18 octobre 1969
Aujourd'hui, c'est Dourga Poudja... Tu sais, j'ai un lion sous mes pieds!
(le coussin sous les pieds de Mère)
Tire-le... (Riant) Il est gentil! Il se tient tranquille. Alors, qu'est-ce que tu apportes?... Rien. Aujourd'hui, il n'est pas très tard!...
Tu n'as rien?... Moi non plus, excepté des nouvelles de A.R. Il est sous sa hutte et il dit qu'il est très bien, mais il s'inquiète un peu: «Est-ce que je ne serais pas plus utile si je voyais des gens?...» Je lui ai fait répondre que lui-même avait dit qu'il avait besoin d'être seul. Il avait deux hernies, il en a guéri une (il t'a dit tout cela), et volontairement il n'a pas guéri la seconde parce qu'il s'est mis dans la tête que quand il aura la vraie conscience, ça guérira tout seul...
1. «Le socialisme, comme tous les partis politiques, appartient au passé et il doit être dépassé si nous voulons servir la Vérité.»

 

Théoriquement, c'est vrai, mais... Est-ce réalisable en une vie? Je ne sais pas. Tandis que moi, j'avais vu que s'il la faisait rentrer (c'est possible), elle guérirait. Mais il s'y refuse – il demande là presque un miracle... Alors il m'a fait demander par F s'il ne valait pas mieux qu'il recommence à voir des gens. J'ai dit: «C'est exclusivement SON affaire, il doit savoir ce qu'il veut.» – Pas «ce qu'il veut»: ce qu'il DOIT faire – recevoir l'Ordre et faire ce qu'il doit faire. Moi, je ne peux rien dire. Je lui ai donné les conditions physiques qu'il voulait. J'avais vu quand tu m'en avais parlé (j'avais vu, j'avais concentré), et j'avais vu clairement que s'il faisait rentrer sa hernie, elle guérirait. Mais il s'y refuse. Alors je ne sais plus. N'est-ce pas, théoriquement, c'est tout à fait vrai ce qu'il dit, mais, MAIS...
Il a opéré plusieurs miracles, lui-même, sur d'autres.
Oui, il l'a fait, il peut le faire. C'est possible, je te dis: théoriquement, c'est tout à fait possible – nous allons voir.
Mais quel genre de réalisation lui manque?
Je ne sais pas, il m'a fait dire qu'il voulait pouvoir dire: «Je suis1.» Et le «je», je crois que c'est la Conscience (je ne sais pas s'il a la notion du Divin ou d'une «suprême Harmonie» ou de quoi, je ne sais pas – peut-être ne le sait-il pas lui-même). C'est cela qu'il veut: pouvoir dire «Je suis»... Pour moi, le procédé est... Je dis, il n'y a rien d'impossible, mais j'aime beaucoup mieux le procédé: «Tu es.» Tu comprends, que le «je» disparaisse.
Mais c'est un homme qui n'a pas de je.
Il en a un. Il est extrêmement généreux et désintéressé, mais il en a un.
Pourtant, je n'ai jamais eu l'impression qu'il disait: «Je guéris.»
(après un silence)
J'ai fortement l'impression qu'il veut tirer là... Il dit «le Divin est en tout», et alors il veut dire: «Je suis le Divin.» J'ai trouvé qu'au point de vue (comment dire?), au point de vue yoguique, au point de
1. Voir texte en addendum.

 

vue discipline, il est très préférable de dire: «Tu es», que de dire je suis. Tu comprends la différence?
Je comprends bien.
Et c'est parce qu'il a encore très fort le sentiment d'un corps individuel.
Mais depuis que ce corps-ci ne sent plus son individualité, c'est tout à fait spontanément et naturellement que c'est «Tu es» – toutes les cellules, chaque cellule: Tu es.
Il n'y a pas de moi pour les cellules.
Seulement, il est très concevable que chacun ait son chemin, par conséquent je ne lui ai pas dit: «Il ne faut pas cela.» Je m'en suis bien gardée.
Oui, parce qu'il a été très influencé, après sa réalisation, par les enseignements des Swamis, pour qui c'est toujours: «Tu es Cela1
Ils ont tort.
C'est-à-dire que, pour tout l'ancien yoga indien, le corps est une chose intransformable, et par conséquent c'est une nécessité momentanée qui disparaîtra; tandis que pour Sri Aurobindo, le corps est transformable, et de la minute où il est transformable, au lieu de se penser lui-même individuellement, il se pense le Seigneur. Et ça, tu sais, je garantis que c'est spontané, c'est naturel, c'est... et c'est béatifique. Et l'idée de personne séparée est une calamité douloureuse.
J'étais avec A.R. quand il était à méditer ici... son corps est encore un corps.
Mais il a la réalisation de «Ça».
Oui-oui, d'une certaine manière.
Et c'est pour cela (parce qu'il est très conscient de la Présence Divine), c'est pour cela que j'ai dit: «Ne me demandez pas ce que vous devez faire: c'est dans votre corps que vous devez savoir.» Moi, je ne peux pas parce que... parce que le Divin se réalise de façon différente dans chacun – autrement il n'y aurait qu'une personne!
1. Tat tvam asi.

