19 juillet 1972

Ça va?

Pas trop.

Pourquoi?

Je ne sais pas.

Qu’est-ce qu’il y a?... C’est la tête ou le corps?

Oh! non, c’est intérieur plutôt.

Ooh! ça, il faut que ça aille bien. Intérieur: nous sommes les maîtres – nous voulons aller bien, nous allons bien. Il n’y a que ça (Mère désigne son corps) qui n’obéit pas tout à fait.

(long silence Mère tient les mains du disciple)

Dans le subconscient, il y a une accumulation de défaitisme. C’est cela qui remonte. Parce qu’il faut que nous changions ça ABSOLUMENT, il faut clarifier le subconscient pour que la nouvelle race puisse venir. Il faut clarifier le subconscient – c’est bourbeux.

C’est plein de défaitisme: défaitisme, la première réaction est défaitiste. C’est absolument dégoûtant, mon petit, j’ai vu cela, je suis en train de travailler... c’est un endroit dégoûtant. Il faut absolument... il faut être catégorique, énergique – sans peur, tu sais. Il FAUT que ça change. C’est vilain.

Et ça remonte... (geste d’en bas).

(silence)

Il y a une énergie formidable qui est checked, bloquée par ça, par cette ignoble chose.

(Mère donne des fleurs à Sujata) Tiens. Tu veux une guirlande?

Il faut... (à Satprem) Toi, tu as le pouvoir de... (Mère enfonce son poing dans la Matière). Le défaitisme appartient au subconscient – il FAUT que ça change, absolument. Le défaitisme, c’est l’anti-divin.

(silence)

Il n’y a qu’une façon: vouloir ce que la Conscience Suprême veut – quelles que soient les conséquences selon notre petite conception habituelle.

Et alors c’est comme cela (Mère ouvre les mains): vouloir ce que Tu veux.

J’ai une relation avec cette Conscience Suprême?

Oh! mon petit! ça ne se demande pas!

Tu as une relation – tu as une relation même consciente; non seulement tu as une relation, mais tu as une relation consciente.

(silence)

J’ai traversé dans ma vie toutes sortes de choses terribles...

Oui, tout le monde est comme cela.

Oui, mais je crois que j’en ai eu une dose... spéciale.

Tu ne crois pas que j’en ai eu ma dose aussi?

Oui, ça sûrement, je pense.

Et alors?

Mais j’ai eu (je parle même de l’époque où je ne te connaissais pas, où je ne connaissais pas l’Ashram), j’avais l’impression qu’il y avait quelque chose derrière moi...

Oui.

Quelque chose qui m’aidait.

Bien sûr! Bien sûr, il y avait! Bien sûr, il y avait: c’est ça. Moi, je l’appelle la «Conscience Suprême» parce que je ne veux pas parler de «Dieu»...

Ah! oui!

C’est plein... le mot lui-même est si plein de mensonge. Ce n’est pas ça, c’est... Nous SOMMES – nous SOMMES le Divin qui s’est oublié Lui-même. Et notre travail, le travail, c’est de rétablir la connexion – appelez-le n’importe comment, ça n’a pas d’importance. C’est la Perfection que nous devons devenir, c’est tout.

C’est la Perfection, le Pouvoir, la Connaissance que nous devons devenir, c’est tout. Appelez-le comme vous voulez, ça m’est tout à fait égal. Mais c’est l’aspiration qu’il faut avoir. Il faut sortir de ce bourbier, de cette imbécillité, de cette inconscience, de ce défaitisme dégoûtant qui nous écrase, parce que nous nous laissons écraser.

Et nous avons peur. Nous avons peur pour la vie de ça (Mère touche la peau de ses mains), de cette espèce de chose, comme si c’était... parce que nous voulons rester conscients – mais unissons-nous à la Conscience Suprême, nous serons éternellement conscients! C’est ça, c’est ça.

Je dirais: nous unissons notre conscience à ce qui doit périr et nous avons peur de périr[1]! Mais moi, je dis: unissons notre conscience à la Conscience éternelle et nous aurons la conscience éternelle.

C’est d’une stupidité qui n’a pas de nom!

(silence)

Mais tu vois, quand tu es là, je peux exprimer les choses, parce que dans ton atmosphère il y a ce qu’il faut pour pouvoir les exprimer.

Il faut... il faut mettre ça au service du Divin – toujours. Toujours. Avec une foi, une foi absolue: c’est ce que le Divin veut qui arrive. Et le Divin... moi, je dis «Divin» parce que je sais ce que je veux dire, c’est-à-dire la Connaissance suprême, la Beauté suprême, la Bonté suprême, la Volonté suprême – tout... tout ce qui doit se manifester pour arriver à exprimer... ce qui doit être exprimé.

