19 avril 1969
(À propos du départ d'Amrita, celui qui s'occupait des finances de l'Ashram.)
(Riant) Voilà des soupes!
On est dans une confusion épouvantable! épouvantable!
Pendant des années, il y avait tout un côté des choses, au point de vue de l'argent et de tous les arrangements: on ne me disait rien, c'était très bien, je ne m'en occupais pas, cela m'était égal. Maintenant, tout d'un coup, on me dit (à moitié) des choses (et sans me dire ce qu'on faisait avant), et alors je m'aperçois... Tout est dans une confusion épouvantable – épouvantable! Parce que... je ne peux pas comprendre ce qu'ils font parce que je ne sais pas le pourquoi, je ne sais pas comment c'est arrangé.
Maintenant, il y a un poids qui est éclairci, mais... On se querelle... oh!
Et j'avais des choses à te dire... je ne me souviens plus – je ne me souviens plus du tout! J'avais des choses à te dire, je m'en suis aperçue mercredi quand tu as été parti, et maintenant, je ne sais plus – il s'est passé tant de choses que je ne sais plus.
N'est-ce pas, avant, Amrita centralisait beaucoup de choses. Il avait organisé; je ne m'en étais pas occupée, il me disait juste ce qu'il fallait là où il était nécessaire que j'intervienne, et tout le reste était arrangé. Et maintenant, pour la moindre chose, ils viennent à moi, et ils ne savent pas ce qu'il faisait, comment il le faisait, alors tout est à faire. Ça a créé beaucoup de difficultés.
Maintenant, moi, je sais que j'ai quelque chose à te dire et je ne sais pas ce que c'est2!
1. Il existe un enregistrement de cette conversation.
2. L'enregistrement du début de cette conversation n'a pas été conservé.

 

(silence)
Tout est dans une espèce de tohu-bohu. Tout le pays.
Tu sais qu'il y a un gouvernement communiste au Bengale maintenant... Il vaudrait mieux ne pas l'enregistrer (Mère touche le micro).
Je pourrai l'effacer.
Et alors, il y a eu des scènes (je ne sais plus en détail), mais des scènes assez désagréables, puis une sorte d'émeute, et l'armée a dû tirer. Il y a eu quatre personnes de tuées1. Alors le gouvernement communiste veut arrêter les quatre soldats qui ont tiré, en disant... enfin que c'est tout à fait bon. On a dit cela au commandant de l'armée, là, qui a dit: «Si l'on vient arrêter mes soldats, moi, j'arrête les gens! J'arrête la police et je la mets en prison...» J'ai trouvé ça charmant. Mais je venais juste de voir N.S.2 – tu connais N.S. – qui était venue de la part d'Indira pour me poser des questions en me demandant ce qu'il fallait faire3. Elle était juste partie quand on m'a raconté cette autre histoire. J'ai dit: comment faire pour lui dire?... (Indira ne va pas savoir quoi faire: si elle doit être avec " l'armée ou avec la police.) Alors j'ai dit: «Si elle est avec la police, les Chinois sont là dans quinze jours; il faut qu'elle soit avec l'armée, absolument.» Donc, il fallait rattraper N.S. (elle était juste repartie pour Delhi), il fallait la rattraper pour leur dire cela: «Mère a dit qu'il fallait...» Et L est parti, comme cela, derrière, pour rattraper l'avion.
Et c'est comme cela. J'avais vu ces jours derniers toutes sortes de choses catastrophiques. (Je ne savais pas quelle était la situation.) Quand on m'a raconté, j'ai su immédiatement: j'ai vu les Chinois ICI. Oui. Ça m'a beaucoup-beaucoup remuée. Et avec des choses AFFREUSES, affreuses. Et alors, j'ai dû envoyer tout de suite quelqu'un pour dire: «SURTOUT tenez avec l'armée.» C'est le seul espoir de l'Inde. L'armée est bonne, mais elle n'est pas soutenue. Mais ça, il ne faut pas qu'on le dise, parce que, censément, je ne dois pas m'occuper de politique, alors-Mais il paraît que les communistes dans trois provinces VEULENT que les Chinois viennent. Alors, ça, c'est effroyable. Et les Chinois,
1. Incident de Cassipore.
2. Ministre du gouvernement central et amie (à l'époque) de Mme Gandhi.
3. Nous publions en addendum le compte-rendu de cette rencontre.

