18 mars 1970
(À propos des derniers Aphorismes et de la traduction anglaise des commentaires de Mère.)
394 – Nous devrions nous servir de la santé divine qui est en nous pour guérir et empêcher les maladies; mais Galien, Hippocrate et toute la sainte tribu, nous ont fourni à la place un arsenal de drogues et des tours de passe-passe barbares en latin pour évangile physique.
400 – Il fut un temps où l'homme était naturellement en bonne santé, et il pourrait revenir à cette condition première si on le lui permettait; mais la science médicale poursuit notre corps d'une innombrable troupe de drogues et assaille notre imagination d'une horde vorace de microbes.
401 – Je préférerais mourir et en avoir fini de tout cela plutôt que de passer ma vie à me défendre contre le siège fantôme des microbes. Si c'est là être barbare et non éclairé, j'embrasse joyeusement mes ténèbres cimmé-riennes.
402 – Les chirurgiens sauvent et guérissent en coupant et mutilant. Pourquoi ne pas chercher plutôt à découvrir les remèdes directs et tout-puissants de la Nature?
403 – Il faudra longtemps pour que l'auto-guérison remplace la médecine, à cause de la peur, du manque de confiance en soi et de notre croyance physique non naturelle en les médicaments que la science médicale a enseignés à notre mental et à notre corps et dont elle a fait notre seconde nature.
En fait, très souvent, la réponse me vient en anglais parce qu'elle me vient de Sri Aurobindo. Quand je lis, j'écoute, et puis il dit. Et alors, c'est moi qui traduis en écrivant! je traduis en français. Mais je pourrais l'écrire en anglais en même temps.
Hier encore... Tu as lu celui d'hier?... Mais hier, il était acharné contre les docteurs! Et j'ai dit: «Pour que, spontanément, on n'ait pas besoin de cela [de remèdes], il faut que la nature change.» C'est une trop vieille habitude.
Qu'est-ce que j'ai dit?

 

(le disciple lit)
«Ce n'est par aucune mesure extérieure que nous pouvons réagir contre le mal fait par la foi mentale en la nécessité des drogues. C'est seulement en sortant de la prison mentale et en surgissant consciemment dans la lumière de l'esprit que nous pourrons, par une union consciente avec le Divin, Lui permettre de nous redonner l'équilibre et la santé que nous avons perdus.
«La transformation supramentale est le seul remède véritable.»
(silence)
L'expérience, je l'ai depuis des mois maintenant (surtout depuis cette année), que le «déplacement» de la conscience – au lieu que la conscience soit dans l'état ordinaire, si on la déplace (je parle de la conscience du corps), si elle est directement branchée sur le Divin, en quelques... quelquefois ce sont des secondes, quelquefois ce sont des minutes, mais en quelque minutes, le mal disparaît absolument. Et si l'on fait seulement cela (Mère bascule légèrement un doigt à gauche), que l'on retourne un petit peu en arrière, ça revient immédiatement. Et si l'on garde sa conscience au bon endroit, c'est parfait.
Ça, c'est une expérience que j'ai faite plus d'une centaine de fois, même avec des choses comme le mal aux dents (c'est un mal qui est difficile à guérir), des douleurs même aiguës à un endroit ou à un autre. Ça, l'expérience est faite par le corps. Le corps le sait.
(long silence)
C'est très intéressant parce que c'est une expérience qu'il a faite dans tous les détails et à tous les stades... La première chose qu'il avait trouvée, c'était de ne pas penser au mal, de ne pas être occupé par lui. Ça, c'est le premier stade. Après, il a trouvé que quand il était occupé à autre chose, ça diminuait beaucoup. Après, il a eu l'expérience que si quelqu'un s'approche de lui (qui sait que vous avez mal), ça revient! Tout cela est très-très intéressant: des tas de petites constatations de chaque minute. Et finalement, il a eu cette preuve répétée et absolument convaincante que dès qu'il se concentre sur le Divin, qu'il entre en relation (parce qu'il sent, il a la sensation dans les cellules), dès qu'il se concentre (sans s'occuper de ce point malade: il vaut mieux ne pas s'en occuper), ça disparaît

 

totalement, au point que... Il y a des fois comme cela (ce sont des choses qui font mal, alors le premier effet est de ne plus sentir le mal), il y avait des fois, au commencement, où il demandait l'Intervention (le corps) et ça avait de l'effet, mais il y avait le sentiment d'une lutte, d'une résistance (quelque chose comme cela): ça prenait un peu de temps; mais quand il arrivait à se concentrer sans demande, n'est-ce pas (simplement le don de soi), sur le Divin, alors lui, n'y pense plus, le corps lui-même ne pense plus à la douleur, mais au bout d'un certain temps, il s'aperçoit que c'est complètement disparu! – il n'y pensait plus, il n'y a plus rien.
Cette expérience-là a été répétée des centaines de fois, pour toutes sortes de choses différentes.
(silence)
Il doit y avoir une condition où la possibilité d'accident disparaît. Mais ça... ça, je ne sais pas.
Ce seraient les conditions naturelles de la vie supramentale.
Et alors, nécessairement, puisque ça se passe dans le corps, la constitution même du corps doit changer – devra changer. Comment? Ça, je ne sais pas encore.
C'est dans la direction d'une obéissance parfaite de la Matière à la Conscience (la Conscience supérieure); pour l'expérience présente, c'est la conscience divine, mais très probablement c'est ce que Sri Aurobindo appelait la conscience supramentale. Parce qu'il doit y avoir... (geste en degrés) une ascension indéfinie.
C'est une conscience où le sens de l'ego disparaît tout à fait, ça n'existe pas. Il n'y a pas «la personne» en face des autres, n'est-ce pas, qui reçoit des influences et qui en envoie – ce n'est plus du tout comme cela. C'est un jeu de force général (Mère fait un vaste geste mouvant) où chacun joue spontanément son rôle.
Ça, le corps a eu cette expérience plusieurs fois. Il reste très longtemps dans ça. Maintenant, c'est presque... cette relation à l'égard des choses et des êtres (la vieille relation), c'est sur le point de devenir un souvenir. Ce n'est plus... ce n'est plus naturel.
(long silence)
Je ne sais pas comment expliquer... Il y a quelque chose de radicalement changé non seulement dans la conscience du corps, mais dans son fonctionnement. Pour le moment, c'est encore difficile à expliquer... N'est-ce pas, l'image d'être au centre et que les choses vont vers vous et que tout est en relation avec ça (le centre égocen-

