9 juin 1971

(Mère dit tout d’abord au disciple que l’article sur «Sri Aurobindo et le Bangladesh» a été traduit en hindi et envoyé à Delhi.)

Il y a une ruée des forces adverses. Une ruée enragée. Mais on commence à avoir la Réponse – c’est seulement un tout petit commencement. Dans chacun, c’était comme un ouragan, et ce n’est pas complètement fini. Tout ce que l’on croyait vaincu et repoussé se reprécipite – chez les plus inattendus – , sous toutes les formes, mais surtout caractère, oh!... les doutes, les révoltes, tout cela...

(silence)

On m’a demandé un message pour toute l’Inde (à l’occasion de la crise du Bangladesh). Je l’ai donné.

(Mère tend le texte)

Supreme Lord, Eternal Truth Let us obey Thee alone and live according to Truth.

Seigneur, Vérité Éternelle Permets que nous n’obéissions qu’à Toi et que nous vivions selon la Vérité.

C’est une ruée du Mensonge, effroyable. C’était comme si tout le monde mentait, même les gens les plus inattendus – partout-partout-partout. Et c’était pour moi vivant (Mère fait le geste de voir), oh! horrible, tu ne peux pas t’imaginer... Une petite torsion à droite, une petite torsion à gauche, une petite torsion – rien-rien-rien de droit. Et alors, le corps s’est dit: «Où est ton mensonge?», il s’est regardé. Et il a vu cette vieille histoire: «Il faut appeler le Seigneur seulement quand c’est important!... (Riant) Tu ne peux pas espérer être avec Lui tout le temps!» Alors il a reçu une bonne tape.

Ce n’était pas agressif, ça avait l’apparence d’une humilité – il a reçu une bonne gifle.

C’était un acharnement de choses désagréables – plus que désagréables: vraiment-vraiment méchantes et mauvaises et destructrices. Un acharnement, jusqu’à ce qu’il ait compris. Alors ce sentiment est venu dans tout le corps, toutes les cellules, partout, tout le temps (c’était même arrivé au point que je ne pouvais pas avaler quand je mangeais), jusqu’à ce que tout-tout comprenne: «Je n’existe que par le Divin, je ne peux persister que par le Divin... et je ne peux être moi-même qu’en étant le Divin.» Après cela, c’était mieux. Maintenant le corps a compris.

(long silence)

Tu n’as rien à demander? Rien à dire?

J’ai l’impression qu’il y a une mauvaise destinée sur moi.

Non, ce n’est pas vrai! Ça fait partie du Mensonge, c’est ce Mensonge – c’est une partie du Mensonge. J’avais vu ça, je l’ai vu; j’ai essayé de l’enlever, je n’ai pas réussi... Il n’y a pas de mauvaise destinée, c’est une blague! C’est un vrai mensonge. Ce n’est pas vrai – ce n’est pas vrai du tout, du tout, du tout.

Voilà, ça te donne justement un exemple: c’est comme cela – c’est comme cela partout (Mère fait un geste avec des griffes). Moi, j’ai l’impression que je vois des diablotins avec des mains crochues qui essayent de s’agripper à tout le monde.

Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas vrai, au contraire! Au contraire, la ligne que j’avais vue [pour toi] ces temps derniers, c’est justement une ascension d’influence bienfaisante sur les gens par les idées, et une chose (je t’en ai parlé) qui se répand, qui va faire son travail partout. Mais ça, naturellement, le diable ne veut pas, alors il essaye... (geste crochu) Ah! tu devrais le regarder et puis rire – lui tirer la langue comme un enfant mal élevé.

(long silence)

En tout cas, on est bien assailli.

Oh!... je te dis, c’est une ruée en masse – mais ça ne fait rien. Il faut s’élever au-dessus, et puis... (geste de regarder d’en haut). Ce que j’ai dit, c’est la Vérité, et c’est le seul remède:

n’exister que pour le Divin n’exister que par le Divin n’exister qu’au service du Divin n’exister que... en devenant divin.

Voilà.

Il n’y a pas «toi», il n’y a pas «il faut attendre», il n’y a pas «ça viendra en son temps», il n’y a pas... toutes ces choses très raisonnables, ça n’existe plus – c’est Ça (Mère abat son poing), comme une lame d’épée. C’est Ça. Et c’est Ça envers et contre tout: le Divin. Le Divin seul. Tout le fatras de mauvaises volontés et de révoltes et de... tout ça (Mère lève un doigt immuable), ça doit être balayé.

Et ce qui dit qu’on périra ou qu’on sera détruit par Ça, c’est l’ego

– c’est Monsieur l’Ego qui essaye de se faire prendre pour l’être véritable.

Mais le corps a appris que même sans ego, il est ce qu’il est, parce qu’il est ça par la Volonté divine et pas du tout par l’ego – nous existons par la Volonté divine et non par l’ego. L’ego était un moyen

– un moyen d’il y a des siècles. Il y a des siècles. Maintenant, ça ne vaut plus rien, son temps est passé. Il a eu son temps, il a eu son utilité – c’est fini, c’est passé, c’est là-bas. Maintenant... (Mère abat son poing): la conscience, c’est le Divin; le pouvoir, c’est le Divin; l’action, c’est le Divin; l’individualité, c’est le Divin.

Et ce corps a très bien compris, senti; il a «réalisé» comme on dit en anglais, realized, understood, que ce sens d’être une personnalité séparée est tout à fait inutile, tout à fait inutile, n’est pas du tout indispensable à son existence, elle est tout à fait inutile. Il existe par un autre pouvoir et une autre volonté qui n’est pas individuelle, qui n’est pas personnelle: c’est la Volonté Divine. Et il ne sera ce qu’il doit être que le jour où il sentira: il n’y a pas de différence entre lui et le Divin. Voilà tout.

Tout le reste est mensonge – mensonge-mensonge-mensonge, et mensonge qui doit disparaître. Il n’y a qu’une réalité, il n’y a qu’une vie, il n’y a qu’une conscience (Mère abat son poing): le Divin[1].

(Mère regarde le disciple avec une grande intensité,
le disciple pose son front sur les genoux de Mère)

@

[1]. Il existe un enregistrement de cette conversation.

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