 

mon petit, tu ne peux pas t'imaginer ce que c'est... C'est horrible! horrible. D'une cruauté froide, terrible. Alors c'est très-très difficile ces jours-ci.
Et c'est presque un miracle: Indira a tout d'un coup (N.S. me l'a dit), elle a réalisé qu'elle n'avait pas la connaissance voulue ni le pouvoir voulu pour faire face aux circonstances, alors elle a dit à N.S. de venir me trouver et de me demander que je l'aide.' Et j'ai compris pourquoi j'avais vu toutes ces circonstances (pendant plusieurs jours, tout concernait l'Inde, et j'ai vu que c'était sérieux, très sérieux).
(silence)
Il y avait un homme qui aurait pu faire quelque chose *■ c'était l'ancien général en chef, le cousin de K1 – ils l'ont envoyé au Canada!... Ça a eu un résultat: tout le Canada s'intéresse à l'Inde! Il y a un mouvement très répandu et tout à fait intéressant là-bas. Seulement, ici, ils n'en veulent pas. Et c'était un bon chef militaire... C'est dommage qu'il soit parti. Et puis il était en contact avec nous... Et juste maintenant...
Alors c'est pour cela, tout le temps il y a la pression de choses très sérieuses.
(silence)
Toi, quelles nouvelles as-tu? Rien?
Mais ce monstre chinois qui grandit de plus en plus, on ne voit pas ce qui pourra l'arrêter.
Oui, c'est cela.
On ne voit pas, sauf évidemment des conflagrations atomiques. Autrement il ne veut que manger partout.
Oui.
Qu'est-ce qui l'arrêtera?... Est-ce qu'il est réceptif aux forces subtiles?
(Après un silence) Il y a un homme... D'abord, il y a notre brave S.H.2, ici, mais il y a un autre homme qui est à Shantinikétan, que
1. Un disciple.
2. Un disciple chinois.

 

j'ai vu, que je connais, et qui a toujours dit que c'était la pensée de Sri Aurobindo qui pouvait sauver la Chine. Mais il est venu ici parce qu'il n'est pas communiste et parce qu'on lui a chipé tous ses biens – il les a donnés; quand il l'a su, il a écrit (au gouvernement chinois) pour dire: «Je vous les donne; vous les avez pris, je vous les donne.» Et c'était très bien, c'était très habile. Alors on le respecte naturellement. Mais je ne crois pas qu'il puisse faire grand-chose. Mais lui, son opinion, c'est qu'il n'y a que la pensée de Sri Aurobindo qui peut sauver la Chine. La Chine est extrêmement intellectuelle; si l'intelligence chinoise est capturée par la pensée de Sri Aurobindo, ce serait... Mais ça paraît être le seul, le seul espoir.
Mais la Chine de Formose (c'est-à-dire rien) est tout à fait avec nous.
Oui, mais c'est peu de chose. Ce n'est rien.
Les Soviets étaient un très grand danger, mais eux, ils semblent... ils semblent commencer à comprendre. Ils sont divisés entre eux.
Mais là, c'est vraiment un monstre qui grossit. Oh! c'est formidable.
(silence)
L'Amérique est extrêmement intéressée par Auroville. La Russie est extrêmement intéressée par Auroville. Les Chinois... rien, absolument rien, pas de réponse.
Ils sont... je ne sais pas comment... On a l'impression de quelque chose comme de la pierre. Ça ne répond pas.
(long silence)
Depuis... depuis des années, au temps même où Sri Aurobindo était ici, il y avait la vision – une vision intérieure – que l'Inde était l'endroit où allait se décider le sort de la terre. Alors il y a les deux possibilités opposées. C'était comme s'il était dit que s'il y avait la guerre, c'était sur l'Inde qu'elle serait; que le conflit mondial... (comment dire?) la partie se jouerait sur l'Inde. Mais est-ce

 

que la Force de Paix sera suffisante pour empêcher la guerre? Toute la question est là. Mais c'est ici qu'est le tourbillon des forces, au-dessus de l'Inde.
Et depuis que cette Conscience est venue, les choses se précipitent. Ça a donné une rapidité de mouvement aux circonstances. Et alors, ça devient violent, comme cela. Et le... oh! le mensonge, la duplicité, le... oh!... c'est comme si tout ça remontait à la surface – c'est hideux. Et est-ce que... est-ce que la Force d'Harmonie et de Paix sera assez forte pour... pour digérer tout ça? Je ne sais pas.
Je croyais (il y avait toutes sortes de choses qui se passaient, comme des images de possibilités), et je croyais que c'était dans la constitution du corps: que ça sortait afin d'être purifié; mais je m'aperçois que c'était peut-être cela en partie, mais que toutes ces images correspondent à des choses qui sont en train de se passer (mondialement), et alors si elles sont véridiques... les suivantes sont plutôt catastrophiques.
Il y a toujours cette volonté intérieure de... (geste de pression pour établir la paix). Comme si c'était, je ne peux pas dire un dernier conflit, mais ça devient... ça devient immédiat.
C'est comme un conflit entre les forces qui veulent détruire la terre, et la transformation terrestre. Si ces forces peuvent être checked, peuvent être maîtrisées et réduites à l'impuissance, alors le progrès terrestre et la transformation vont aller en flèche – magnifique! Mais maintenant, c'est comme si de tous les côtés... des monstres qui viennent pour empêcher.
(silence)
C'est tout à fait comme si l'on était installé sur un volcan: ou il faut que le volcan s'éteigne, ou tout va sauter. C'est comme cela1. Il est onze heures, oh!
Ça ne t'amuserait pas d'aller en bateau? J'ai dit à Z de femme-ner...
Simplement comme cela... aller sur l'eau. Et je pensais aussi que, comme cela, tu ne seras pas embêté par les gens! Ils ne te trouveront plus!
*
* *
1. Il existe un enregistrement de cette conversation.