 

trique), c'est une vieille chose qui est partie depuis longtemps. Mais il y avait encore...
(silence)
Ce n'est pas tout à fait cela, mais c'est un peu ça: comme si toutes les cellules étaient comme branchées – branchées sur quelque chose qui leur est supérieur, même dans l'espace, mais qui leur donne l'impression d'être leur centre. Mais c'est un centre... qui n'est pas comme cela (Mère fait un geste sur soi), et ce n'est pas... (comment dire?) localisé; c'est... ni là (corps), ni au-dessus, ni... Ce n'est pas localisé. Et pourtant, l'impression des cellules est que la Force – la force motrice ou la force-volonté – qui émane de «ça», se répand (geste descendant, en éventail) pour entrer dans le corps. Et... (ça, c'est intéressant), le corps a l'impression d'être plus directement en relation avec «ça», et que, à travers lui, ça agit sur les autres, sur l'entourage – mais ce n'est pas «les autres», c'est... Il a eu même parfois l'impression que certaines de ces choses comme cela (les «autres», ce qui est autour) sont plus proches de lui que d'autres... C'est très difficile à dire... Mais c'est spontané. N'est-ce pas, la difficulté est que, pour l'exprimer, il faut que je commence à le penser alors que c'est spontané: c'est une sensation, ce n'est pas une pensée.
Par exemple, la nuit quand je suis seule, il y a des moments, l'impression d'un désordre ou d'une angoisse quelque part (dans l'«entourage»), et alors, le remède du corps (le corps sent bien que ça vient du dehors vers lui – mais «dehors», ce n'est pas le mot: d'une distance... je ne sais pas comment dire), et son seul mouvement de remède, c'est de se précipiter dans ce centre lumineux – ce n'est pas «attirer» vers lui quelque chose, c'est... se précipiter dans ça.
(Mère entre dans une longue contemplation, puis sourit)
Il y avait là, à côté de toi, mais très... (comment dire?) très visible et très net, ce que tu as été dans une vie précédente. Une tête, j'aurais pu la dessiner... Un crâne rasé, grand, et une tête très large, avec un menton un peu long, et un nez mince. Et pourtant, c'est tout à fait toi, c'est curieux.
Mais une couleur... la couleur indienne très claire (la couleur indienne, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de rose du tout), de grands yeux comme ça, à peu près 25-30 ans. Une tête un petit peu plus grande que la tienne (un petit peu, pas beaucoup). Mais très proche de toi, je veux dire très uni... Un grand front – grand, un front très grand. Et la tête comme... ça fait une tête comme cela, en poire.

 

Il était en méditation, et puis à un moment donné, il m'a regardée: le regard était tout à fait lumineux... Comme s'il était si proche, si proche – n'est-ce pas, je n'ai pas été loin profondément: c'était là. C'est curieux.
Tu n'as rien senti?
Mais j'ai eu l'impression que ce n'est pas un fait nouveau: comme s'il était là d'une façon très constante.
C'est amusant. C'était presque comme si j'avais vu avec ces yeux! (physiques)
La tête un petit peu plus grande que la tienne – pas beaucoup, un petit peu.
Et ça te ressemble! (Mère rit) Ça (front) : grand. Il avait l'air installé là. Pas venu en visite: installé.
Quel genre d'aide apporte-t-il?
C'est un être qui a fait un yoga très intensif. C'est une relation avec les consciences supérieures. Mais très... il a dû être très-très ascétique... Ce n'était pas ça (la matière) qui le préoccupait: il était tout dans la relation avec la Conscience – très-très concentré.
Ma difficulté à reconnaître les forces ou les influences, c'est que ça se traduit toujours par une intensité de force en moi, alors je ne sais pas démêler; c'est toujours «de la force», tu comprends, de l'intensité.
Oui, ça, la sienne doit être très intense!
Et il était souriant. Souriant comme s'il était dans une expérience très heureuse. Mais tout au-dedans. Probablement pas très intéressé par le dehors.
Ça a dû être un sannyasin. Il avait d'ailleurs... c'était tout nu, il y avait un petit bout d'étoffe que l'on voyait, mais c'était une étoffe orange... C'était la couleur des Indiens très clairs.
Et à un moment, il a regardé: les yeux étaient très beaux, le regard était très beau.
Une très intense aspiration1.

 

Hosted by uCoz