 

Je ne veux pas du-tout-du-tout lui donner des conseils, je m'y refuse absolument.
Ce que je trouve remarquable dans son cas, c'est la façon dont il a incarné sa réalisation, parce que, vraiment, ce n'est pas quelque chose qu'il a les jambes croisées en méditation: il est solidement plein de cette Conscience. On le sent, n'est-ce pas. C'est cela que je trouve assez extraordinaire.
(après un silence)
Mais ça, l'immobilité vient ici, dans l'Inde, du mépris pour le corps: il faut qu'on l'annule autant que possible. Que l'on annule son existence. Et c'est justement contre cela que Sri Aurobindo s'est élevé en disant: «Non! il faut que le corps PARTICIPE à l'expérience.» Alors, naturellement, A.R. est convaincu que le corps doit participer à l'expérience, et c'est pour cela qu'il a la bonne attitude. Mais il veut, pour être convaincu, réaliser MAINTENANT la conscience qui sera la conscience de ce que Sri Aurobindo appelle le Supramental. C'est-à-dire ÊTRE le Divin, sans distinction entre le corps et le reste – être le Divin...
Si le moment est venu de cela, c'est très bien; et c'est pour cela que je ne veux pas intervenir. Mais pour cela, je ne sais pas, je ne sais pas si le moment est venu... Il y a des moments où le corps est tout à fait convaincu – des moments où il paraît impossible que ce moment ne soit pas venu –, mais il y a d'autres moments où ça se voile tout à fait. Et ça vient de ce que, malgré tout, encore maintenant, la conscience du mélange devient très claire. C'est-à-dire que la réalisation est partielle; elle est partielle, elle est fragmentaire. Et pour une raison très simple (c'est sans argument): c'est que d'une façon ou d'une autre, l'apparence devra changer. Ce corps a des capacités – c'est visible –, il a des capacités que beaucoup d'autres corps n'ont pas, mais c'est encore incertain, pas établi et pas total. Alors, dans cette période de transition, il y en aura sûrement un qui passera de l'autre côté, c'est-à-dire qui arrivera à la réalisation – il faut bien, n'est-ce pas, à un moment donné, qu'il y ait une réalisation. Eh bien, il faut que ce soit... En tout cas, chez lui, A.R., l'attitude est bonne, par conséquent il n'y a rien à dire. Mais comme, mentalement, il n'est pas développé, c'est là qu'il reste un mélange d'influences1 – c'est là. Ce n'est pas le mental:
1. C'est ce que le disciple avait vivement senti, ce décalage entre l'expérience vivante de A.R. et sa mentalisation de l'expérience, comme s'il voulait enfermer la mer dans un thermomètre gradué.

 

