8 septembre 1971

(Après une longue plongée contemplative.)

Vraiment, c’est une période de transition pour le corps.

Le corps est en train de réaliser, devenir conscient de ce qui, en lui, l’empêche d’être immortel, et en même temps de ce qui, en lui, peut être immortel. Et il a eu des moments d’angoisse comme il n’en a jamais eus de toute sa vie – à propos de la mort, ce qui ne lui était jamais arrivé. Et il a compris que c’était sa constitution même qui faisait cela, et ce qu’il fallait qu’il change. Et je suis... comme au seuil d’une découverte extraordinaire, mais...

(silence)

Je pourrais dire ceci: le pourquoi de la mort, c’est devenu clair, et le comment de l’immortalité, c’est... (silence)... Tu sais, c’est une chose curieuse, l’impression qu’il y a (Mère fait le geste de palper) quelque chose à TOUCHER.

(Mère reste à regarder, les yeux lumineusement ouverts, puis plonge pendant une demi-heure)

Ça peut durer indéfiniment... L’impression de toucher à quelque chose et... (geste qui échappe). Qu’est-ce que tu as senti?

C’est Sujata qui m’a fait comprendre, une fois, ce que je sens près de toi; elle a dit: «Quand on est près de toi, c’est comme si ça faisait prier le corps.» Eh bien, c’est cela, ce que je sens, c’est une puissance qui a l’air de prendre dans toutes les parties du corps et de les... je ne sais pas, de les emplir d’une aspiration intense.

Oui. Mais ça, c’est ce que mon corps sent.

Oui, ça fait prier le corps. Ça l’emplit d’une Puissance qui... Je ne sais pas, c’est comme un or chaud qui soulève tout.

Oui, c’est comme cela qu’il est tout le temps.

(silence)

Je sens que Ça coule comme ça (geste à travers Mère) constamment.

C’est peut-être cela, l’Amour Divin dans la matière?

(Mère rit beaucoup)

C’est tellement intense et chaud en même temps – chaud. Mais c’est si fort... c’est si fort qu’on a du mal à dire le mot «amour», parce que ça ne correspond à rien de ce qu’on comprend.

Oui, mais moi non plus!... Je suis comme cela (geste au front): rien-rien-rien, vide-vide-vide... Là (geste haut et large), là, c’est... oui, c’est une immensité dorée.

Oui.

(silence)

J’ai une curieuse impression que c’est une espèce de... comme des écailles, ou des écorces d’arbre, des écailles de tortue, qui fondent, et que le corps n’est pas lui-même comme cela (Mère fait un geste comme si le corps se gonflait et éclatait au soleil). Ce qui, pour l’homme, semble la matière, c’est... c’est comme quelque chose de racorni qui doit tomber parce que ça ne reçoit pas. Et dans ce corps-là (Mère touche la peau de ses mains), il essaye... ça essaye de... (même geste de gonflement ou d’épanouissement). Oh! c’est curieux. C’est une sensation curieuse.

Si l’on pouvait durer assez longtemps pour que tout cela se fonde, alors ce serait le vrai commencement.[1]

@

[1]. Mère avait tout d’abord dit: «Alors ce serait fini», puis elle a changé: «Ce serait le vrai commencement» lorsque nous avons voulu publier ce fragment dans les Notes sur le Chemin. (Il existe un enregistrement de cette conversation.)

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