6 juin 1970
(Le disciple lit à Mère une lettre qu'il a reçue de F, une disciple de l'entourage de Mère, qui a beaucoup cherché à s'immiscer dans ces entrevues, notamment sous le prétexte de traduire «Savitri». Les manœuvres autour commençaient à se faire sentir.)
Cela changerait tout te caractère de nos rencontres... Tu ne crois pas?
Moi, je n'y tenais pas. (Mère semble soulagée) Je crois que c'est mieux qu'elle ne vienne pas.
Est-ce qu'il ne serait pas bon que tu fasses le reste du «Programme d'Auroville» avec les gens d'Auroville, puisque tu avais commencé à le faire?...
Je les ai fait parler pour voir ce qu'ils me diraient... Ils sont presque tous terriblement paresseux, et alors je voudrais leur dire que le travail manuel...
(Mère écrit)
4) Le travail, même manuel, est une chose indispensable à la découverte intérieure. Si l'on ne travaille pas, si l'on ne met pas sa conscience dans la matière, celle-ci ne se développera jamais. Laisser la conscience organiser un peu de matière à travers son corps est très bon. Mettre de l'ordre autour de soi, aide à mettre de l'ordre en soi.
Une autre chose aussi:
On doit organiser sa vie non pas selon des règles extérieures et artificielles, mais selon une conscience organisée intérieure, parce que si on laisse la vie sans lui imposer le contrôle de la conscience supérieure, elle devient flottante et inexpressive.

 

C'est gaspiller son temps, dans ce sens que la matière reste sans utilisation consciente.
* *
Tu as vu l'Aphorisme?
(le disciple lit)
535 – Le rejet du mensonge par le mental en quête de la vérité absolue est l'une des causes principales de son incapacité à atteindre à la vérité stable, ronde et parfaite; l'effort du mental divin n'est pas d'échapper au mensonge, mais de saisir la vérité qui s'est masquée derrière l'erreur, même la plus grotesque et la plus divagante.
(Mère commente:) Sri Aurobindo appelle «mental divin» le prototype de la fonction mentale qui est totalement et parfaitement soumis au Divin et qui ne fonctionne que sous l'inspiration divine.
Si un être humain n'existe plus que par et pour le Divin, son mental devient nécessairement un mental divin.
*
* *
(Puis Mère passe à la lecture de «Savitri»: la fin du Dialogue avec la Mort.)
C'est un discours de ce monsieur?
Oui [riant], oui, c'est la fin.
La fin de son discours?
Il faudrait que l'un de nous deux écrive... Si c'est plus commode que j'écrive, j'écrirai.
C'est toujours mieux d'avoir ton écriture! Mais si cela te fatigue, c'est très facile de noter.
Oh! «fatigue», pas! C'est simplement que ce n'est plus bien. Ce n'est plus ce que ça devrait être – fatigue, ça ne me fatigue pas. Alors nous mettons:

 

Si tu es Esprit et que la Nature soit ta robe, Rejette ton vêtement et sois ton être nu. Immuable en sa vérité immortelle, Seule à jamais dans le Seul muet.
Tourne-toi donc vers Dieu; pour lui laisse tout derrière;
Oubliant l'Amour, oubliant Satyavan,
Annule-toi dans sa paix immobile.
ô âme, noie-toi dans sa béatitude immuable.
Car tu dois mourir à toi-même...
Ça, c'est sûr! Tu dois mourir à toi-même pour atteindre... «À la suprématie divine»?...
«Pour atteindre les hauteurs divines»?
Non, il faut mettre «Dieu» dans la bouche de la Mort.
Car tu dois mourir à toi-même pour atteindre le sommet de Dieu: Moi, la Mort, je suis...
... le bonheur?
Moi, la Mort, je suis la porte de l'immortalité.
Savitri, X.IV.647
Il est clever\ [habile]
Chaque fois qu'on le relit, c'est nouveau.
Mais ça, c'est un phénomène très intéressant. Chaque fois que je le lis, j'ai l'impression de le lire pour la première fois, tout à fait. Ce n'est pas que je comprenne autrement, c'est que c'est tout à fait nouveau: je ne l'avais jamais lu! C'est curieux. C'est au moins la quatrième fois que je le lis.
Et vraiment, il y a tout là-dedans. Toutes les choses que j'ai découvertes ces temps derniers et qui étaient vraiment comme des révélations, c'était là-dedans. Et je ne l'avais pas vu. C'est curieux.
La première fois que je l'ai lu, c'était une révélation, ça se tenait parfaitement bien d'un bout à l'autre et j'avais l'impression que j'avais compris (et j'avais compris quelque chose). La seconde fois que je l'ai lu, j'ai dit: «Mais ce n'est pas la même chose que j'ai lu!...» Et ça se tenait, ça faisait un tout – et j'avais compris autre chose. Et puis, ces temps derniers quand je lisais, à chaque passage, je me disais: «Comme c'est nouveau! et comme il y a là-dedans les choses que j'ai trouvées depuis!» Et encore aujourd'hui, c'est

 

comme cela, c'est comme si je le lisais pour la première fois! et ça me met en rapport avec les choses que je viens de trouver.
C'est un livre miraculeux! (Mère rit)
On continuera comme cela.
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