c'est dans le mental. Et je ne veux pas remplacer ce mélange par une... (Mère fait un geste d'autorité qui s'impose)... Tout ce que je peux faire, c'est de donner l'atmosphère qu'il faut, et puis voilà.
J'ai reçu une lettre de N.S.1 me disant qu'elle était presque désespérée d'avoir manqué le rendez-vous que je lui avais donné avec A.R. Et je ne suis pas sûre... (que ce ne soit pas tant mieux). Elle dit qu'au lieu d'être à l'heure qu'on lui avait indiqué, elle est arrivée une heure plus tard parce qu'elle avait été quelque part, je ne sais pas où, et elle avait été complètement mouillée, et elle devait changer de vêtements, et elle avait fait prévenir qu'il veuille bien attendre. Mais quand elle est arrivée, il était parti. Alors elle ne sait pas si L n'a pas reçu le message, ou bien s'il ne l'a pas transmis. Et elle m'écrit qu'à la première occasion, elle voudrait venir le voir... Je lui ai fait répondre que, pour le moment, il s'était retiré, mais que dès qu'il rentrera en activité, je la préviendrai. Mais je ne l'ai pas dit à A.R. parce que...
Je souhaite pour N.S. qu'elle le rencontre, mais je ne souhaite pas du tout qu'il se mette à lui faire part de ses grands plans de conversion de l'Inde2!
Ça, sûrement! Ça, je peux assurer que le moment n'est pas venu!
J'espère qu'il ne va pas pousser N.S. dans des choses... inutiles.
C'est pour cela qu'il ne l'a pas rencontrée!... N'est-ce pas, tout ce qui arrive, arrive EXPRÈS. Nous avons beaucoup de difficulté à le comprendre, mais... on commence à le comprendre ici (Mère désigne son corps), et quand on m'a dit qu'ils ne s'étaient pas rencontrés, j'ai pensé: «C'est très sage, ce n'est pas le moment.»
Oui, je crois.
C'est pour cela que j'ai dit à N.S. que je la préviendrai. Alors nous verrons.
Mais avec cet homme, j'ai l'impression d'être devant un secret que, moi, j'aurais besoin de réaliser et de comprendre.
Oui-oui.
1. Amie d'Indira et ministre du gouvernement de l'Inde.
2. C'est un exemple typique du «mélange d'influences» dont parlait Mère.

 

Il me donne cette impression-là: qu'il tient quelque chose dont, moi, j'aurais besoin.
Oui. Et ce qui lui a permis de le «tenir», c'est que le mental n'est pas développé. La balance du mental dans la combinaison de l'être est suffisamment... pauvre pour ne pas intervenir.
C'est comme cela. Pour une réalisation PARFAITE, il faut que l'être tout entier soit illuminé; mais pour une réalisation du début, c'est probablement plus facile pour un corps qui n'a pas un mental très développé. Ça, j'ai beaucoup regardé depuis qu'il est ici, et je suis tout à fait convaincue de cela, c'est pour cela que... Pour nous, n'est-ce pas, qui avons été jusqu'au maximum de la possibilité mentale, c'est par le maximum que nous avons dépassé – c'est quand le mental avait réalisé son maximum qu'il a abdiqué –, et ça, c'est très bien pour la réalisation intégrale, mais généralement le corps est trop habitué à obéir au mental, n'est pas assez souple pour se transformer. Et c'est la raison pour laquelle on a envoyé mon mental se promener... Mais ça, c'est un procédé que l'on ne peut pas... on ne peut pas encourager les autres à le faire. Parce que, sur dix personnes, neuf mourraient.
Le mental?
Si le mental s'en va.
Tu crois que je mourrais?
Mental et vital.
Ah! oui, le vital, je comprends, mais si tu m'enlevais mon mental...
Non, mon petit! je me refuse à le faire! (Mère rit) Il faut... il faut qu'il abdique.
Il n'a pas abdiqué, mon mental?
Oui. Abdiquer et se taire.
J'ai l'impression qu'il y a un chaînon manquant entre «quelque chose» que je sens très bien là-haut, qui est concret, et puis cette réalité que je vis.

 