 

ADDENDUM
(Compte-rendu de la visite de N.S., le 17 avril 1969. Ces paroles ont été notées de mémoire et sont donc approximatives.)
(traduction)
1. N.S. raconte de ce qu'Indira lui a dit des difficultés auxquelles elle doit faire face; elle demande l'aide de Mère, sa force, ses conseils. Mère répond qu'elle savait très bien tout cela et qu'elle donnait constamment son aide et ses bénédictions à Indira.
2. À propos du danger du communisme, Mère répond que le communisme est une vérité qui a été déformée; quand cette vérité sortira, la déformation tombera. La vérité est que tous nos efforts et tout notre travail doivent être tournés vers le Divin et non vers l'État.
3. Un seul pays au monde sait qu'il n'existe qu'une Vérité vers quoi tout doit être tourné – ce pays, c'est l'Inde. Les autres pays l'ont oublié, mais c'est enraciné dans le peuple de l'Inde, et un jour, ça sortira.
4. Nous devons tous reconnaître cela et travailler pour cela. L'Inde est le berceau de la Vérité; elle conduira le monde à la Vérité. L'Inde trouvera sa vraie place dans le monde quand elle aura réalisé cela.
5. Mère prie N.S. de dire à Indira qu'elle doit devenir un serviteur fidèle de la Vérité, soumise et consacrée à la Vérité; alors rien ne pourra l'arrêter. Toutes les difficultés extérieures, même les personnes qui essaient d'ébranler sa position ne pourront pas la toucher; même s'ils semblent triompher, si elle est ferme dans sa foi et dans sa consécration au service de la Vérité, rien ne pourra prévaloir contre elle.
6. Pour être un vrai serviteur de la Vérité, il faut oublier tous ses désirs personnels et toutes ses préférences personnelles et avoir pour seule pensée de servir la Vérité.
7. Puis Mère dit personnellement à N.S., en demandant aux hommes présents de l'excuser, que ce sont seulement les femmes qui savent comment utiliser le Pouvoir qui vient du service de la Vérité.
8. Mère dit aussi de dire à Indira qu'elle doit savoir que les lois humaines ne tiennent pas devant la loi du Divin, et que finalement c'est la loi du Divin qui prévaudra.

 

9. Mère dit encore: la nouvelle Conscience qui est descendue le 1er janvier, est très active, et nous arrivons à un moment très critique de l'histoire du monde – c'est très intéressant de regarder comment les choses arrivent. Cette nouvelle Conscience est en train de préparer le surhomme; c'est pourquoi il y a de grands changements partout. Quand le premier homme est apparu, l'animal n'avait pas de mental et ne pouvait pas se rendre compte de l'évolution; l'homme a un mental et il peut se rendre compte; c'est pourquoi nous arrivons au moment le plus intéressant de l'Histoire. Si l'on peut rester dans cette Conscience et regarder d'en haut les événements, on peut voir comme ils sont petits, futiles, et on peut alors agir dessus avec un grand pouvoir.
10. Mère dit à N.S. qu'elle veut qu'Indira continue à son poste présent parce que Mère peut travailler à travers Indira, du fait qu'elle essaie sincèrement de servir le pays.
11. Je connais la situation du pays, dit Mère. Même si une seule personne peut se mettre fidèlement à la disposition de la Vérité, elle peut changer le pays et le monde.
12. Auroville, dit Mère, est le seul espoir d'empêcher une nouvelle guerre mondiale. Les tensions montent et la situation devient très critique. Seule l'Idée d'Auroville, si elle peut se généraliser, est capable d'empêcher une guerre mondiale.
13. Les enfants qui sont nés à cette époque sont bienheureux.
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