10 juillet 1971

(À propos de quelques paroles de Mère notées de mémoire par une disciple.)

«Quand la vie est harmonieuse, ce n’est pas une récompense donnée par le Divin. Si la vie était normalement ce qu’elle doit être, tout serait toujours harmonieux...

Oui, quand c’est harmonieux, on croit: «Le Divin est content de moi»! Les gens croient comme cela, mais ce n’est pas vrai: c’est l’état NORMAL.

«...C’est à cause de nos imperfections qu’elle ne l’est pas, et quand les imperfections disparaissent, les difficultés disparaissent en même temps.»[1]

* * *

Peu après

L’expérience dans le corps est très intéressante. Toutes les soi-disant souffrances morales, intellectuelles, psychologiques, c’est-à-dire de la conscience qui n’est pas purement matérielle, ça lui paraît des enfantillages. Hier, il a eu... (comment dire? je ne sais pas comment expliquer). Il ne sent pas les choses par rapport à lui-même, il sent les choses... (silence) DANS les autres, mais avec une conscience générale, pas une conscience personnelle; et la souffrance physique, c’est-à-dire les maladies, les accidents, il a une telle horreur de cela qu’il s’est demandé pourquoi-pourquoi le monde existe comme cela[2]? Et alors, il a compris pourquoi les gens ne veulent plus avoir de corps (ça lui paraissait toujours ridicule avant), il a compris pourquoi. C’était une expérience tellement intense! il a eu une aspiration, quelque chose comme une prière (mais ce n’est pas une prière): «Que le monde change! que le monde change, il FAUT qu’il change – ou qu’il disparaisse.» Mais l’idée de disparaître ne lui était pas venue, ça lui paraissait... il lui semblait que le monde tendait vers une perfection harmonieuse; mais, n’est-ce pas, ça dure – cette durée du temps est terrible! Il y avait une aspiration d’une intensité incroyable pour la transformation. Tout paraît si épouvantable parce que... parce qu’il FAUT, il faut la transformation. Et que l’on puisse être satisfait d’un monde comme cela, c’est impossible – c’est impossible à une conscience physique qui est consciente du Divin. C’est impossible, il faut que ça change absolument. Et ça, c’était tellement aigu... ça m’a tenue toute la nuit, toute la journée comme cela pendant que je vois les gens, une intensité: il faut que ça change, il faut que ça change...

L’être, la conscience intérieure peut dire, peut être consciente que cette souffrance-là est irréelle, mais la conscience physique ne peut pas – elle ne peut pas, il FAUT que ça change. Il ne s’agit pas d’entrer dans une conscience où on laisse cette conscience physique disparaître: il faut qu’elle change, il faut qu’elle change... Je ne sais pas m’exprimer, je ne peux pas dire.

Si, si, je comprends.

Il est tellement conscient que dans tous les mondes, même le monde vital, tout dépend de l’attitude, et si vous êtes en union avec le Divin, tout peut aller, ça n’a pas d’importance, mais ça (Mère touche son corps), cette souffrance physique – le cancer, toutes ces choses – , c’est tellement concret: il FAUT que ça change, il faut que ça change. Ça ne peut pas être considéré comme une chose que l’on doit «voir autrement». Il faut réellement qu’elle change. Tu comprends ce que je veux dire?

Oui, douce Mère.

Dans tous les autres domaines, ça dépend de l’attitude; ici, ça ne dépend pas de l’attitude – on peut souffrir plus, souffrir moins, mais... N’est-ce pas, il faut que le FAIT change. Mais ça, le monde, le monde matériel vu tel qu’il est, est une chose EFFROYABLE.

N’est-ce pas, elle est tolerable à cause de l’influence mentale (vitale et mentale), mais cette influence ne suffit pas, il faut que ce soit transformé.

Je vais le dire d’une façon tout à fait ordinaire: par exemple, un être supramental qui a la conscience supramentale, si son corps a un cancer, ça restera un cancer, tu comprends?... Il peut ne pas sentir, mais à condition de se détacher de son corps; et alors, pour que la transformation soit vraie, il faut que le corps AUSSI atteigne une harmonie au-dessus – au-dessus de toutes les maladies, au-dessus de tous les accidents.

