23 juillet 1969
(Notons que les astronautes américains, Armstrong et Aldrin, sont descendus sur la lune le 21 juillet. Mère montre le texte suivant qui lui a été proposé comme «message» pour le 15 août prochain.)
C'est Nolini qui avait suggéré ce texte... à cause des gens qui sont descendus sur la lune! (Mère rit) Mais c'est beaucoup trop personnel – je lui ai dit non. Je te le montre simplement, mais je lui ai dit: non, je ne veux pas.
Q. I have been wondering whether the Mother has been able to establish a direct connection with Mars or any other far off planet which is probably habitable and inhabited1.
C'est quelqu'un qui a posé la question à Sri Aurobindo. Alors maintenant que les gens sont descendus sur la lune...
A. A long time ago Mother was going everywhere in the subtle body but she found it of a very secondary interest. Our attention must be fixed on the earth because our work is here. Besides, the earth is a concentration of all the other worlds and one can touch them by touching something corresponding in the earth-atmosphere1.
Sri Aurobindo (XXV. 373) 13.1.1934
Il dit ce que je faisais, mais je n'aime pas que l'on parle de moi. Ils sont tellement excités à propos de cette lune! Tu as entendu?
1. Question: «Je me suis demandé si la Mère avait pu établir un contact direct avec Mars ou d'autres planètes lointaines qui sont probablement habitables et habitées?» Réponse: «Il y a longtemps, Mère se promenait partout dans le corps subtil, puis elle a trouvé que c'était d'un intérêt très secondaire. Notre attention doit se fixer sur la terre, parce que notre travail est ici. En outre, la terre est une concentration de tous les autres mondes et on peut toucher ces autres mondes en touchant ce qui leur correspond dans l'atmosphère terrestre.» (13.1.1934.) En lisant la réponse de Sri Aurobindo, Mère avait remarqué: «Cette réponse est très intéressante, parce qu'elle touche au cœur du problème.»

 

Oui, mais qu'est-ce qu'il y a d'excitant là-dedans?
D'entendre la voix d'un monsieur qui est dans la lune... Au moment où il parle, on l'entend.
Moi, ça me semble puéril, tout cela1.
C'est enfantin.
Mais j'ai entendu aussi la radio... Ça m'a fait une drôle de sensation: je suis allée vite là-bas, comme cela (geste, comme une flèche qui part du front vers la lune); quand j'ai entendu, je suis allée vite là-bas parce qu'on m'avait dit qu'il y avait un moment dangereux quand ils devaient quitter la lune pour rejoindre l'autre qui se promenait – il paraît que c'était dangereux. On venait de me le dire... D'abord, quand j'ai entendu la voix, je n'ai rien compris de ce qu'il a dit (d'ailleurs c'était sans intérêt: qu'il avait ramassé un caillou et qu'il y avait des montagnes et des choses comme cela, tout à fait sans intérêt), mais hop! j'ai envoyé comme cela (même geste au front), et actuellement j'ai senti que j'allais là-bas (ça, ça m'a amusée), comme cela, prrt! direct, partie d'ici.
Ils sont en route pour revenir. Mais les Russes ont envoyé un robot dans une machine qui a fait le tour de la lune, qui est descendue sur la lune et qui a ramassé des cailloux, et c'était un robot! ils ont dit: jamais nous ne risquerons une vie humaine – un robot, c'est très bien2.
Mais les enfants à l'École ici étaient dans un état d'agitation extraordinaire... Alors on m'a demandé de leur dire quelque chose. J'ai dit: il vaut mieux que je ne leur dise pas parce que je dirais que ce sont les grands enfants qui s'amusent! (Mère rit) Ça les doucherait!
(silence)
Et quelles nouvelles as-tu?
Eh bien, je suis allé une fois dans ce physique subtil. Aah!
1. Plus explicitement, un mois plus tôt, dans un texte adressé à la télévision italienne, le disciple avait dit notamment: «Nous allons sur la lune, mais nous ne connaissons pas notre propre cœur ni notre destin terrestre.»
2. Leur appareil, paraît-il s'est écrasé sur la lune.