Ça, c'est très matériel.
Mais j'ai l'impression de quelque chose qui manque, d'un chaînon, quelque chose...
Pas un «chaînon»...
Ce serait plutôt une passivité qui manque. Tout est trop actif.
Et pour que la Force puisse passer rapidement pour atteindre le corps, il faut une grande passivité. Je vois cela: chaque fois qu'il y a une pression pour agir sur une partie du corps ou une autre, ça commence toujours par une absolue passivité qui est... la «perfection de l'inertie», tu comprends? Ce que l'inertie représente comme imparfait, c'est la perfection de cela... Quelque chose qui n'a aucune activité propre – c'est justement très difficile pour ceux qui ont un grand développement mental, c'est très difficile. Parce que tout le corps a travaillé toute sa vie à être justement dans cet état de réceptivité au mental, qui faisait son obéissance, sa docilité, etc., et c'est cela qu'il faut abolir.
Comment expliquer?... Le développement par le mental est un éveil constant et général de tout l'être – même le plus matériel –, un éveil qui fait qu'il y a aussi quelque chose qui est l'opposé du sommeil. Et pour la réception de la Force suprême, il faut, au contraire, l'équivalent de l'immobilité – l'immobilité d'un sommeil mais absolument conscient, absolument conscient. Le corps sent la différence. Il sent la différence au point que... par exemple, je m'étends le soir et je suis comme cela, et pendant des heures je reste comme cela, et si au bout d'un moment, je tombe dans le sommeil ordinaire, mon corps se réveille avec une angoisse épouvantable! Et alors, il recommence à se mettre dans cet État. Ça, cette angoisse-là, je la sens de temps en temps – ça s'en va immédiatement dès qu'il se remet dans la vraie attitude, qui est un état d'immobilité mais absolument conscient. «Immobilité», je ne sais pas comment dire cela... Mais c'est presque l'opposé de l'inertie dans l'immobilité.
Et c'est cela qui, maintenant, me fait comprendre pourquoi la création a commencé par l'inertie. Et alors, il fallait retrouver cet État-là (Mère dessine une courbe immense), après avoir passé par tous les états de conscience. Et c'est cela qui nous a donnés... (riant) pour nous, c'est un joli gâchis! Mais quand on le fait exprès, ce n'est plus un gâchis.
La difficulté pour moi, que je rencontre très souvent, c'est un besoin, aussi, d'activité dans l'aspiration.

 

Oui, oui.
J'ai l'impression que je ne dois pas cesser d'être activement aspirant Souvent, je pourrais très bien tout laisser comme cela, sans bouger, mais...
Oui, mais alors l'aspiration vient.
J'éprouve le besoin de l'activité de l'aspiration.
Oui, c'est pour contrecarrer l'inertie. C'est parce que nous avons encore un héritage d'inertie.
Mais alors, dans ce cas, qu'est-ce qu'il faut faire? Il faut tout laisser s'étaler ou bien... persister dans cette aspiration active, qui est vraiment intense?
C'est difficile à dire parce que je suis convaincue que chacun a son chemin, mais pour ce corps-là, le chemin est d'avoir cette aspiration active.
D'avoir l'aspiration active? Oui, mais alors ce n'est plus cette immobilité.
Il y est arrivé, il a compris le moyen, comment faire. Les deux ensemble, l'union des deux?
Oui, ils sont ensemble. C'est cela qu'il est arrivé à avoir: une immobilité complète et une intense aspiration. Et c'est quand l'immobilité reste sans l'aspiration, qu'il tombe dans une angoisse épouvantable qui le réveille immédiatement. C'est cela, n'est-ce pas: une intense aspiration. Et il est absolument immobile, immobile dedans, c'est comme si toutes les cellules devenaient immobiles... Ce doit être cela; ce que nous appelons l'intense aspiration, ce doit être la vibration supramentale. Ce doit être la Vibration divine, la vraie vibration divine. Ça, je me le suis dit souvent.
Mais si, même pendant cinq minutes, le corps tombe dans l'état d'inertie – d'immobilité sans aspiration –, il est éveillé par une angoisse comme s'il allait mourir! Tu comprends, c'est à ce point-là. Et pour lui, l'immobilité, c'est... Oui, il a l'impression que la vibration la plus haute, la vibration de la vraie Conscience, est

 

