3 juin 1972

Tout le temps, tout le temps il y a des choses que je voudrais que tu saches, et je n’ai pas l’occasion de les dire. Mais tu sais, absolument rien de la mémoire ordinaire, rien. Alors, si ça vient, ça vient; si ça ne vient pas... c’est perdu.

Des choses... fantastiques.

(silence)

C’est comme si je marchais sur une toute petite ligne très étroite: d’un côté, c’est l’imbécillité; de l’autre côté, le génie! Et je vais comme cela (geste comme sur une crête).

Et de quoi ça dépend? Sais pas.

Les vieilles manières sont périmées, les nouvelles ne sont pas encore établies. Mais ça vient tout d’un coup: pendant quelques minutes, un éblouissement de lumière... quelque chose de merveilleux, l’impression d’un pouvoir sur le monde tout entier. Et puis la minute d’après, il n’y a plus rien.

La nuit, le jour comme cela.

Quelquefois, sans aucune raison apparente, un malaise tellement effroyable que j’ai l’impression que ça doit forcément mener vers la mort, et puis... quelque chose me dit: «Don’t mind» [fais pas attention], comme si Sri Aurobindo veillait sur moi – don’t mind, don’t mind... Alors... (Mère ouvre les mains). Et puis au bout d’un certain temps: parti, on ne sait comment.

(silence)

Peux plus manger – oh! c’est difficile. Difficile. C’est la chose la plus difficile, manger... Je n’ai pas du tout de dégoût pour la nourriture, rien de ce genre, mais impossibilité de le mettre dans la bouche. Je peux boire... encore.

Il n’y a rien, rien (geste au front), vide-vide-vide-vide... Et alors, si je reste comme cela...

(Mère part en contemplation)

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