enfin, une lettre de P.L., qui raconte l'histoire: «Je me suis retenu un peu pour vous écrire et vous informer de ma nouvelle situation qui, à chaque instant, pouvait se précipiter. Une double politique a été suivie par le Vatican à mon retour: des menaces d'une part, et de l'autre, des promotions et offres de belles situations. J'étais absent de Rome depuis le 9 décembre: quelle étrange maladie pouvait bien durer si longtemps? On parlait de me soumettre à une expertise de trois médecins, exigeant les noms des cliniques visitées1, etc. J'ai consulté Son Eminence et Mgr R; être éjecté par l'application du règlement ne convenait à personne: ni à ma famille, ni au Cardinal même. Donc, la solution était de prendre ma nouvelle place en assurant que je suis complètement rétabli: ainsi les enquêtes s'arrêtaient; je n'étais plus sous procès, le dossier archivé. Certes, la curiosité, les soupçons ne se sont pas amortis, mais ma vie est rentrée dans la routine et dans quelque temps, tous vont oublier. Je verrai le Pape le mois prochain et il est possible que je l'accompagne dans son voyage en Colombie à la fin août:je vous tiendrai au courant. Il existe toujours la difficulté de sa santé qui peut empêcher le voyage... Tout ce que je viens de vous dire m'est très "extérieur" et j'y participe très peu: je préfère plutôt vous entretenir de ma conscience: elle n'a pas changé: elle est restée branchée à l'influence de Douce Mère; je sens sa protection; tout est facile car elle est avec moi; elle me donne la réponse adéquate. Comme un mantra, je répète: "Oh! Douce Mère, avec ton aide qu'y a-t-il d'impossible?" Plus encore, la joie qu'elle a mis dans mon cœur reste inébranlable. Ma pensée s'envole pleine de reconnaissance vers elle. Mgr R a dit à Son Eminence que j'étais à l'Ashram: le Cardinal est ravi. R a fini votre livre: il a prêché
1. P.L. avait invoqué quelque maladie «psychologique».

 

dans sa Messe les idées d'Aurobindo: il m'a dit qu'il est entré en contact avec Mère: il va lui écrire et plus tard lui rendre visite: il a accepté le message d'Aurobindo comme solution du monde. Je dois encore vous dire ma joie que le télégramme m'a fait: à Mère toute ma gratitude.»
(Mère entre dans une longue contemplation)
C'est bien... C'est bien.
C'est tout à fait vrai que je suis avec lui. C'est tout à fait vrai. Et tu te souviens, je t'avais dit cette expérience, cette chose très forte que j'avais sentie: comme une grande chose qui commençait, un Commencement1... Ça paraît être vrai.
Ça va être un grand pas pour le monde – pour le monde tout entier.
Tout à fait bien.
Je crois sentir qu'il voudrait une confirmation de toi qu'il doit rester là pour faire le travail.
Oh! oui, c'est bien comme cela, il faut qu'il reste faire son travail. Il faut qu'il reste. Et quand je dis «c'est très bien», cela veut dire que TOUT est très bien. Il est tout à fait à la hauteur de la situation. C'est très bien.
C'est la petite personnalité qui abdique son bien-être propre pour le travail général, et ça, c'est très bien, ça vous fait avancer très vite.
C'est très bien. De toutes façons, c'est très bien.
La réponse (de P.L.) est très supérieure à ce que j'attendais.
J'ai tout à fait l'impression de ces moments merveilleux de la Grâce divine... on n'a plus envie que de se taire et adorer, c'est tout2.
1. Une page de l'histoire du monde est tournée, la conversion de toute la Chrétienté à la Vérité nouvelle (Agenda du 3 avril 1968).
2. Quelques jours après, P.L. envoyait un télégramme à Mère demandant sa protection car il avait reçu «l'ordre supérieur» de se soumettre à une expertise médicale «collégiale» présidée par le médecin du pape. Il semble donc qu'il y ait eu un renversement de situation. Mère a répondu ceci: «La meilleure protection est une foi inébranlable en la Grâce divine.»

 

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