 

Tu as dû m'appeler. Et alors?
Alors tout cela est un peu chaotique, mais enfin j'ai vu Sri Aurobindo. J'ai une image de lui où il me disait (il parlait français d'ailleurs): «Viens, on a besoin de faire des exercices physiques»! Et c'est comme s'il m'emmenait pour aller me promener...
(Mère rit)
Parce qu'il y avait une foule qui était là, oh! une foule de gens. Et c'était un Sri Aurobindo... non pas qu'il était plus jeune, mais il avait l'air très jeune quand même. Et il avait...
Il est particulier, tu sais, là; il est très particulier, il a une forme très particulière. Je veux dire... Au fond, il se ressemble à lui-même, mais il n'a pas d'âge.
Oui, pas d'âge.
Il n'a pas d'âge.
Mais il avait l'air beaucoup plus agile, si tu veux, et sa peau avait une couleur rouge-doré, rouge-rose doré.
Oui.
Et une foule de gens.
Oui, j'ai remarqué que... Il n'était pas habillé?... Moi, je le voyais à peine habillé, avec une lumière, une sorte de lumière (par exemple ici: geste) qui cachait le bas du corps, on voyait de la lumière.
Je n'ai pas remarqué, mais j'ai eu l'impression qu'il était nu (ou du moins torse nu).
Nu, c'est cela, moi aussi. Je l'ai vu toujours nu, mais il ne paraît pas nu. Et il y a une couleur spéciale, c'est cela. Oh! alors tu es allé te promener...
Mais ce qui m'a déçu, c'est que tout cela était très familier.

 

Mais c'est très familier! C'est très familier, extraordinaire. Moi aussi, c'est comme cela. Beaucoup plus familier que notre vie physique... Oh! mais alors tu y es allé pour de bon, c'est vrai.
C'est-à-dire que j'ai vu, je me souviens d'avoir vu Sri Aurobindo il y a quinze ans: il est venu dans mon sommeil, et puis il avait posé sa main sur mon cœur, et ça avait été une telle émotion... je pleurais-pleurais dans mon sommeil... alors j'imaginais que quand je le reverrais, j'aurais cette même émotion...
Non!
Mais pas du tout! il m'a dit: «Viens, on a besoin de faire des exercices physiques»! Et puis c'est comme s'il m'emmenait pour me promener.
Oui.
Et ça avait l'air d'être... «comme ça».
Oui, c'est cela, ça prouve que tu y es allé vraiment. C'est vraiment comme cela. C'est vraiment «comme ça». Moi, je sens cela plus... plus familier, plus (comment dire?) simple, tu sais, que notre vie à nous. Notre vie physique ici semble (Mère se gonfle les joues)... nous faisons beaucoup d'embarras pour peu de chose... Ça, tu peux être sûr que tu y es allé vraiment!
Mais l'endroit où je l'ai rencontré ressemblait un peu à ta chambre en dessous...
C'est cela!
Et c'était plein d'un encombrement de choses, tu sais: des piles de choses à droite et à gauche...
C'est ça.
Et une foule de gens.
C'est cela, c'est correct. Des gens qui vont, qui viennent... Oui! Il y avait même un détail amusant: parmi cette pile de

 

choses qui étaient là, il y avait des livres; alors Sri Aurobindo, au passage, en a pris un pour regarder ce qu'il y avait dedans, puis il y avait B qui était là (tu sais l'Italien), qui lui a dit: «Vous ne devez pas toucher ça sans la permission de Mère1»!
(Mère rit aux éclats) Oh! ça, c'est impayable!... Mais tu n'as pas vu Mridou2?
Non.
Elle est là (riant, geste énorme) elle est là telle qu'elle était!... J'ai vu Pourani; j'ai vu Mridou; j'ai vu l'autre jour (je te l'ai dit), Amrita et Chandoulal qui s'étaient rencontrés; et tout cet endroit ressemble à en bas, mais ce n'est pas en bas. Alors c'est bien cela.
Il y a très longtemps de cela (très longtemps, plusieurs années après le départ de Sri Aurobindo), une nuit (parce que je le voyais déjà), je l'ai vu: j'étais allée dans l'endroit où il était et je l'ai trouvé assis sur une espèce de lit... avec des bandages herniaires, comme cela, trois ou quatre sur son corps! (Mère rit) Alors il m'a appelée et il m'a dit (en anglais): «Regarde! Regarde ce qu'ils font de moi! Regarde, ils me mettent des bandages partout!» Alors je me suis renseignée – et ils voulaient faire des coupures dans ce qu'il avait écrit...
Ooh!
J'ai dit: «Faites attention! Voilà ce qu'il en pense, de vos coupures3
C'est comme cela, c'est tout à fait familier mais c'est très expressif.
J'ai eu des centaines de visions là, j'en ai presque toutes les nuits, et c'est toujours à peu près pareil. Mais il y a une foule! Et toutes sortes de gens...
1. Notons que B est un nouveau disciple tout jeune qui s'occupe du nettoyage de cette chambre.
2. L'ancienne cuisinière de Sri Aurobindo, ronde comme un tonneau, qui a quitté son corps il y a sept ans (en septembre 1962).
3. Malgré tout, de nombreux textes ont été censurés dans la collection dite «complète» des oeuvres de Sri Aurobindo (collection du centenaire), notamment des lettres concernant l'Ashram. À titre d'exemple, nous publions en addendum deux de ces lettres censurées, pour faire mieux comprendre l'intention.