TELLEMENT INTENSE qu'elle est... elle est l'équivalent de l'inertie de l'immobilité – d'une intensité qui n'est pas perceptible (pour nous). Cette intensité est tellement grande que, pour nous, c'est l'équivalent de l'inertie. C'est cela qui est en train de s'établir.
C'est cela qui lui a fait comprendre (parce que maintenant le corps comprend), qui lui a fait comprendre le processus de la création... On pourrait presque dire que ça a commencé par un état de perfection, mais inconsciente, et qu'elle doit passer de cet état de perfection inconsciente à un état de perfection consciente, et entre les deux c'est l'imperfection.
Les mots sont idiots, mais tu comprends.
(silence)
Tu sais, l'impression, c'est d'être juste sur le seuil de la compréhension. Et ce n'est pas une compréhension mentale du tout, du tout (celle-là, on l'a eue, mais ce n'est rien; c'est rien, c'est zéro). C'est une compréhension VÉCUE. Et ça, le mental ne peut pas l'avoir – peut pas. Et on a l'impression que seul le corps – réceptif, ouvert, en tout cas partiellement transformé –, est capable d'avoir la compréhension; la compréhension de la création, de ce que nous appelons la création: pourquoi et comment, les deux choses. Et ce n'est pas du tout une chose pensée, ce n'est pas une chose sentie: c'est une chose vécue, et c'est la seule manière de savoir... C'est vécu. C'est une conscience.
Tu sais, quand cette compréhension vient – ça vient et puis ça fait comme cela (geste comme un gonflement lumineux), ça vient comme cela, et puis ça s'estompe, et puis ça revient et puis ça s'estompe; mais au moment où ça vient, c'est tellement évident, c'est tellement simple qu'on se demande comment on a pu ne pas le savoir!
Il faut encore du temps... Combien de temps? Je ne sais pas. Mais la notion de temps aussi est très arbitraire.
Nous voulons toujours traduire toutes nos expériences dans le vieil état de conscience, et c'est ça la misère! Nous pensons que c'est nécessaire, que c'est indispensable – et c'est abrutissant. Ça retarde terriblement.
(silence)
Et tout-tout-tout ce que les hommes ont dit, tout ce qu'ils ont écrit, tout ce qu'ils ont enseigné, c'est seulement une manière de dire. C'est seulement essayer de se faire comprendre, mais c'est

 

impossible. Et quand on pense (riant) combien on s'est battu pour des choses si relatives!...
(long silence)
En regardant la suite des journées et ce qui arrive, l'expérience du corps est comme cela... D'une certaine manière, à certains moments, il est dans la conscience d'Immortalité, et puis, par influence (et encore par vieille habitude de temps en temps), il retombe dans la conscience de mortalité, et ça c'est vraiment... Pour lui maintenant, dès qu'il retombe dans la conscience de mortalité, c'est une angoisse épouvantable; et c'est seulement quand il sort de là, quand il rentre dans la vraie conscience, que ça passe. Et je comprends pourquoi il y avait des gens, des yogis, qui parlaient de l'irréalité du monde, parce que, pour la conscience d'Immortalité, la conscience de mortalité est une absurdité irréelle. Et c'est comme cela (Mère passe les doigts d'une main entre les doigts de l'autre main, indiquant un va-et-vient entre les deux consciences). Alors, tantôt c'est comme cela, tantôt c'est comme cela. Et l'autre état, l'état d'Immortalité, est immuablement paisible, tranquille, avec... comme des ondes d'une rapidité foudroyante, tellement rapides qu'elles semblent immobiles. Et c'est comme cela: rien ne bouge (en apparence) dans un Mouvement formidable. Et alors, dès que l'autre état vient, ce sont toutes les notions ordinaires qui reviennent, c'est-à-dire... vraiment, maintenant, dans l'état où il est, ça lui donne l'angoisse et la souffrance d'un mensonge. Mais c'est encore comme cela (même geste de va-et-vient)...
Pour en sortir, la seule, la seule façon qui soit efficace, c'est justement l'abandon, le surrender. Ce n'est pas exprimé par des mots ni par des idées ni rien, mais c'est un état, un état de vibration, où il n'y a que la Vibration Divine qui ait de la valeur. Alors – alors les choses se remettent en ordre.
Mais tout cela, dès qu'on en parle...
Mais note que c'est constant: ça arrive la nuit, ça arrive le matin (les matins généralement sont très difficiles), et puis il y a d'autres fois où... (geste immense, uni, avec un sourire) il n'y a plus de problèmes – tous les problèmes sont finis –, plus de problèmes, plus de difficultés, plus rien.
(silence)
Il y a un arrière-fond (c'est ça surtout), un arrière-fond de Négation inconsciente qui est derrière tout-tout-tout, encore; il y en a encore partout: on mange, on respire – on reçoit cette Négation...