C’est la seule partie. Les autres parties de l’être peuvent se transformer, transformer leur conscience en restant ce qu’elles sont – le corps physique, lui, a besoin de changer.

Je ne sais pas si c’est une expérience de passage ou si c’est une expérience finale – ça, je ne sais pas. On verra.

Mais pourtant, avec une conscience supramentale, il ne devrait pas être possible d’avoir un cancer, par exemple.

Oui, mais alors ça veut dire... ça veut dire que la substance matérielle est transformée.

Non, je veux dire simplement la conscience: si quelqu’un a la conscience supramentale, cette conscience-là devrait pouvoir protéger le corps suffisamment, non?

Je ne sais pas, c’était ça.

Moi, cela ne me semble pas possible. Il ne me semble pas possible que quelqu’un ayant une conscience de Vérité puisse être atteint d’un Mensonge.

(silence)

S’il y a un mensonge dans le corps, c’est qu’il y a un mensonge dans la conscience.

(silence)

Je ne t’imagine pas, toi, ayant un cancer! ça ne me semble pas possible.

C’est justement.

Ça ne me semble pas possible.

Avant, c’était comme cela; avant, je pensais que c’était impossible. Mais je n’en suis plus si sûre.

Je ne sais pas.

Sauf si cela te venait comme une expérience à traverser ou comme quelque chose à conquérir pour la terre.

Oui, peut-être.

Mais ce ne pourrait être qu’un phénomène de travail, passager, ce ne pourrait pas être quelque chose qui atteigne ton corps vraiment. Cela ne me semble pas possible.

Oui, j’étais convaincue de cela... C’est probablement une expérience nécessaire, une phase nécessaire.

N’est-ce pas, j’avais l’impression toujours, toujours l’impression: s’il y a quelque chose qui ne va pas, c’est que ce quelque chose n’est pas vraiment tourné vers le Divin. Et si tout est tourné vers le Divin, n’obéit qu’au Divin, forcément ce sera harmonieux. C’était ma conviction. Et c’est hier que l’expérience est venue autrement.

Probablement, c’est une expérience nécessaire.

Oui, c’est probablement parce que ton corps est universel (enfin il est terrestre en tout cas), alors ça peut venir comme un phénomène de travail, pour un moment – ce ne peut pas être un phénomène personnel de ton corps.

Non, mon corps est de moins en moins personnel.

Oui, cela ne me semble pas possible, tu comprends.

Probablement, c’est une phase à traverser.

N’est-ce pas, ton corps est à volonté dans toutes sortes de personnes, alors il peut être très bien dans le corps d’une personne qui a un cancer...

(silence)

Non, c’est probablement pour lui donner l’intensité de consécration nécessaire.

(silence)

Il n’a pas eu peur, ni d’angoisse, ce n’est pas cela, c’était... C’était comme une expérience (je ne sais pas comment dire), mais probablement c’est une question de mots... Avec la transformation, l’impossibilité de certains désordres doit venir automatiquement.

(Mère plonge longtemps)

Nous sommes juste à la période la plus difficile.

Oui.

Parce que ce n’est plus ça, ce n’est pas encore ça.

Et le corps a des expériences curieuses: tout d’un coup, pendant quelques minutes, il sent que la fixité de la matière est une illusion et qu’elle peut... Tiens, je te donne un exemple tout à fait pratique: une chose intérieure, par exemple une inflammation quelque part; eh bien, tant que l’on est dans la conscience ordinaire, physique, elle est là, elle est concrète et elle fait mal, mais il y a une conscience où elle n’existe plus – physiquement. Si l’on sait (comment dire?)... pour dire simplement: approcher le Divin comme il faut, entrer en relation avec le Divin comme il faut, de la manière qu’il faut – ça disparaît. J’ai vu cela ces jours-ci. Et après, ça recommence comme c’est toujours.

(Mère se retourne) Il est là?

Pranab est là.

Oh! au revoir[3]!...

@

[1]. L’enregistrement du début de cette conversation n’a pas été conservé.

[2]. Notons que ce jour-là, Mère était en contact indirect (par la famille) avec un disciple atteint d’un cancer.

[3]. Il existe un enregistrement de cette conversation.

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