 

Mais on travaille? Qu'est-ce que l'on fait là? Qu'est-ce que font tous ces gens?
D'après ce que Sri Aurobindo m'a dit, il prépare ce qui va se passer sur la terre, avec ces gens.
La nuit dernière (c'est la première fois), j'étais dans un endroit (encore dans ce physique subtil), un endroit comme sur le haut d'une montagne assez aride, mais enfin où l'on se rencontrait, où les gens se rencontraient (il y avait même des espèces de sièges pour s'asseoir). Et j'étais là pour voir... je ne sais qui (je ne me souviens plus maintenant), mais c'étaient des gens «sages et connus» de l'Inde. Il semblait (dans ma vision) que j'étais là en permanence et que ces gens étaient venus pour me voir. Et il en venait de tous les côtés; toutes les sectes spirituelles de l'Inde étaient représentées, et ils venaient s'asseoir et chacun me disait... (riant) les «vertus» de sa croyance. C'était impayablement amusant! C'était... J'ai passé un bon moment, mais vraiment je me suis bien amusée! Il y en avait qui avaient de grands turbans et qui étaient habillés en blanc et qui étaient «très importants», qui avaient fait apporter des sièges spéciaux pour qu'ils soient assis, et ils étaient tout à fait... (Mère se rengorge) ils plastronnaient, ils regardaient les autres du haut de leur grandeur! Il y en avait qui étaient presque tout nus, il y en avait... de tous les genres et ils étaient tous dans un grand groupe comme cela (geste en cercle), et moi j'étais habillée avec une petite robe blanche comme cela, toute simple (de la même forme que celle-ci, mais en blanc); j'étais assise dans un coin et je m'amusais beaucoup; mais je tenais très peu de place! (Mère se fait toute petite) C'était tout à fait drôle. La nuit dernière.
Un grand cercle: un groupe, un autre groupe, un troisième groupe, un quatrième groupe, un cinquième groupe, un sixième groupe... et qui faisaient des embarras, il fallait voir ça!
Mais c'est la première fois.
Sri Aurobindo n'était pas là – il était comme il est toujours, un peu plus subtil au-dedans de moi: pas de la même densité. Mais pas visible1.
*
* *
1. Il existe un enregistrement de cette conversation.

 

ADDENDUM
(À titre d'exemple, nous publions ici deux lettres de Sri Aurobindo, qui ont été omises de la collection «complète» de ses œuvres, ou simplement tronquées.)
(traduction)
«Afin de dissiper beaucoup de malentendus qui semblent s'être élevés au sujet de son Ashram à Pondichéry, Sri Aurobindo considère qu'il est nécessaire d'émettre la déclaration explicite suivante.
«Un Ashram veut dire la maison, ou les maisons, d'un Instructeur ou Maître de philosophie spirituelle, dans lesquelles celui-ci reçoit et loge ceux qui viennent à lui pour l'enseignement et la pratique. Un Ashram n'est pas une association, ni un corps religieux, ni un monastère – c'est seulement ce que nous venons de dire, et rien de plus.
«Tout ce qui est dans PAshram appartient à l'Instructeur; les sadhakas (ceux qui pratiquent sous sa direction) n'ont aucun titre, droit ou voix en aucune matière. Ils restent ou ils s'en vont suivant sa volonté. L'argent que l'Instructeur reçoit est sa propriété et non celle d'une institution publique. Ce n'est ni un dépôt, ni une fondation, car ce n'est pas une institution publique. De tels Ashrams ont existé dans l'Inde bien des siècles avant le Christ et existent encore en grand nombre. Tout dépend de l'Instructeur et prend fin avec son existence1, à moins qu'il n'y ait un autre Instructeur qui puisse prendre sa place.
«L'Ashram à Pondichéry prit naissance de la façon suivante. Tout d'abord, Sri Aurobindo vivait à Pondichéry avec un petit nombre de commensaux dans sa maison. Ensuite, quelques autres vinrent se joindre à lui. Plus tard, après que la Mère l'eût rejoint en 1920, le nombre commença à augmenter tellement qu'il fut trouvé nécessaire de faire un arrangement pour loger les nouveaux arrivants; à cette fin, des maisons furent achetées et louées suivant les besoins. Des arrangements durent être faits aussi pour l'entretien, la réparation, la reconstruction des maisons, pour le service de la nourriture et pour une vie décente et hygiénique. Tout cela représentait un certain nombre de règles privées faites par la Mère et entièrement à sa discrétion si elle voulait en ajouter d'autres, les modifier ou les changer; ces règles n'ont aucun caractère public.
«Toutes les maisons de 1'Ashram appartiennent à Sri Aurobindo ou à la Mère. Tout l'argent dépensé appartient à Sri Aurobindo ou à
1. C'est nous qui soulignons.

