31 janvier 1973

(Long silence, Mère hoche la tête plusieurs fois d’un air de ne pas savoir, essaye de parler, puis replonge.)

Les mêmes circonstances, identiques, au même moment, ça peut être une béatitude merveilleuse – merveilleuse! comme je n’en avais jamais senti – et un enfer. Exactement les mêmes circonstances et au même moment.

Pendant des heures, on a l’impression qu’il y a de quoi devenir fou, et pendant quelques... (peut-être des heures aussi, peut-être quelques minutes – la notion du temps n’est pas la même, mais enfin...) une merveille. Une Présence merveilleuse.

Vraiment, cela ne dépend pas des circonstances: les circonstances sont toujours les mêmes et...

Et alors, dans cette nouvelle conscience, le temps n’a plus du tout la même valeur: j’ai l’impression qu’il s’est passé quelques minutes et on me dit qu’il y a presque une heure. Voilà.

(silence)

Alors c’est comme tu veux. Si tu veux méditer...

Pour moi, j’ai une curieuse impression. Autrefois, il y a des années, j’avais l’impression qu’il y avait une partie de ma conscience qui était large, qui était... «ceci», qui était «cela»; maintenant, je comprends très bien ce que tu dis quand tu parles d’une «vieille écorce» (tu sais: «Il reste une vieille écorce»), j’ai l’impression que je ne suis plus seulement qu’une quantité de défauts, d’imperfections, de choses obscures, etc., mais l’autre partie m’échappe complètement. Il ne reste plus que cette espèce de façade pleine de choses désagréables, contradictoires et fausses. Mais l’autre partie, l’autre moi... je ne sais pas, ça m’échappe. Je sais qu’il est là, mais je suis conscient surtout de tout ça qui est devant moi.

(Mère plonge)

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