13 octobre 1971

(Mère tend au disciple une fleur de «transformation» inusitée.)

Neuf pétales... C’est la nouvelle création – c’est la transformation pour la nouvelle création.

Bon!

Alors, qu’est-ce que tu apportes?

Oh! rien d’intéressant... Un peu accablé par tous les problèmes matériels.

Oh! oui...

Tu n’as rien à demander, rien à dire?

Et toi, qu’est-ce que tu dis, douce Mère?

Moi?...

(Mère plonge pendant une demi-heure)

Tu ne dis rien?

Non, rien à dire.

Est-ce que quelque chose approche?

(après un silence)

Tu connais l’histoire de la nouvelle lune?... On a découvert une nouvelle lune[1].

Ah!oui, une toute petite. Ça veut dire quelque chose?

On dit que c’est la création supramentale!

Hein!

Et qu’elle s’approche de la terre.

Et alors?

Si elle tombe dessus!...

Toute petite, c’est-à-dire? Plus petite que la terre?

Oui, je crois que c’est un mille de diamètre.

C’est tout petit!

Il paraît que tous les huit ans, elle s’approche de la terre... Mais qu’est-ce que cela a à voir avec le supramental!

Je ne sais pas! (Mère rit) Moi, je n’en sais rien... Un mille, mais alors elle peut tomber quelque part...

Oui, ça ferait une bosse!... Mais on a vraiment l’impression que tout cela a besoin d’être secoué, non?

(Mère fait le geste de ne pas savoir)

Mais toi, tu n’es pas pour le «secouage»?

(Même geste avec un sourire) Quand on m’a dit cela, j’ai eu l’impression que ça se joindrait à la terre... Mais ça ferait une catastrophe, non?

Peut-être pas considérable? Cela ferait assez de bouleversement, sûrement.

À moins qu’elle ne choisisse le pôle nord ou...

Est-ce que cela arrangerait les affaires de la terre?

(geste négatif)

Toi, tu n’aimes pas beaucoup que l’on secoue.

(même geste silence)

J’ai de plus en plus l’impression que l’on ne sait rien, que l’on ne peut rien, que l’on... Nous sommes vraiment... (geste impuissant) – que nous ne savons rien. Tout notre prétendu savoir, c’est...

Nous ne savons même pas notre propre destin.

Oui!

C’est lamentable.

(silence)

Et matériellement, dans la vie matérielle, on a l’impression d’être emmêlé dans une situation où toutes les solutions sont fausses.

Oui-oui, c’est cela exactement.

Alors on ne sait pas que faire. Dans la vie pratique, on ne sait pas quoi faire... Tu peux de tous les côtés te retourner, de tous les côtés c’est faux.

Oui, c’est faux[2].

Alors ceux qui veulent vivre véridiquement, que doivent-ils faire pratiquement? On est dans ce monde de fausseté – en soi et autour de soi – et si l’on veut intervenir dans les circonstances pour les rectifier, on est encore plus emmêlé dans ce nœud. Est-ce qu’il faut simplement se retirer et laisser faire, ou quoi?

Moi, c’est ce que je fais de plus en plus (geste d’intériorisation). Je parle de moins en moins, parce que tout ce qu’on dit est faux.

(silence)

Par exemple, je dis «le Divin» – qu’est-ce que c’est, le Divin? Moi, je ne sais pas – et je ne peux pas dire que je ne sais pas. Et même de dire cela est faux – ce n’est pas ça. Tout est pas ça. Ce n’est pas ça.

Même la vie matérielle est comme cela. Pour manger, par exemple, selon une certaine attitude (est-ce une attitude? je ne sais pas, parce que la conscience est la même), mais la Même chose peut être ou absolument détestable et impossible à avaler, ou parfaitement bien... Les circonstances matérielles elles-mêmes, les Mêmes circonstances peuvent avoir des conséquences tout à fait maléfiques et graves, ou tout à fait bénéfiques, selon... De quoi ça dépend? C’est cela. Parce que la conscience est la même apparemment, on ne sait pas ce qui provoque le changement... C’est-à-dire que toute la vie matérielle est... irréelle. Tu dis qu’il faut se battre, mais se battre contre quoi? – Tout est un mirage. Nous ne savons pas ce que c’est, nous ne savons pas ce qu’IL Y A vraiment. De quoi ça dépend? Il y a quelque chose à découvrir.

Quelquefois, le corps est pris d’une douleur intolérable, à crier – et la minute d’après, tout est parfaitement bien. Et les conditions physiques sont les MÊMES, la conscience est la MÊME... De quoi ça dépend?...

Tu vois (Mère prend son front soudain comme si elle souffrait ou elle était prise dans une impossibilité), mieux ne pas parler.

(long silence)

Quelque chose... Quelque chose[3]...

@

[1]. Appelée Toro. Bien qu’en orbite autour du soleil, elle s’approche à quelque 15 millions de kilomètres de la terre, selon un cycle de huit ans. Son prochain passage près de la terre est prévu pour le mois d’août 1972.

[2]. Par suite d’une panne du magnétophone, le reste de cette conversation a été noté de mémoire.

[3]. Ces derniers mots étaient dits d’un ton si émouvant, comme si c’était à la fois une invocation, une douleur, une prière...

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