12 avril 1972

(Mère nous tend une carte imprimée où se trouve sa photo et le texte suivant:)

No human will can finally prevail against the Divine’s will.

Let us put ourselves deliberately and exclusively on the side of the Divine and the victory is ultimately certain[1].

The Mother

C’est curieux comme la nature humaine résiste à cela. La nature humaine ordinaire est telle qu’elle aime mieux la défaite avec sa propre volonté que la victoire autrement. Je suis en train de découvrir des choses... incroyables – incroyables.

La profondeur de la stupidité humaine est incroyable. Incroyable.

C’est comme si cette Force dont j’avais parlé[2] allait comme cela (geste comme une foreuse) de plus en plus profond, vers le subconscient.

Dans le subconscient, il y a des choses... incroyables – incroyables. Je passe des nuits à voir cela. Et ça descend, ça descend... impératif.

Et alors, il y a le subconscient humain qui crie: «Oh! pas encore, pas encore – pas si vite!» Et c’est contre cela qu’il faut lutter. C’est un subconscient général.

Et naturellement, les résistances amènent des catastrophes, mais alors on dit: «Voyez, voyez comme votre action est bienfaisante! elle amène des catastrophes.» Incroyable, incroyable de stupidité.

Je vois en moi-même, jamais je n’ai senti cette résistance de la nature inférieure d’une façon aussi...

Oui, oui, oh! elle est augmentée formidablement.

Oui, formidablement. Mais on ne sait pas comment ça finira, il y a des moments où l’on est très inquiet.

Non, il ne faut pas. Il faut rester... rester accroché au Divin. Et n’est-ce pas, elle a de ces bonnes raisons! Elle dit: «Vous voyez, vous voyez à quoi ça vous mène, vous voyez...» Oh! c’est... ce n’est pas seulement une résistance: c’est pervers.

Oui.

C’est une perversité.

Oui, oui, douce Mère; moi, je le vois très clairement. Je vois très clairement que c’est une perversité réellement.

C’est une perversité.

Mais je ne sais pas ce qu’il faut faire. On a l’impression de quelque chose qui n’obéit à rien. Je ne sais pas ce qu’il faut faire.

Non, il n’y a qu’à... Si l’on peut ne pas écouter, c’est mieux, mais si l’on écoute, il n’y a qu’à répondre: «Ça m’est égal, ça m’est égal» – tout le temps. «Tu deviendras stupide» – ça m’est égal. «Tu gâcheras tout ton travail» – ça m’est égal... À tous ces arguments pervers, on répond: ça m’est égal.

Si l’on peut avoir l’expérience que c’est le Divin qui fait tout, alors avec une foi inébranlable, on dit: «Tout tes arguments n’ont aucune valeur; la joie d’être avec le Divin, conscient du Divin, dépasse tout» – dépasse la création, dépasse la vie, dépasse le bonheur, dépasse la réussite, dépasse tout (Mère lève un doigt): ÇA.

Voilà. Alors c’est bien. Alors c’est fini.

C’est comme si Ça poussait au jour, comme si Ça mettait au jour, en contact avec cette Force, tout ce qu’il y a de pire dans la nature...

Oui!

... pour que ce soit fini.

Et alors, ça semble s’accrocher à ce qui, en nous, était de bonne volonté.

Il y a un moment où ça devient absolument merveilleux, mais on passe par des heures qui ne sont pas agréables.

Oui. Oui, il y a des moments où l’on se demande si tout ne va pas être balayé.

(Mère rit) C’est absurde! c’est absurde. C’est toute la résistance qui va être balayée. Mais...

(Mère plonge, puis sourit)

J’ai de plus en plus l’impression qu’il n’y a qu’un moyen... (Riant) Ça fait une image amusante: s’asseoir sur le mental – s’asseoir sur le mental: tais-toi. C’est le seul moyen.

On s’assoit sur le mental (Mère donne une petite tape): tais-toi.

(silence)

Dans le subconscient, il y a le souvenir des anciens («previous», quel est le mot français?) des anciens pralayas[3], et alors c’est ce souvenir qui donne toujours cette impression que tout va se dissoudre, tout va s’écrouler.

Mais si l’on regarde avec la vraie lumière, ce ne peut être qu’une manifestation plus belle! Théon m’avait dit que c’était la septième et la dernière. Sri Aurobindo (je lui avais dit ce que Théon disait), Sri Aurobindo était d’accord, parce qu’il a dit: «Celle-là verra la transformation vers le Supramental.» Mais le Supramental, pour cela, il faut que le mental se taise! Et alors, ça me donne toujours l’impression (riant) d’un enfant qui est assis sur la tête du mental et qui (geste comme un enfant qui bat des pieds), qui joue sur la tête du mental! – Si je pouvais encore faire du dessin, ce serait vraiment amusant. Le mental – ce gros mental terrestre (Mère se gonfle les joues) – qui se croit si important et si indispensable, et alors l’enfant assis sur sa tête et qui joue! C’est très amusant.

Ah! mon petit, nous n’avons pas la foi, dès que l’on a la foi...

Nous disons: «Nous voulons la vie divine» – mais nous en avons peur! Mais dès que la peur s’en va et que l’on est sincère... vraiment tout change.

Nous disons: «Nous ne voulons plus de cette vie», et... (riant) il y a quelque chose qui s’accroche!

Oui!

C’est si ridicule.

Nous nous accrochons à nos vieilles idées, nos vieilles... à ce vieux monde qui doit disparaître – nous avons peur!

Et l’enfant divin assis sur la tête du mental, il joue!... Je voudrais pouvoir faire cette image, c’est merveilleux.

Nous sommes tellement stupides que nous en arrivons à dire (Mère prend un ton de dignité offensée): le Divin a tort, «Tu ne devrais pas faire comme ça»! C’est comique, mon petit.

(silence)

Pour moi, le meilleur remède (c’est-à-dire le plus facile), c’est: ce que Tu voudras – ce que Tu voudras, en toute sincérité. En toute sincérité. Et alors – alors la compréhension vient. Alors on comprend. Mais on ne comprend pas mentalement, ce n’est pas là (Mère touche sa tête).

Ce que Tu voudras.

(silence)

Alors la résistance dans les gens, je vois, je vois (ils ne me le disent pas, mais ils le pensent; je vois dans le mental comme cela – geste dans l’atmosphère autour): radotage de vieille femme!

Voilà.

Ah[4]!...

@

[1]. «Aucune volonté humaine ne peut finalement prévaloir contre la volonté du Divin. Mettons-nous délibérément et exclusivement du côté du Divin et la victoire finale est certaine.»

[2]. La descente du 21 février (la «pression terrible pour obtenir le progrès voulu», voir conversation du 8 mars).

[3]. Pralaya: fin d’un monde, apocalypse.

[4]. Il existe un enregistrement de cette conversation.

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