(long silence)

Nous sommes dégoûtés du monde tel qu’il est – et nous avons le POUVOIR de le changer, et nous sommes si bêtes que nous ne savons pas abdiquer notre personnalité imbécile pour... pour que cette Merveille se réalise.

Et tout ça, c’est dans le subconscient, accumulé: tout ce que nous avons rejeté de nous et qui est là, et qui maintenant doit être mis en contact avec la Force transformatrice... pour que le temps de cette inconscience soit fini.

(Mère plonge pendant une demi-heure)

Mon petit[2]...

* * *

(Ce qui suit a déjà fait l’objet de plusieurs conversations Van passé et reviendra encore malheureusement. Il s’agissait donc de la vente de nos livres à l’étranger et d’un trafic de devises sur lequel nous avions l’impudence ou l’imprudence de mettre le doigt, mais surtout il s’agissait de gens qui volaient Mère purement et simplement. Les livres de Satprem ne représentaient, en effet, qu’un petit coin d’une vaste manipulation qui englobait toutes les œuvres de Sri Aurobindo. Comme Don Quichotte, nous nous lancions dans une bataille dont l’issue était prévisible. Rappelons que le marchand de livres, sabda, était le frère de celui qui allait s’emparer d’Auroville, et qu’en fait nous nous trouvions devant une maffia bien organisée. Seulement nous ne le savions pas encore. Nous ne relatons cette affaire que parce qu’elle est symbolique de l’ensemble.)

Tu n’as rien à demander?

J’aurais un problème matériel, douce Mère, mais peut-être est-il trop tard, non?

Quelle heure?

Il est onze heures dix maintenant.

Non, qu’est-ce que c’est?

Oh! c’est un problème qui m’ennuie. Il s’agit de mes livres qui sont à «All India Press».

Ça, mon petit, il faut en parler à André[3].

Oui, j’ai parlé à André. Je ne sais pas ce qu’ils fabriquent avec mes livres. N’est-ce pas, ils ne me donnent aucun compte, ils ne me demandent rien quand ils font quelque chose. Je ne sais pas ce qu’ils fabriquent en Europe – en Suisse notamment – avec mes livres, ils ne me tiennent au courant de rien, je n’ai aucun contrôle sur ce qui se passe. Alors j’avais écrit une lettre à M [le directeur d’All India Press], une lettre polie, aimable, où je lui demandais de me tenir au courant de ce qu’ils faisaient de mes livres – il n’a jamais répondu. Puis j’ai pensé qu’il fallait écrire quelque chose à M et qu’il n’y avait que toi qui avais le pouvoir.

Ce n’est pas M, c’est... (Mère cherche le nom).

SABDA?

Oui.

Alors j’avais pensé à faire une note, et André approuvait aussi cette note. Si tu veux que je te la lise?

Qu’est-ce que c’est?

J’avais mis: «À All India Press».

Non, il faut mettre SABDA.

Bon. [Le disciple lit:]

«Les livres de Satprem ne seront traduits, réimprimés ou ne feront l’objet d’un contrat qu’avec son consentement formel...

C’est évident. Bien entendu!

Eh bien, oui, c’est bien entendu, mais... Et après:

«Un relevé des ventes devra lui être envoyé à la fin de chaque année, et, en attendant, un relevé depuis le début jusqu’à ce jour.»

C’est-à-dire: en telle année, nous avons vendu tant d’exemplaires, telle année tant d’exemplaires – savoir combien d’exemplaires ils vendent.

C’est bien.

J’avais demandé – ils n’ont jamais répondu. La seule solution, c’est que ce soit toi qui envoies le...

Oui, bien entendu. Mais je vais le faire par André.

Bon. Si tu veux le signer, je vais le donnera André. Alors, au lieu de «à All India Press», il faut mettre quoi? sabda?

Il n’y a qu’à mettre «SABDA» après, en dessous.

Simplement, que je sois tenu au courant, tu comprends! Ils font toutes sortes de choses sans rien dire.

(Mère reste absorbée)

@

[1]. En fait, Mère était aux prises non seulement avec le défaitisme du subconscient, mais avec cette «formation de mort» qui était dans l’atmosphère.

[2]. Il existe un enregistrement de cette conversation. Il existe aussi un enregistrement de la conversation qui suit, mais étant donné son caractère particulier, nous ne le diffuserons pas, sauf à ceux qui en feraient spécialement la demande.

[3]. André = le fils de Mère. C’est seulement après le départ de Pavitra, en 1969, que Mère a commencé à essayer de se servir de lui. Un être faible qui se laissait manœuvrer par tout le monde. Il était le fils de Mère, mais aussi, on l’oublie trop souvent, le fils de son père.

Hosted by uCoz