 

Pour que tout soit transformé, c'est encore un travail colossal. Mais quand on est ce que l'on pourrait appeler de «l'autre côté» (ce ne sont pas des «côtés»), mais dans l'autre état, ça paraît si naturel, si simple que l'on se demande pourquoi ce n'est pas comme cela, pourquoi ça paraît si difficile? Et puis, dès qu'on est de l'autre côté, c'est (Mère prend sa tête entre ses mains)... Le mélange est encore là, c'est incontestable.
Vraiment, l'état ordinaire, le vieil état, c'est consciemment (c'est-à-dire que c'est une perception consciente), c'est la mort et la souffrance. Et puis dans l'autre état, la mort et la souffrance paraissent des choses absolument... irréelles – voilà.
Il semble que ce corps soit très-très conscient de... (comment dire?) une sorte de stupidité. Oui, une sorte de bonne volonté endurante et stupide. Il est très conscient de cela. Et il est amené à comprendre que cet état était indispensable pour que le travail puisse se faire, que quelqu'un qui serait... (naturellement, la moindre mauvaise volonté est hors de question), mais s'il n'y avait pas cette espèce de (ce n'est pas de l'inconscience), cette sorte de simplicité ignorante (c'est quelque chose comme cela), sans cela, l'endurance deviendrait très difficile.
Il ne pose pas de questions, mais de temps en temps, il est conscient de son état de médiocrité, et alors tout naturellement, il se demande comment il se fait qu'il ait été choisi pour faire ce travail? Et il paraît clairement que c'est une sorte de bonne volonté qui provient du sens de sa nullité... Le moindre sens de capacité, de valeur, ça enlève toute l'endurance. Alors, il n'a pas cela du tout, et ça lui permet de continuer.
Je t'ai raconté l'histoire de cet enfant qui est venu?... Cet enfant est venu, il avait ça (Mère désigne un petit oiseau jaune sur sa table), il croyait que c'était un cygne (n'est-ce pas, c'est une oie), il croyait que c'était un cygne; alors il me l'a donné très gentiment et il m'a dit: «C'est Toi.» J'ai vu dans sa pensée qu'il était convaincu que c'était un cygne, c'est-à-dire l'âme. Et alors, moi, j'ai vu avec mes yeux que c'était une oie (Mère rit), et j'ai dit: «Oui, c'est vrai!» (rires) Et ça, c'était exactement... Oh! je le garde, c'est exactement ça – une oie (Mère rit).
Voilà.
Tiens (Mère donne une fleur de transformation): la bonne. Toi aussi...
(le disciple pose son front sur les genoux de Mère)

 

Pas d'impatience.
Une patience confiante.
Au fond, tout est pour chacun aussi bien que cela peut être. Tout le temps, ce sont les vieux mouvements qui s'impatientent... C'est-à-dire que quand on voit le tout, certainement l'impatience a été créée pour contrecarrer l'inertie – mais c'est^fini, ce temps-là est passé1.
*
* *
ADDENDUM
(Questions posées à Mère par le guérisseur.)
(A.R.) J'avais deux hernies. J'en ai guéri une, et j'ai gardé l'autre volontairement, car ce que je cherche, c'est l'ouverture de Conscience maximum qu'un être humain puisse obtenir. Si ma Conscience s'élargit suffisamment, ma hernie, et la maladie de mon ami [paralytique] guériront automatiquement. Le jour où. je m'éveillerai sans trace de maladie, j'aurai la preuve, sur mon corps, que ma Conscience s'est ouverte toute grande. Ce que je veux, c'est pouvoir dire en réalité: Je Suis.
Théoriquement, c'est vrai, mais ça, évidemment, c'est son aff-faire; qu'il fasse son expérience. On n'a aucun droit d'intervenir d'aucune façon.
(A.R.) Je me suis demandé si je ne pourrais pas être plus utile à Mère, à Son travail, plutôt que d'être là à méditer toute la journée?
Non, je ne vois pas les choses comme cela.
Il faut être d'une souplesse totale à la Conscience Divine en vous. Dans la mesure où on la laisse s'exprimer toute seule, c'est Elle qui vous fait faire les choses.
(A.R.) L'Inde a besoin d'eau. Ce qu'il faut, c'est obtenir des chutes d'eau harmonieuses, selon la loi d'harmonie, qui apportent une quantité d'eau suffisante pour la végétation, mais sans que cela fasse des dégâts. J'estime que c'est réalisable. Si ce n'est pas réalisable, rien n'est réalisable. Mais, doit-on le faire? Doit-on, par exemple, détourner un orage?... Il suffit de demander. Alors,
1. Il existe un enregistrement de cette conversation.

 

faut-il demander à la Force Divine d'agir dans un sens plutôt que dans l'autre1?
De toutes façons, la Force Divine ne fera que ce qu'Elle voudra, et c'est la Force Divine Elle-même, en lui, qui aspire à détourner l'orage.
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