 

la Mère. L'argent est donné par de nombreuses personnes pour aider le travail de Sri Aurobindo. Quelques-uns, qui sont ici, donnent leurs biens; mais ils les donnent à Sri Aurobindo ou à la Mère et non à l'Ashram en tant qu'institution publique, car une telle institution n'existe pas.
«L'Ashram n'est pas une association; il n'y a pas de corps constitué, ni de fonctionnaires, ni de propriétés communes appartenant à l'association, ni de conseil ou de comité directeur, ni d'activité entreprise ayant un caractère public.
«L'Ashram n'est pas une institution politique; tout contact avec les activités politiques est abandonné par ceux qui vivent ici. Toute propagande religieuse, politique ou sociale doit être évitée par eux.
«L'Ashram n'est pas une association religieuse. Ceux qui sont ici viennent de toutes les religions et quelques-uns n'ont pas de religion du tout. Il n'y a pas de croyance ni d'ensemble de dogmes, ni de corps religieux directeur. Il y a seulement les enseignements de Sri Aurobindo et certaines pratiques psychologiques de concentration et de méditation, etc. pour l'élargissement de la conscience, la réceptivité à la Vérité, la maîtrise des désirs, la découverte de la conscience divine et de l'être divin cachés au-dedans de chaque être humain, l'évolution supérieure de la nature1...»
Sri Aurobindo 16 février 1934
* *
(Voici un autre exemple parmi beaucoup d'autres, que nous avons choisi volontairement anodin pour faire mieux comprendre l'intention qui préside à ces coupures. Nous avons indiqué en italiques le passage censuré.)
C'est le manque d'attitude vraie qui empêche de traverser les épreuves pour changer la nature. La pression devient plus forte maintenant et pousse à ce changement de caractère plus qu'à des expériences yoguiques décisives, car si ces expériences viennent, elles ne peuvent pas être décisives parce qu'il manque le
1. Le reste de cette lettre a été publié dans la collection «complète» des œuvres de Sri Aurobindo, en la joignant à une autre lettre d'août 1934. Voir Tome XXVI, Sri Aurobindo on Himself, p. 95. Nous ne saurions trop dire, par ailleurs, à quel point les lettres de Sri Aurobindo ont été défigurées sous prétexte de les ranger en «rubriques logiques», un morceau étant rangé ici, un autre là et un autre encore ailleurs pour les classer dans les petits casiers du mental. Comme disait Mère: «Trois ou quatre bandages herniaires sur son corps.»

 

changement nécessaire dans la nature. Par exemple, le mental arrive à l'expérience de l'Un en toutes choses, mais le vital ne peut pas suivre parce qu'il est dominé par les réactions de l'ego ou les mobiles de l'ego, tandis que les habitudes de la nature extérieure gardent une manière de penser, de sentir, d'agir et de vivre qui est tout à fait en désaccord avec l'expérience. Ou bien le psychique et une partie du mental et de l'être émotif sentent fréquemment la proximité de la Mère, mais le reste de la nature ne s'est pas donné et continue son chemin en prolongeant la séparation de sa proximité et en créant des distances. [Ceci tient à ce que les disciples n'ont jamais même essayé d'avoir l'attitude yoguique en toutes choses, ils se sont contentés des idées ordinaires, des façons de voir ordinaires, des mobiles de vie ordinaires, en les agrémentant de quelques expériences intérieures et en les transposant dans le cadre de l'Ashram au lieu du cadre du monde extérieur.] Cela ne suffit pas; il est très nécessaire que cela change1.
Sri Aurobindo 9 septembre 1936
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